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22/07/1999 | FRANCE | N°95NT01277

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 22 juillet 1999, 95NT01277


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement au greffe de la Cour les 4 septembre et 16 novembre 1995, présentés pour la commune d'Harfleur (Seine-Maritime), représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
La commune d'Harfleur demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92-1888 du 9 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à M. Sylvain Y... une indemnité de 450 000 F, outre les intérêts de droit et la capitalisation de ces intérêts, en

réparation du préjudice résultant pour celui-ci d'une décision de lice...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement au greffe de la Cour les 4 septembre et 16 novembre 1995, présentés pour la commune d'Harfleur (Seine-Maritime), représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
La commune d'Harfleur demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92-1888 du 9 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à M. Sylvain Y... une indemnité de 450 000 F, outre les intérêts de droit et la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice résultant pour celui-ci d'une décision de licenciement de ses fonctions de directeur de l'école municipale de musique, annulée par un jugement du même Tribunal du 26 novembre 1991 ;
2 ) de rejeter la demande d'indemnisation présentée par M. Y... devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n 91-857 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des professeurs territoriaux d'enseignement artistique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 1999 :
- le rapport de M. CHAMARD, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que si la commune d'Harfleur soutient que le Tribunal administratif aurait renversé la charge de la preuve au sujet de la justification du montant des indemnités réclamées par M. Y..., ce moyen, qui, au demeurant, manque en fait, ne concerne pas la régularité du jugement ;
Considérant, en second lieu, qu'après avoir écarté, de façon explicite, divers arguments présentés par la commune d'Harfleur, le Tribunal a procédé à une "juste appréciation" du préjudice matériel subi par M. Y... et l'a évalué à 400 000 F, somme inférieure à celle demandée par l'intéressé ; qu'il a ainsi implicitement mais nécessairement, tenu compte dans son jugement du dernier argument de la commune fondé sur le dépassement, par celui-ci, de ses obligations hebdomadaires de service ; que, dès lors, la commune n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché de défaut de réponse à un moyen ;
Sur l'appel principal de la commune d'Harfleur :
Considérant que la décision prononçant le licenciement de M. Y..., directeur de l'école municipale de musique d'Harfleur, a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Rouen du 26 novembre 1991, devenu définitif, au motif que les faits reprochés à l'intéressé n'étaient pas établis ; que ce licenciement illégal et le refus de la commune de réintégrer l'intéressé dans son emploi, engagent la responsabilité de la commune et doivent donner lieu à la réparation de l'entier préjudice subi ;
Considérant, en premier lieu, que M. Y... avait produit, devant le Tribunal administratif de Rouen, toutes justifications et éléments de calcul utiles concernant le montant du préjudice dont il entendait obtenir l'indemnisation ; que, dès lors, la commune d'Harfleur ne saurait utilement soutenir que les premiers juges auraient renversé sur ce point la charge de la preuve ;
Considérant, en second lieu, que M. Y..., qui, depuis octobre 1989, a été privé par la commune d'Harfleur des traitements afférents à son emploi de directeur de l'école municipale de musique, a droit pour compenser ce préjudice financier à une indemnité devant tenir compte uniquement des sommes perçues auprès de la commune d'Harfleur avant son licenciement, à l'exception de celles que lui versaient déjà les autres communes qui l'employaient, ainsi, éventuellement, que de celles perçues pour d'autres activités entreprises depuis son licenciement et destinées à compenser partiellement le préjudice financier subi ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'avant son licenciement, M. Y... était déjà rétribué, à temps partiel, par les communes de Gonfreville l'Orcher et Bolbec ; qu'ainsi, les traitements versés par ces communes pour un nom-bre d'heures équivalent ne sauraient venir en déduction de l'indemnité due à M. Y... ;

Considérant que la commune requérante ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 2 du décret susvisé du 2 septembre 1991 en vertu desquelles les professeurs d'enseignement artistique assurent un enseignement hebdomadaire de seize heures, ces dispositions qui ne sauraient avoir ni pour objet, ni pour effet d'interdire à ces professeurs d'effectuer des heures supplémentaires, n'étant pas applicables à M. Y..., qui à Honfleur avait la qualité d'agent contractuel territorial ;
Considérant que la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires était expressément prévue par les contrats liant M. Y... tant à la commune d'Harfleur qu'à celle de Gonfreville l'Orcher ; qu'il donne seulement depuis l'année scolaire 1994-1995, à l'école municipale de musique de Gonfreville l'Orcher sept heures de cours, au lieu des trois heures initialement prévues ; qu'ainsi, la commune d'Harfleur n'est pas fondée, pour contester le montant de l'indemnité à allouer à M. Y..., à soutenir que, pour compenser son préjudice financier, celui-ci, après son licenciement, a augmenté, d'un nombre d'ailleurs inférieur à celui des heures qu'il effectuait pour son compte, le nombre d'heures effectuées pour celui de la commune de Gonfreville l'Orcher ;
Considérant qu'au vu des éléments de calcul produits par M. Y... et compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la somme de 400 000 F allouée par le Tribunal administratif en réparation du préjudice résultant, pour celui-ci, sur la période d'octobre 1989 à avril 1995, de la perte de ses traitements à raison de l'illégalité de son licenciement et du refus de la commune d'Harfleur de le réintégrer, doit être regardée comme constituant une juste indemnisation de ce préjudice ; qu'il en est de même de la somme de 50 000 F allouée à M. Y... au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence ;
Sur l'appel incident de M. Y... :
Considérant que, durant la période susmentionnée, la commune d'Harfleur n'a pas versé les cotisations de retraite tant pour son compte que pour celui de M. Y... ; que s'il veut conserver des droits à retraite équivalents à ceux auxquels il pouvait prétendre s'il n'avait pas été licencié, M. Y... devra verser personnellement une somme égale à celle que la commune aurait dû verser en ce cas ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites par M. Y... et qui ne sont pas utilement contestées par la commune d'Harfleur, que cette somme s'élève à 97 458 F ; qu'ainsi, M. Y... est fondé à demander l'allocation d'une indemnité du même montant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Harfleur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à M. Y... la somme de 450 000 F assortie des intérêts et de leur capitalisation ; qu'en revanche, M. Y... est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, à ce que cette somme soit augmentée de 97 458 F ;
Article 1er : La somme de quatre cent cinquante mille francs (450 000 F) que la commune d'Harfleur a été condamnée à verser à M. Sylvain Y... par le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 9 juin 1995 est portée à cinq cent quarante sept mille quatre cent cinquante huit francs (547 458 F).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 9 juin 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La requête de la commune d'Harfleur est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Harfleur, à M. Sylvain Y... et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT01277
Date de la décision : 22/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-13-03 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITE


Références :

Décret 91-857 du 02 septembre 1991 art. 2


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. CHAMARD
Rapporteur public ?: Mme COËNT-BOCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-07-22;95nt01277 ?
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