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17/02/1999 | FRANCE | N°97NT01137

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 17 février 1999, 97NT01137


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 juin 1997, présentée pour la S.N.C. "Les Rouges Gorges", dont le siège social est ... (Loire-Atlantique), par la SELARL RICARD, PAGE et DEMEURE, avocat ;
La société demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-2596 du 18 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant :
. à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Couëron a rejeté sa demande de restitution d'une participation financière versée au titre d'une autorisation de lotir délivrée le 14 no

vembre 1986 ;
. à la condamnation de la commune de Couëron à lui restitu...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 juin 1997, présentée pour la S.N.C. "Les Rouges Gorges", dont le siège social est ... (Loire-Atlantique), par la SELARL RICARD, PAGE et DEMEURE, avocat ;
La société demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-2596 du 18 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant :
. à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Couëron a rejeté sa demande de restitution d'une participation financière versée au titre d'une autorisation de lotir délivrée le 14 novembre 1986 ;
. à la condamnation de la commune de Couëron à lui restituer la somme de 433 051,23 F, assortie des intérêts au taux légal ;
2 ) de condamner la commune de Couëron à lui restituer ladite somme, assortie des intérêts au taux légal ;
3 ) de condamner la commune à lui payer la somme de 8 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 85-729 du 18 juillet 1985 ;
Vu le décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 1999 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me PAGE, avocat de la S.N.C. "Les Rouges Gorges",
- les observations de Me REVEAU, avocat de la commune de Couëron,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le maire de Couëron a délivré à la S.A.R.L. "Société de transaction et de rénovation immobilière", par arrêté du 14 novembre 1986, et transféré à la S.N.C. "Les Rouges Gorges", par arrêté du 11 mars 1987, une autorisation de créer un lotissement de 14 lots, dénommé "lotissement des Rouges Gorges", situé dans une zone NAb du plan d'occupation des sols exclue du champ d'application de la taxe locale d'équipement en vertu d'une délibération du conseil municipal du 12 décembre 1978 ; que l'article 2 de l'arrêté autorisant le lotissement mettait à la charge du lotisseur une "participation aux travaux d'infrastructures publiques", fixée à 216 051,23 F et recouvrée finalement à concurrence de 214 133,49 F, ainsi qu'une "participation aux dépenses de superstructures", fixée à 406 000 F, sur la base d'un montant de 29 000 F par lot ; qu'après s'être acquittée de ces participations, la S.N.C. "Les Rouges Gorges" en a contesté tant le principe que le montant dans une demande adressée au maire de Couëron, puis devant le Tribunal administratif de Nantes ; que la société fait appel du jugement en date du 18 avril 1997 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la restitution partielle des participation en cause ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à l'action en répétition de la S.N.C. "Les Rouges Gorges" par la commune de Couëron :
Considérant que si l'article 25-VIII de la loi du 18 juillet 1985 susvisée dispose que : "Les participations exigées des bénéficiaires d'autorisations de construire ou de lotir dans les zones qui ont été exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement antérieurement à l'entrée en vigueur du présent titre demeurent acquises à la collectivité ou à l'établissement public intéressé. Le régime de ces participations demeure applicable dans les mêmes zones pendant un an à compter de l'entrée en vigueur du présent titre ...", ces dispositions destinées à assurer, pendant un période transitoire, le passage de l'ancien régime des participations exigibles des constructeurs au nouveau régime dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er juillet 1986, n'ont eu ni pour objet ni pour effet d'instituer une forclusion à l'encontre des actions en répétition engagées par les constructeurs ou lotisseurs sur le fondement du dernier alinéa de l'article L.332-6 du code de l'urbanisme, en vue d'obtenir le remboursement des contributions qui leur auraient été illégalement imposées qu'elles aient ou non été effectivement versées ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juillet 1985 applicable à la date de l'action en répétition engagée par la S.N.C. "Les Rouges Gorges" : " ...L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement de taxes ou contributions ou de l'obtention des prestations indûment exigées ..." ; qu'il résulte de l'instruction que les derniers versements effectués par la société au titre de chacune des participations contestées l'ont été moins de cinq ans avant tant la date de sa demande adressée au maire de Couëron que la date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Couëron n'est pas fondée à soutenir que l'action en répétition engagée par la S.N.C. "Les Rouges Gorges" serait irrecevable ;
Sur le fond :
Considérant qu'en vertu de l'article L.332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'autorisation de lotir, dans les communes où est instituée la taxe locale d'équipement et dans celles qui ont, dans les conditions prévues au 1 de l'article 1585 A du code général des impôts, renoncé à la percevoir, aucune contribution aux dépenses d'équipements publics ne peut être obtenue des constructeurs, notamment sous la forme de participations financières, à l'exception de celles limitativement énumérées aux 1 à 8 de cet article ; qu'aux termes de l'article L.332-7, dans cette même rédaction : "Les dispositions de l'article L.332-6 sont applicables aux participations aux dépenses d'exécution des équipements publics qui pourraient être demandées aux lotisseurs. Toutefois, peuvent être mis à la charge du lotisseur : ...2 Une participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement et des contributions énumérées à l'article L.332-6 (1 à 4 ), qui pourraient être exigées des futurs constructeurs ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article R.315-29 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur en l'espèce : "L'autorisation de lotir ...impose en tant que de besoin : ...e) Lorsque l'opération n'entraîne pas l'application de la taxe locale d'équipement dans les conditions prévues par les articles L.332-6 et L.332-7, une contribution du lotisseur à la réalisation des équipements publics rendus nécessaires par la création du lotissement, sous la forme de l'exécution de travaux, d'apport de terrains ou de participation financière ..." ;
Considérant que si le III de l'article 1585 C du code général des impôts, antérieur à l'intervention de la loi du 18 juillet 1985, permettait au conseil municipal, comme l'a fait la délibération susmentionnée du 12 décembre 1978, d'exclure du champ d'application de la taxe locale d'équipement les constructions édifiées dans les zones dont l'urbanisation n'est pas prévue, ce texte n'autorisait pas la commune de Couëron à imposer à la S.N.C. "Les Rouges Gorges", qui avait la qualité de lotisseur et non de constructeur, d'autres participations aux dépenses d'équipements publics que celles résultant des dispositions de l'article L.332-7 du code de l'urbanisme ; que les dispositions précitées de l'article R.315-29 du même code ne pouvaient non plus fonder d'autres contributions à des équipements publics, dès lors que la taxe locale d'équipement avait été instituée dans la commune ;

