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20/10/1999 | FRANCE | N°95NT01289

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 20 octobre 1999, 95NT01289


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 septembre 1995, présentée pour la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux, dont le siège social est ... (Alpes-Maritimes), par Me FLECHEUX, avocat ;
La société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90-645 du 29 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande du groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc, l'arrêté du 5 février 1990 par lequel le préfet des Côtes-du-Nord lui a délivré un permi

s de construire un bâtiment à usage de commerces et de services ;
2 ) de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 septembre 1995, présentée pour la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux, dont le siège social est ... (Alpes-Maritimes), par Me FLECHEUX, avocat ;
La société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90-645 du 29 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande du groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc, l'arrêté du 5 février 1990 par lequel le préfet des Côtes-du-Nord lui a délivré un permis de construire un bâtiment à usage de commerces et de services ;
2 ) de rejeter la demande présentée par le groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc devant le Tribunal administratif de Rennes ;
3 ) de condamner le groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 1999 :
- le rapport de Mme STEFANSKI, premier conseiller,
- les observations de Me CNUDDE X..., se substituant à Me FLECHEUX, avocat de la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux,
- les observations de M. JEFFRAY, président du groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement du 29 juin 1995, le Tribunal administratif de Rennes a, sur la demande du groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc, annulé l'arrêté du 5 février 1990 par lequel le préfet des Côtes-du-Nord a accordé à la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux un permis de construire un bâtiment à usage de commerces et de services sur des terrains situés en zone NAmr du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Quay-Portrieux ; que le tribunal s'est fondé, d'une part, sur ce qu'il avait annulé par un jugement précédent la délibération du 21 juillet 1988 par laquelle le conseil municipal de Saint-Quay-Portrieux avait approuvé la modification du plan d'occupation des sols de la commune, et d'autre part, sur ce que l'arrêté attaqué était entaché des mêmes violations des dispositions du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de l'aire urbaine de Saint-Brieuc et de l'article L.146-4-II du code de l'urbanisme que la délibération susmentionnée ;
Considérant que, par une décision en date du 25 mars 1998, le Conseil d'Etat a annulé le jugement en date du 24 mars 1994 par lequel le Tribunal administratif de Rennes avait annulé la délibération précitée du 21 juillet 1998 approuvant la modification du plan d'occupation des sols ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme : "II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ... doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma directeur ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer ..." ; que les auteurs de la révision du plan d'occupation des sols ont suffisamment motivé le projet d'urbanisation destiné à accueillir des constructions sur les terres-pleins du nouveau port de pêche et de plaisance, correspondant à une surface au sol de 5 000 m et une surface hors oeuvre de 10 000 m ; que cette extension de l'urbanisation, due à l'ensemble immobilier dont fait partie le projet contesté, a un caractère limité et que les constructions sont destinées à accueillir des activités économiques liées au port, donc à un équipement exigeant la proximité immédiate de l'eau ; que la première condition exigée par le II de l'article L.146-4 précité étant remplie, le moyen tiré de ce que l'extension de l'urbanisation ne serait pas conforme aux dispositions du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de l'aire urbaine de Saint-Brieuc est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs précités pour annuler par son jugement du 29 juin 1995 l'arrêté contesté ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Sur la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article L.421-2-1 du code de l'urbanisme : "Sont toutefois délivrés ou établis, au nom de l'Etat, par le maire ou le représentant de l'Etat dans le département, après avis du maire ou du président de l'établissement public compétent, les autorisations ou actes relatifs à l'utilisation et à l'occupation du sol concernant : a) Les constructions, installations ou travaux réalisés pour le compte de l'Etat, de la région, du département, de leurs établissements publics et concessionnaires ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que le département des Côtes-du-Nord a concédé à la commune de Saint-Quay-Portrieux la construction et la gestion d'un nouveau port de plaisance et de pêche ; que la commune a, en ce qui concerne la partie du port relative à la plaisance, cédé cette concession à la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux ; que cette cession était prévue au cahier des charges de la concession et que la société doit, ainsi, être regardée comme agissant pour le compte du département ; que, dès lors, le préfet des Côtes-du-Nord était compétent, en application des dispositions précitées, pour accorder le permis de construire contesté ;
