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23/07/1999 | FRANCE | N°96NT00643

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 23 juillet 1999, 96NT00643


Vu l'ordonnance en date du 15 février 1996, enregistrée au greffe de la Cour le 11 mars 1996, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le recours présenté par le ministre du travail et des affaires sociales ;
Vu le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 décembre 1995 ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-2182 du 20 octobre 1995 par lequel le Tribunal ad

ministratif de Nantes a annulé un arrêté du préfet de la région de...

Vu l'ordonnance en date du 15 février 1996, enregistrée au greffe de la Cour le 11 mars 1996, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le recours présenté par le ministre du travail et des affaires sociales ;
Vu le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 décembre 1995 ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-2182 du 20 octobre 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a annulé un arrêté du préfet de la région des Pays de la Loire en date du 15 juin 1993 en tant qu'il limite à trois places au lieu de trois postes l'autorisation accordée à la S.A. Polyclinique du Parc à Cholet de poursuivre des activités d'hospitalisation à temps partiel de jour ou de nuit en chimiothérapie, ensemble la décision du 26 novembre 1993 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté et la décision implicite rejetant le recours hiérarchique ;
2 ) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif par la S.A. Polyclinique du Parc ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu les lois n 91-748 du 31 juillet 1991 et n 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu la loi n 96-452 du 28 mai 1996 ;
Vu le décret n 92-1101 du 2 octobre 1992 ;
Vu l'arrêté du ministre de la santé et de l'action humanitaire du 12 novembre 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 1999 :
- le rapport de M. LEMAI, président,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L.712-2, 2 , a), L.712-8, 2 , L.712-14 et L.712-16, insérés dans le code de la santé publique par l'article 4 de la loi n 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, la réalisation des projets relatifs à la création, à l'extension et à la transformation des installations nécessaires aux besoins de la population que sont "les structures alternatives à l'hospitalisation", est subordonnée à la délivrance d'une autorisation, accordée, pour une durée déterminée de cinq ans au moins, par le représentant de l'Etat, lorsque le projet satisfait, notamment, ainsi que l'exige l'article L.712-9, 3 , du code précité, "à des conditions techniques de fonctionnement fixées par décret" ; que les articles R.712-2-1 et R.712-2-3 du même code, dans leur rédaction issue de l'article 1er du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992, précisent, le premier, que les structures de soins alternatives à l'hospitalisation "ont pour objet d'éviter une hospitalisation à temps complet ou d'en diminuer la durée" et "comprennent" notamment : "a) les structures d'hospitalisation à temps partiel de jour ou de nuit", le second, que la capacité de ces structures "est exprimée en places", dont le nombre "est obtenu en divisant par 365 le nombre maximum annuel de patients pouvant être accueillis pour une durée inférieure à un jour ..." ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi n 91-748 du 31 juillet 1991 : "Les établissements publics de santé, qui, antérieurement à la date de promulgation de la présente loi, comportaient des structures de soins alternatives à l'hospitalisation mentionnées à l'article L.712-2 du code de la santé publique sont autorisés à poursuivre cette activité, à condition d'en faire la déclaration au représentant de l'Etat et de respecter, dans un délai fixé par décret, les conditions techniques prévues au 3 de l'article L.712-9 dudit code" ; que ces dispositions ont été étendues aux établissements de santé privés par l'article 10 de la loi n 91-1406 du 31 décembre 1991, portant diverses dispositions d'ordre social ; que, selon l'article 2, premier alinéa, du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992 : "Les établissements de santé publics et privés qui comportaient des structures de soins alternatives à l'hospitalisation à la date de la publication de la loi du 31 juillet 1991, modifiée, susvisée, disposent d'un délai de quatre mois pour procéder, auprès du préfet de région, à la déclaration prévue à l'article 24 de cette loi. Les modalités et le contenu de cette déclaration, où devront figurer notamment les informations permettant d'apprécier la consistance et l'activité de la structure de soins à la date précitée, sont définis par un arrêté du ministre chargé de la santé ..." ; que l'article 2 de l'arrêté du ministre de la santé et de l'action humanitaire du 12 novembre 1992 a précisé les critères au regard desquels les préfets de région devraient procéder à cette appréciation, en indiquant notamment, dans le cas des structures d'hospitalisation à temps partiel, que par dérogation au critère tenant à l'existence d'une activité minimale appréciée sur les trois derniers mois de l'année 1991 et correspondant après traduction en année pleine à l'équivalent de deux places autorisables au sens de l'article R.712-2-3 du code de la santé publique : "Les activités de chimiothérapie ambulatoire sont appréciées en fonction des données fournies pour ces activités dans la déclaration type correspondante figurant en annexe II au présent arrêté. Pour les établissements relevant de l'article L.162-22 du code de la sécurité sociale, cette appréciation tient compte de l'existence d'une convention spécifique à la chimiothérapie passée sur le modèle de la convention type annexée à la circulaire du 4 mai 1981" ; qu'aux termes du second alinéa, première phrase, de l'article 2 du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992 : "Le préfet de région délivre un récépissé du dépôt de la déclaration, qui vaut autorisation de poursuivre l'activité pour chaque structure de soins concernée et qui en précise la capacité retenue en nombre de places." ;
Considérant que pour annuler la décision du préfet de la région des Pays de la Loire du 15 juin 1993 en tant qu'elle limite à trois places l'autorisation accordée à la S.A. Polyclinique du Parc à Cholet de poursuivre ses activités d'hospitalisation à temps partiel de jour ou de nuit en chimiothérapie, le Tribunal s'est fondé sur le fait que le préfet avait fait application des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 12 novembre 1992 du ministre de la santé et de l'action humanitaire, lesquelles étaient illégales en tant qu'elles édictaient des conditions réglementaires s'imposant aux préfets de région dans l'appréciation de la consistance et l'activité des structures de soins déclarées ;

