La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/07/1999 | FRANCE | N°96NT01101

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 23 juillet 1999, 96NT01101


Vu, enregistré au greffe de la Cour le 25 avril 1996, le recours présenté par le ministre du travail et des affaires sociales ;
Le ministre demande que la Cour :
1 ) annule le jugement n 94-223 du 27 février 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du préfet de la région Haute-Normandie du 17 juin 1993 limitant à six places l'autorisation accordée à la clinique François 1er au Havre de poursuivre une activité de chirurgie ambulatoire, ensemble la décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre cet arrêté ;
2 ) rejette

la demande présentée par la clinique François 1er devant le Tribunal admini...

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 25 avril 1996, le recours présenté par le ministre du travail et des affaires sociales ;
Le ministre demande que la Cour :
1 ) annule le jugement n 94-223 du 27 février 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du préfet de la région Haute-Normandie du 17 juin 1993 limitant à six places l'autorisation accordée à la clinique François 1er au Havre de poursuivre une activité de chirurgie ambulatoire, ensemble la décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre cet arrêté ;
2 ) rejette la demande présentée par la clinique François 1er devant le Tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu les lois n 91-748 du 31 juillet 1991 et n 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu la loi n 96-452 du 28 mai 1996 ;
Vu le décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le décret n 92-1101 du 2 octobre 1992 ;
Vu l'arrêté du ministre de la santé et de l'action humanitaire du 12 novembre 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 1999 :
- le rapport de M. LEMAI, président,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L.712-2, 2 , a), L.712-8, 2 , L.712-14 et L.712-16, insérés dans le code de la santé publique par l'article 4 de la loi n 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, la réalisation des projets relatifs à la création, à l'extension et à la transformation des installations nécessaires aux besoins de la population que sont "les structures alternatives à l'hospitalisation", est subordonnée à la délivrance d'une autorisation, accordée, pour une durée déterminée de cinq ans au moins, par le représentant de l'Etat, lorsque le projet satisfait, notamment, ainsi que l'exige l'article L.712-9, 3 , du code précité, "à des conditions techniques de fonctionnement fixées par décret" ; que les articles R.712-2-1 et R.712-2-3 du même code, dans leur rédaction issue de l'article 1er du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992, précisent, le premier, que les structures de soins alternatives à l'hospitalisation "ont pour objet d'éviter une hospitalisation à temps complet ou d'en diminuer la durée" et "comprennent" notamment : "b) les structures pratiquant l'anesthésie ou la chirurgie ambulatoires", le second, que la capacité de ces structures "est exprimée en places", dont le nombre "est obtenu en divisant par 365 le nombre maximum annuel de patients pouvant être accueillis pour une durée inférieure à un jour ..." ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi n 91-748 du 31 juillet 1991 : "Les établissements publics de santé, qui, antérieurement à la date de promulgation de la présente loi, comportaient des structures de soins alternatives à l'hospitalisation mentionnées à l'article L.712-2 du code de la santé publique sont autorisés à poursuivre cette activité, à condition d'en faire la déclaration au représentant de l'Etat et de respecter, dans un délai fixé par décret, les conditions techniques prévues au 3 de l'article L.712-9 dudit code" ; que ces dispositions ont été étendues aux établissements de santé privés par l'article 10 de la loi n 91-1406 du 31 décembre 1991, portant diverses dispositions d'ordre social ; que, selon l'article 2, premier alinéa, du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992 : "Les établissements de santé publics et privés qui comportaient des structures de soins alternatives à l'hospitalisation à la date de la publication de la loi du 31 juillet 1991, modifiée, susvisée, disposent d'un délai de quatre mois pour procéder, auprès du préfet de région, à la déclaration prévue à l'article 24 de cette loi. Les modalités et le contenu de cette déclaration, où devront figurer notamment les informations permettant d'apprécier la consistance et l'activité de la structure de soins à la date précitée, sont définis par un arrêté du ministre chargé de la santé ..." ; que l'article 2 de l'arrêté du ministre de la santé et de l'action humanitaire du 12 novembre 1992 a précisé les critères au regard desquels les préfets de région devraient procéder à cette appréciation ; qu'aux termes du second alinéa, première phrase, de l'article 2 du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992 : "Le préfet de région délivre un récépissé du dépôt de la déclaration, qui vaut autorisation de poursuivre l'activité pour chaque structure de soins concernée et qui en précise la capacité retenue en nombre de places." ;

Considérant que pour annuler la décision du préfet de la région Haute-Normandie du 17 juin 1993 limitant à six places l'autorisation accordée à la clinique François 1er au Havre de poursuivre ses activités d'anesthésie ou de chirurgie ambulatoires, le Tribunal s'est fondé sur le fait que le préfet avait fait application des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 12 novembre 1992 du ministre de la santé et de l'action humanitaire, lesquelles étaient illégales en tant qu'elles édictaient des conditions réglementaires s'imposant aux préfets de région dans l'appréciation de la consistance et l'activité des structures de soins déclarées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 36 de la loi du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire : "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les décisions concernant la poursuite de l'activité des structures de soins alternatives à l'hospitalisation prises sur le fondement de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992, relatif aux modalités et au contenu de la déclaration prévue à l'article 24 de la loi n 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, sont validées en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur dudit arrêté." ;
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la validation législative litigieuse serait contraire à la Constitution du 4 octobre 1958 et à des principes de valeur constitutionnelle n'est pas de nature à être utilement présenté devant la juridiction administrative ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial qui décidera ... de ses contestations sur ses droits et obligations de caractère civil" ; que le présent litige a pour objet une contestation portant sur de tels droits et obligations ;
Considérant que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant des mesures législatives à portée rétroactive dont la conséquence est la modification des règles que le juge doit appliquer pour statuer sur des litiges dans lesquels l'Etat est partie, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par des motifs d'intérêt général ;

