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21/07/1999 | FRANCE | N°96NT00639

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 21 juillet 1999, 96NT00639


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 mars 1996, présentée pour le Bureau d'études Cayla, dont le siège est ... à Poudre 76150 Maromme (Seine-Maritime), représentée par M. Pierre CAYLA, par la S.C.P. EMO, HEBERT et associés, avocat ;
Le Bureau d'études Cayla demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-23 en date du 29 décembre 1995 du Tribunal administratif de Rouen en ce que ce jugement l'a condamné solidairement avec la société Semel, la société Spirale et la société Socotec à verser à la ville du Havre la somme, outre intérêts, de 1 121

645,45 F hors taxes, en réparation des désordres affectant le réseau des can...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 mars 1996, présentée pour le Bureau d'études Cayla, dont le siège est ... à Poudre 76150 Maromme (Seine-Maritime), représentée par M. Pierre CAYLA, par la S.C.P. EMO, HEBERT et associés, avocat ;
Le Bureau d'études Cayla demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-23 en date du 29 décembre 1995 du Tribunal administratif de Rouen en ce que ce jugement l'a condamné solidairement avec la société Semel, la société Spirale et la société Socotec à verser à la ville du Havre la somme, outre intérêts, de 1 121 645,45 F hors taxes, en réparation des désordres affectant le réseau des canalisations du laboratoire municipal et a fixé à 30 % la part de responsabilité lui incombant dans la survenance desdits désordres ;
2 ) de rejeter les conclusions de la demande présentée par la ville du Havre devant le Tribunal administratif de Rouen tendant à sa condamnation ;
3 ) de condamner la ville du Havre à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 1999 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me MORAND, avocat de la société Socotec,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par marché signé le 8 juin 1989, la ville du Havre a confié la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un laboratoire municipal d'études et d'analyses à un groupement conjoint comprenant, notamment, la société Spirale, groupement d'architectes, et, pour ce qui concernait la partie "fluide" du projet, le Bureau d'études Cayla ; que le lot n 10 "plomberie" de l'opération, qui comportait la mise en place des canalisations en cuivre et en acier inoxydable destinées au transport des gaz, a été confié à la société Semel ; que la société Socotec a été chargée d'une mission de contrôle technique ; que la réception de l'ouvrage a été prononcée le 30 juillet 1992 avec effet au 1er juillet précédent, sans réserve en ce qui concerne le lot n 10 ; que dès la mise en service du laboratoire, à la fin du mois d'août 1992, des désordres sont apparus, affectant les canalisations de transport de gaz et ayant pour conséquence un dysfonctionnement généralisé du laboratoire ainsi qu'une dégradation de certains appareils qui l'équipaient ;
Considérant que par jugement du 29 décembre 1995, le Tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement la société Spirale, le Bureau d'études Cayla, la société Semel et la société Socotec, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, à verser à la ville du Havre la somme de 1 121 645,45 F hors taxes ; que, par le même jugement, statuant sur les appels en garantie formés par la société Spirale et le Bureau d'études Cayla contre la société Semel et par la société Socotec contre les trois autres constructeurs mis en cause, il a condamné la société Semel à garantir la société Spirale, le Bureau d'études Cayla et la société Socotec à concurrence de 50% des condamnations prononcées à leur encontre et condamné le Bureau d'Etudes Cayla et la société Spirale à garantir la société Socotec à concurrence, respectivement, de 30 % et de 5% des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci; que le Bureau d'études Cayla fait appel principal de ce jugement en contestant tant le principe de sa responsabilité à l'égard du maître d'ouvrage que la part de la réparation des conséquences des désordres laissée définitivement à sa charge; que la société Socotec forme appel incident en ce qui concerne le principe de sa condamnation à l'égard de la ville du Havre et, à titre subsidiaire, présente des conclusions d'appel incident à l'égard du Bureau d'études Cayla et d'appel provoqué à l'égard de la société Spirale et de la société Semel aux fins d'être entièrement garantie des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, que si le Bureau d'études Cayla soutient qu'il ne pouvait être tenu pour responsable à raison de désordres qui auraient affecté les canalisations en acier inoxydable du laboratoire, il résulte des motifs du jugement attaqué que la condamnation solidaire des constructeurs a été prononcée non à raisons de tels désordres, mais à raison de désordres qui affectaient les canalisations en cuivre de l'ouvrage ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports du constat d'urgence et de l'expertise ordonnés par le juge des référés du Tribunal administratif de Rouen, que les désordres qui ont affecté le réseau des canalisations en cuivre consistaient en des phénomènes de corrosion du métal et, en conséquence, de contamination des gaz transportés dans ces canalisations ; que ces désordres, dont il n'est pas contesté qu'ils étaient de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs, avaient pour origine à la fois la pose, au moins sur une partie du réseau, de tubes de cuivre recuit, inadapté à l'usage auquel le réseau de transport de gaz était destiné, au lieu de cuivre écroui passivé et dégraissé, ou cuivre "dur", et l'application d'un traitement interne des tubes avant emploi inapproprié ou mal exécuté, qui a entraîné la présence de trichloréthylène ;
Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient le Bureau d'études Cayla, il ressort des rapports du constat d'urgence et de l'expertise, en particulier des résultats des analyses métallographiques pratiquées sur des échantillons de tubes qui sont joints aux rapports et auxquels ceux-ci se référent, que la question de l'incidence de la qualité des tubes de cuivre employés sur les effets de l'application d'un traitement interne à ces tubes au regard de l'apparition des désordres a été suffisamment examinée par l'expert et qu'il ne peut être reproché à ce dernier de n'avoir pas répondu aux dires du bureau d'études sur ce point ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'ordonner une nouvelle expertise qui aurait pour objet, en particulier, de rechercher les causes de la présence de trichloréthylène dans les tubes de cuivre qui avaient été mis en place lors de la construction du laboratoire ;
Considérant, d'autre part, que le cahier des clauses techniques particulières du lot "plomberie", élaboré par le Bureau d'études Cayla, prescrivait la pose de "canalisations en tube de cuivre écroui Sanco Tréfimétaux", qui, selon la notice technique du fabricant relative aux tubes de marque "Sanco", correspond à un tube de cuivre écroui "dur", et précisait également que les tubes utilisés pour la réalisation des distributions, notamment, des différents gaz devaient être "de qualité dégraissée passivée" ; que le bureau d'études requérant est fondé, dans ces conditions, à soutenir que sa responsabilité dans la survenance des désordres ne pouvait être engagée à raison d'un défaut de conception qui aurait tenu à l'insuffisance des prescriptions contenues dans le cahier des clauses techniques particulières précité ;

