Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 novembre 1997, présentée pour la commune de Sautron (Loire-Atlantique), représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. CORNET, VINCENT, DOUCET, Y..., MARTIN, avocat ;
La commune demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-2416 et 95-3732 en date du 23 septembre 1997 du Tribunal administratif de Nantes en ce que, par son article 1er, ce jugement la condamne à verser à la société S.M.O. la somme de 486 255 F, avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 1994 et capitalisation des intérêts échus le 15 juillet 1997, en réparation du préjudice financier résultant de l'illégalité fautive de la décision de sursis à statuer prise par le maire de Sautron le 19 septembre 1992 ;
2 ) de rejeter la demande n 94-2416 présentée le devant le Tribunal administratif de Nantes par la société S.M.O. ;
3 ) de condamner ladite société à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours adminis-tratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 1999 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me PITTARD, avocat de la commune de Sautron,
- les observations de Me BASCOULERGUE, avocat de la société S.M.O.,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société S.M.O. a signé avec la société Serga, le 9 juillet 1991, un compromis de vente portant sur la cession, pour le prix de 2 200 000 F, d'un terrain supportant un bâtiment anciennement à usage commercial, situé à Sautron, en vue de la réalisation d'une surface commerciale ; qu'au nombre des conditions suspensives du compromis de vente figurait l'obtention définitive, par expiration des délais de recours, des autorisations administratives nécessaires à la réalisation de cette surface commerciale ; que la demande de permis de construire présentée à cette fin s'est vue opposer le 19 février 1992 une décision de sursis à statuer prise par le maire de Sautron et fondée sur ce que le projet était de nature à compromettre l'exécution du futur plan d'occupation des sols révisé de la commune, en cours d'élaboration ; qu'après l'annulation de cette décision par jugement du Tribunal administratif de Nantes du 16 décembre 1993, la demande de permis a été confirmée, mais s'est vu opposer, le 24 février 1994, une nouvelle décision de sursis à statuer, fondée sur le même motif ; que le recours contre cette seconde décision de sursis à statuer a été rejeté par jugement du 11 mai 1995, qui n'a pas été frappé d'appel ; que, toutefois, la réalisation de l'opération en vue de laquelle le compromis de vente précité avait été signée n'est pas intervenue et que, par acte du 18 mai 1995, la société S.M.O. a vendu le terrain à un tiers pour le prix de 1 500 000 F ;
Considérant que la commune de Sautron fait appel du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 23 septembre 1997 en ce que ce jugement l'a condamnée à payer à la société S.M.O. la somme, outre intérêts, de 486 255 F, en réparation d'un préjudice financier, tenant à l'impossibilité de réaliser la vente du bien, qui résultait de l'illégalité fautive de la décision de sursis à statuer du 19 février 1992 ; que la société S.M.O. forme appel incident du même jugement en ce qu'il a rejeté sa demande qui tendait à la condamnation de la commune à lui verser également la somme de 700 000 F, correspondant à la différence entre le prix prévu par le compromis de vente et le prix auquel le terrain a été effectivement vendu le 18 mai 1995 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que ce jugement n'a pas été notifié à ladite société, mais seulement à l'avocat qui la représentait en première instance ; que, par suite, en vertu des dispositions combinées des articles R.211 et R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le délai d'appel n'a pas couru à l'encontre de la société S.M.O. ; que les conclusions d'appel incident de celle-ci constituent, dès lors, un appel principal ;
Sur l'appel de la commune de Sautron :
Considérant que l'illégalité qui entachait la décision de sursis à statuer prise le 19 février 1992 par le maire de Sautron constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de la société S.M.O. ; que la commune de Sautron soutient qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée à son encontre à raison de cette illégalité fautive, dès lors que, selon elle, le permis de construire sollicité aurait dû être refusé faute pour le pétitionnaire d'avoir joint à sa demande de permis l'accusé de réception de la demande d'autorisation du projet par la commission départementale d'urbanisme commercial ; que, toutefois, il est constant que la surface de vente du projet pour lequel le permis était demandé était inférieure au seuil à partir duquel la commission départementale d'urbanisme commercial aurait dû être saisie en application de l'article L.451-5 du code de l'urbanisme ; que l'affirmation de la commune selon laquelle le projet aurait en réalité excédé ce seuil n'est appuyé d'aucun élément de nature à en établir la véracité ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société S.M.O. la somme de 486 255 F ;
Sur l'appel de la société S.M.O. :
Considérant que la société S.M.O. soutient, d'une part, que l'inter-vention de la décision de sursis à statuer illégale du 19 février 1992 a rendu possible l'intervention de la décision de même nature du 24 février 1994 et provoqué par là-même la caducité du compromis de vente et l'abandon du projet en vue duquel avait été signé celui-ci et, d'autre part, qu'elle a dû se résoudre à vendre le terrain à un nouvel acquéreur qui, contrairement à la société Serga, n'était pas intéressé par le bâtiment préexistant sur le terrain ;
Considérant cependant, qu'il résulte de l'instruction et en particulier des pièces produites par la société elle-même que, avant même que le tribunal administratif se prononce sur la légalité du sursis à statuer opposé le 24 février 1994, le délai de validité de celui-ci avait expiré avec l'approbation du plan d'occupation des sols révisé, le 28 juin 1994, et qu'à cette date ni l'une, ni l'autre des parties signataires du compromis de vente n'estimait que ce dernier était devenu caduc ; que, alors qu'en vertu des dispositions des articles L.111-8 et R.123-39 du code de l'urbanisme l'expiration du délai de validité du sursis à statuer permettait au pétitionnaire, sur simple confirmation de sa demande de permis de construire, d'obliger le maire de Sautron à prendre une décision définitive sur cette demande dans un délai de deux mois, il n'est pas justifié qu'en l'espèce une telle confirmation serait intervenue ou bien que le pétitionnaire aurait été dans l'impossibilité d'y procéder ; que, dans ces conditions, l'abandon du projet de construction dont se prévaut la société requérante ne peut qu'être regardé comme se rattachant, non à la prétendue caducité du compromis de vente, mais à l'absence de confirmation par le pétitionnaire de sa demande de permis de construire ; que la société S.M.O. n'est, par suite, pas fondée à prétendre à l'indemnité de 700 000 F qu'elle réclame ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune de Sautron et les conclusions de la société S.M.O. tendant à la réformation du jugement attaqué doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la commune de Sautron et la société S.M.O. qui sont chacune pour ce qui la concerne, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnées à payer à l'autre partie la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la commune de Sautron et les conclusions d'appel de la société S.M.O. sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sautron, à la société S.M.O. et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.