Considérant qu'aux termes de l'article 36 de la loi du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire : "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les décisions concernant la poursuite de l'activité des structures de soins alternatives à l'hospitalisation prises sur le fondement de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992, relatif aux modalités et au contenu de la déclaration prévue à l'article 24 de la loi n 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, sont validées en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur dudit arrêté." ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial qui décidera ... de ses contestations sur ses droits et obligations de caractère civil" ; que le présent litige a pour objet une contestation portant sur de tels droits et obligations ;
Considérant que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant des mesures législatives à portée rétroactive dont la conséquence est la modification de règles que le juge doit appliquer pour statuer sur des litiges dans lesquels l'Etat est partie, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par des motifs d'intérêt général ;
Considérant que l'article 36 précité de la loi du 28 mai 1996, qui réserve expressément les droits nés des décisions passées en force de chose jugée, a pour objet, non de valider intégralement les décisions prises sur le fondement de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992, mais seulement de rendre insusceptible d'être invoqué devant le juge de l'excès de pouvoir le moyen tiré de ce que l'auteur de cet arrêté a excédé les limites de l'habilitation qu'il tenait de l'article 2, premier alinéa, du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992, en édictant des conditions réglementaires s'imposant aux préfets de région dans l'appréciation de la consistance et de l'activité des structures de soins déclarée ; qu'il ne prive pas les établissements concernés de la possibilité de faire valoir en justice les droits à la poursuite d'une activité antérieure qu'ils tiendraient de l'article 24 de la loi du 31 juillet 1991 modifiée ; que, par suite, il ne peut être regardé comme portant atteinte au principe du droit à un procès équitable énoncé au paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, le motif tiré de l'incompétence du ministre sur lequel le Tribunal administratif s'est fondé ne peut être maintenu ; que, de même, le moyen tiré de ce que le directeur des hôpitaux n'aurait pas été régulièrement habilité pour signer cet arrêté ne peut plus être utilement invoqué ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la polyclinique de l'Espérance ;