Considérant que l'article 36 précité de la loi du 28 mai 1996, qui réserve expressément les droits nés des décisions passées en force de chose jugée, a pour objet, non de valider intégralement les décisions prises sur le fondement de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992, mais seulement de rendre insusceptible d'être invoqué devant le juge de l'excès de pouvoir le moyen tiré de ce que l'auteur de cet arrêté a excédé les limites de l'habilitation qu'il tenait de l'article 2, premier alinéa, du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992, en édictant des conditions réglementaires s'imposant aux préfets de région dans l'appréciation de la consistance et de l'activité des structures de soins déclarées ; qu'il ne prive pas les établissements concernés de la possibilité de faire valoir en justice les droits à la poursuite d'une activité antérieure qu'ils tiendraient de l'article 24 de la loi du 31 juillet 1991 modifiée ; que, par suite, il ne peut être regardé comme portant atteinte au principe du droit à un procès équitable énoncé au paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, le motif tiré de l'incompétence du ministre sur lequel le Tribunal administratif s'est fondé ne peut être maintenu ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la clinique François 1er ;
Considérant que la participation de médecins-conseils ou de représentants des régimes d'assurance maladie à la vérification des informations contenues dans les déclarations déposées par les établissements de santé est expressément prévue à l'article 3 de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992 dont la clinique ne conteste pas la légalité sur ce point ; que si une circulaire du 15 décembre 1992 prévoit également la participation de représentants des régimes d'assurance maladie aux "comités de liaison" institués auprès des préfets de région afin d'assurer un traitement homogène des déclarations en ce qui concerne notamment les méthodes de contrôle, cette disposition qui ne remet pas en cause la compétence exclusive du préfet de région pour statuer sur les demandes, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral pris au vu de l'instruction desdites déclarations ;
Considérant que l'article 8, premier alinéa, du décret n 83-1025 du 28 novembre 1983, selon lequel les décisions qui doivent, comme en l'espèce, être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, précise que cette règle n'est pas applicable dans le cas où "il est statué sur une demande présentée par l'intéressé lui-même" ; que l'arrêté préfectoral contesté par la clinique François 1er a été pris au vu de la déclaration par laquelle cet établissement avait demandé l'autorisation de poursuivre une activité de chirurgie ambulatoire ; qu'ainsi, ni l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, ni aucun autre texte ou principe général du droit n'obligeait le préfet à ne prendre sa décision qu'après avoir mis à même la clinique François 1er de formuler ses observations ;

Considérant que cette décision n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L.712-16 du code de la santé publique relatif à la procédure d'autorisation, le moyen tiré du défaut de consultation par le préfet du comité régional de l'organisation sanitaire et sociale et, par le ministre saisi du recours hiérarchique, du comité national de l'organisation sanitaire et sociale ne peut qu'être écarté ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la clinique François 1er, l'article 2 du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992 ne méconnaît pas la portée de la procédure de déclaration instituée par l'article 24 de la loi du 19 juillet 1991 en prévoyant que la déclaration doit contenir des informations permettant d'apprécier la consistance et l'activité de la structure déclarée ; que pour apprécier celles déclarées par la clinique François 1er, le préfet n'a pas fait application d'autres critères que ceux contenus à l'article 2 de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992 pris pour l'application de l'article 2 du décret du 2 octobre 1992 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la circulaire du 15 décembre 1992, qui commente ces dispositions réglementaires, comporterait illégalement des prescriptions complémentaires et serait, en outre, inopposable faute de publication est, en tout état de cause, inopérant ;
Considérant que la clinique François 1er ne discute pas devant le juge administratif le nombre de patients retenu par le préfet pour évaluer l'activité qu'elle a réalisée au cours du dernier trimestre de l'année 1991 ; que ce nombre de patients, rapporté à l'année entière, correspond à une capacité de six places au sens de l'article R.712-2-3 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral du 17 juin 1993 ainsi que la décision implicite rejetant le recours hiérarchique dont il avait été saisi ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la clinique François 1er la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 27 février 1996 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la clinique François 1er devant le Tribunal administratif, ensemble ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'emploi et de la solidarité et à la clinique François 1er.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96NT01101
Date de la décision : 23/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDATION LEGISLATIVE.

SANTE PUBLIQUE - AUTRES ETABLISSEMENTS A CARACTERE SANITAIRE.


Références :

Arrêté du 12 novembre 1992 art. 2, art. 3
Arrêté du 17 juin 1993
Circulaire du 15 décembre 1992
Code de la santé publique L712-9, R712-2-1, R712-2-3, L712-16
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8
Décret 92-1101 du 02 octobre 1992 art. 1, art. 2
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 91-1406 du 31 décembre 1991 art. 10
Loi 91-748 du 31 juillet 1991 art. 4, art. 24
Loi 96-452 du 28 mai 1996 art. 36


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LEMAI
Rapporteur public ?: Mme COËNT-BOCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-07-23;96nt01101 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award