Considérant, enfin, qu'il est établi par les éléments produits au dossier que la société Semel a commandé et posé des tubes de cuivre recuit, particulièrement exposés à un risque de corrosion en milieu fortement acide, en méconnaissance du même cahier des clauses techniques particulières ; que si la nature du métal ainsi employé et les dégradations qu'il a subies ont été mises en lumière par les analyses métallographiques effectuées, les caractéristiques et l'origine des tubes en cause étaient identifiables par les indications gravées sur ceux-ci et révélant que, pour au moins une partie d'entre eux, ils ne pouvaient correspondre aux spécifications énoncées au cahier des clauses techniques particulières ; que le Bureau d'études Cayla, dont la mission comportait un contrôle général des travaux, et la société Socotec, qui avait entre autres pour mission le recolement des procès-verbaux des essais auxquels devait procéder l'entreprise et la vérification du fonctionnement de l'installation ainsi que la sécurité des personnes, ont engagé leur responsabilité à l'égard du maître d'ouvrage en omettant, alors que ceci n'impliquait pas de leur part une surveillance constante du déroulement du chantier, de constater cette méconnaissance des prescriptions techniques par le titulaire du lot "plomberie" ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Bureau d'études Cayla et la société Socotec ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen les a solidairement condamnés à la réparation des désordres survenus dans la laboratoire municipal de la ville du Havre ;
Sur les appels en garantie :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'apparition des désordres qui ont affecté les canalisations en cuivre du laboratoire municipal de la ville du Havre est pour partie imputable aux fautes caractérisées commises tant par le Bureau d'études Cayla que par la société Socotec dans l'exercice de leurs missions de contrôle respectives, telles que rappelées ci-dessus, antérieurement à la mise en service de l'ouvrage ; que, compte-tenu de la consistance de ces mission, il n'est pas établi que le tribunal administratif n'aurait pas fait une juste appréciation de l'importance des fautes ainsi commises dans la survenance des désordres en condamnant le Bureau d'études Cayla à garantir la société Socotec à concurrence de 30 % des condamnations prononcées contre celle-ci ;
Considérant, en second lieu, que les conclusions d'appel provoqué de la société Socotec dirigées contre la société Spirale et la société Semel ne seraient recevables que si la situation de leur auteur était aggravée par l'admission de l'appel principal ; que, dès lors qu'il résulte de tout ce qui vient d'être dit que l'appel principal du Bureau d'études Cayla doit être rejeté, lesdites conclusions sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner le Bureau d'études Cayla à payer à la ville du Havre une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce que la ville du Havre qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au Bureau d'études Cayla la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du Bureau d'études Cayla ensemble les conclusions d'appel incident et provoqué de la société Socotec sont rejetées.
Article 2 : Le Bureau d'études Cayla versera à la ville du Havre une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Bureau d'études Cayla, à la ville du Havre, à la société Socotec, à la société Semel, à la société Spirale et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96NT00639
Date de la décision : 21/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - APPEL PROVOQUE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MARGUERON
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-07-21;96nt00639 ?
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