Considérant qu'en vertu du 19 c) du tableau annexé à l'article 1er du décret n 85-630 du 23 avril 1985 pris pour l'application de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques, la délivrance du permis de construire comportant "La création, pour un immeuble à usage de commerce, d'une superficie hors oeuvre nette nouvelle supérieure à 10 000 m", doit être précédée d'une enquête publique ; qu'aux termes de l'article 1er du même décret : "II - En cas de réalisation fractionnée d'une même opération, l'appréciation des seuils et critères mentionnés à ce tableau tient compte de l'ensemble de l'opération." ; que si la réalisation du nouveau port de Saint-Quay-Portrieux comporte la réalisation fractionnée d'un ensemble de bâtiments, qui font l'objet de permis de construire distincts, seule doit être prise en considération, pour l'application des dispositions précitées, la surface hors oeuvre nette de 9 222 m des bâtiments à usage d'hôtel, de commerces et de services, à l'exclusion de la surface hors oeuvre nette de 7 436 m du bâtiment de vente à la criée destiné, non aux usagers du port de plaisance, mais à ceux du port de pêche ; que, dès lors, le permis de construire attaqué, dont la délivrance n'avait pas à être précédée d'une enquête publique, n'a pas été accordé en méconnaissance des dispositions précitées du décret du 23 avril 1985 ;
Considérant que le procès-verbal de la réunion du 22 août 1989 au cours de laquelle la commission départementale de sécurité a émis un avis sur le permis de construire contesté, a été produit au dossier de première instance ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de consultation de ladite commission manque en fait ;
Sur la légalité interne :
Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le permis de construire contesté a été pris sur le fondement de la délibération du 22 septembre 1989, par laquelle le conseil municipal de Saint-Quay-Portrieux a décidé l'application anticipée des nouvelles dispositions du plan d'occupation des sols dont la révision avait été prescrite par délibération du 2 juin 1989 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.123-4 du code de l'urbanisme, le conseil municipal peut décider l'application anticipée d'un plan d'occupation des sols en cours de révision, dès lors que cette application : " ...c) N'a pas pour objet ou pour effet de supprimer une protection édictée en faveur d'un espace boisé ou de réduire de façon sensible une protection édictée en raison de la valeur agricole des terres, des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération susmentionnée n'a, contrairement à ce que soutient le groupement requérant, ni pour objet, ni pour effet de réduire la protection du site, la modification du plan d'occupation des sols approuvée auparavant par la délibération du 21 juillet 1988 ayant déjà autorisé l'ouverture à l'urbanisation de cette zone ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme : "III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur la bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ... Cette interdiction ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ..." ; que, comme il a été dit ci-dessus, les constructions projetées sont destinées à accueillir des activités économiques liées au port, donc à un équipement exigeant la proximité immédiate de l'eau ; que, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit, dès lors, être rejeté ;
Considérant que l'article R.631-2 du code des ports maritimes aux termes duquel "Il ne peut être établi, sur les dépendances du domaine public mentionnées à l'article R.631-1, que des ouvrages, bâtiments ou équipements ayant un rapport avec l'exploitation du port ou de nature à contribuer à l'animation ou au développement de celui-ci" n'est pas au nombre des dispositions dont le permis de construire assure le respect ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est, dès lors, inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article NAmr1 du règlement du plan d'occupation des sols en cours de révision applicable par anticipation : "II - Sont admises dans cette zone les occupations et utilisations du sol ci-après : - les ouvrages et installations nécessaires à la réalisation et à l'activité du port en eau profonde ainsi que les constructions qui y sont liées, sous réserve de leur intégration dans l'environnement ..." ; que les constructions et commerces, qui ont pour objet l'animation du port, y sont liées ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les constructions ne s'intégreraient pas à l'environnement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet des Côtes-du-Nord en date du 5 février 1990 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner le groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc à payer à la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux une somme de 3 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 29 juin 1995 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées devant le Tribunal administratif de Rennes par le groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc sont rejetées.
Article 3 : Le groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc versera à la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux une somme de trois mille francs (3 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société du Nouveau Port de Saint-Quay-Portrieux, au groupement pour l'étude et la protection de la nature en baie de Saint-Brieuc et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT01289
Date de la décision : 20/10/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - MODIFICATION ET REVISION DES PLANS.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - PROCEDURE D'ATTRIBUTION - INSTRUCTION DE LA DEMANDE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - PROCEDURE D'ATTRIBUTION - AUTORITE COMPETENTE POUR STATUER SUR LA DEMANDE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - REGLES NON PRISES EN COMPTE LORS DE LA DELIVRANCE DU PERMIS DE CONSTRUIRE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE AU REGARD DE LA REGLEMENTATION NATIONALE - PRESCRIPTIONS POSEES PAR LES LOIS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME.


Références :

Arrêté du 05 février 1990
Code de l'urbanisme L146-4, L421-2-1, L123-4
Code des ports maritimes R631-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 85-630 du 23 avril 1985 art. 1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-10-20;95nt01289 ?
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