Considérant que la décision litigieuse du préfet du 15 juin 1993 énonce avec suffisamment de précision les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde pour arrêter à trois places la capacité de la structure de chimiothérapie ; que si elle indique par erreur un nombre de séances réalisées au cours du quatrième trimestre 1991 correspondant en réalité à l'extrapolation en année pleine de l'activité de ce trimestre, cette erreur est, en l'espèce, sans incidence dès lors qu'elle pouvait être rectifiée par la clinique à partir de sa propre déclaration ; qu'ainsi elle satisfait aux prescriptions de l'article 1er de la loi n 79-587 du 11 juillet 1979, selon lesquelles doivent notamment être motivées "les décisions qui ... refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir" ; que le moyen selon lequel le préfet aurait illégalement retiré une autorisation tacitement accordée n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant que les dispositions de l'article 2 du décret n 92-1101 du 2 octobre 1992 prévoyant que la déclaration doit contenir des informations permettant d'apprécier la consistance et l'activité de la structure déclarée et que la délivrance du récépissé vaut autorisation de poursuivre cette activité ne méconnaissent pas la portée de la procédure de déclaration instituée par l'article 24 de la loi du 31 juillet 1991 ;
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992 relatives à la chimiothérapie ambulatoire ne dérogent, contrairement à ce que soutient la clinique, aux critères définis à cet article pour apprécier la consistance et l'activité d'une structure d'hospitalisation à temps partiel qu'en tant qu'elles prévoient de ne pas opposer aux établissements le critère imposant un seuil minimal d'activité ; que ces dispositions faisaient obligation au préfet de déterminer l'activité effective de la structure avant la promulgation de la loi du 31 juillet 1991 modifiée en termes de places au sens de l'article R.712-2-3 du code de la santé publique ; que le nombre de séances retenu par le préfet pour arrêter le nombre de places n'est pas discuté ;
Considérant, d'autre part, qu'il appartenait au préfet de se fonder sur le volume des prestations dispensées par cette structure alors même que ce volume ne correspondrait pas à la capacité mentionnée dans une convention conclue entre l'établissement et un organisme de sécurité sociale en application de l'article L.162-22 du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, la circonstance que la S.A. Polyclinique du Parc a conclu avec la Caisse Régionale d'Assurance Maladie des Pays de la Loire, une convention, renouvelée en 1991 pour cinq ans, portant sur le fonctionnement de trois postes de chimiothérapie ambulatoire, après que le ministre chargé de la sécurité sociale eut par une décision du 4 juillet 1989 levé la mesure de suspension prise par le préfet dans l'exercice de son contrôle de la légalité des délibérations, n'a pu lui conférer aucun droit en ce qui concerne l'appréciation de l'activité déclarée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, le préfet ayant fait une exacte application de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992 et n'ayant retiré illégalement aucun droit acquis par la S.A. Polyclinique du Parc, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a annulé l'arrêté préfectoral du 15 juin 1993, ainsi que la décision du 26 novembre 1993 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté et sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique dont il avait été saisi ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la S.A. Polyclinique du Parc la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 20 octobre 1995 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la S.A. Polyclinique du Parc devant le Tribunal administratif, ensemble ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'emploi et de la solidarité et à la S.A. Polyclinique du Parc.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96NT00643
Date de la décision : 23/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDATION LEGISLATIVE.

SANTE PUBLIQUE - AUTRES ETABLISSEMENTS A CARACTERE SANITAIRE.


Références :

Arrêté du 12 novembre 1992 art. 2
Arrêté du 15 juin 1993
Code de la santé publique L712-9, R712-2-1, R712-2-3
Code de la sécurité sociale L162-22
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 92-1101 du 02 octobre 1992 art. 1, art. 2
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1
Loi 91-1406 du 31 décembre 1991 art. 10
Loi 91-748 du 31 juillet 1991 art. 4, art. 24
Loi 96-452 du 28 mai 1996 art. 36


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LEMAI
Rapporteur public ?: Mme COËNT-BOCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-07-23;96nt00643 ?
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