Considérant, en premier lieu, que la "participation aux travaux d'infrastructures publiques" réclamée à la S.N.C. "Les Rouges Gorges" mettait à la charge de celle-ci le coût, total ou partiel selon le cas, de travaux de voirie, d'alimentation en eau potable et d'assainissement réalisés par la commune, sur le fondement des dispositions du e) de l'article R.315-29 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la commune de Couëron ne pouvait légalement se fonder sur ces dispositions pour mettre cette contribution à des dépenses d'équipements publics à la charge du lotisseur ; que la société requérante est fondée, dès lors, à demander la restitution de la somme de 214 133,49 F qu'elle a versée à ce titre ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, que, contrairement à ce que soutient la commune de Couëron et à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la "participation aux dépenses de superstructures" réclamée à la société requérante avait le caractère d'une participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement, dont le principe avait été arrêté par la délibération du conseil municipal de Couëron du 12 décembre 1978 susmentionnée, qui excluait les zones NAb du champ d'application de cette taxe, et dont le montant avait été revalorisé par les délibérations des 19 décembre 1983 et 16 décembre 1985 visées à l'article 2 de l'autorisation de lotir du 14 novembre 1986 ; que cette participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement était prévue par l'article L.332-7 du code de l'urbanisme et pouvait ainsi être légalement exigée du lotisseur, alors même que l'opération de lotissement se situait dans une zone où le conseil municipal avait exclu les constructions du champ d'application de la taxe locale d'équipement ;

Considérant, en troisième lieu, que la S.N.C. "Les Rouges Gorges", qui n'est pas fondée, ainsi, à réclamer la décharge de la "participation aux dépenses de superstructures" mise à sa charge, en a réclamé la réduction devant le tribunal administratif, en se prévalant, sur le fondement des dispositions du décret du 28 novembre 1983 susvisé et de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales d'une circulaire du 2 septembre 1971, publiée au bulletin officiel du ministère de l'équipement et du logement, ainsi que d'une note du directeur de l'architecture et de l'urbanisme du 17 novembre 1987, relatives aux modalités de détermination de la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement ; que, toutefois, dès lors que lesdites circulaire et note prévoient, en leur dispositions auxquelles il est expressément fait référence, des modalités de détermination de la participation forfaitaire en cause qui reposent sur des prescriptions non conformes aux dispositions législatives et réglementaires de l'article 1585 D du code général des impôts et de l'article 317 sexies de l'annexe II à ce code qui régissent l'assiette de la taxe locale d'équipement, la société requérante ne peut utilement les invoquer sur le fondement du décret du 28 novembre 1983 ; qu'elle ne peut non plus les invoquer utilement sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, dès lors que, la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement étant régie par les seules dispositions du code de l'urbanisme, elles ne sauraient être regardées comme des interprétations de la loi fiscale au sens de cet article L.80 A ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.N.C. "Les Rouges Gorges" est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en totalité et à demander la restitution de la somme de 214 133,49 F ; qu'elle a droit aux intérêts de ladite somme à compter de la réception par le maire de Couëron de sa réclamation préalable du 25 mars 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que la commune de Couëron est partie perdante dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que la S.N.C. "Les Rouges Gorges" soit condamnée à lui verser une somme au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doit, en conséquence, être rejetée ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner la commune de Couëron à payer à la S.N.C. "Les Rouges Gorges" la somme de 6 000 F ;
Article 1er : La commune de Couëron est condamnée à verser à la S.N.C. "Les Rouges Gorges" la somme de deux cent quatorze mille cent trente trois francs quarante neuf centimes (214 133,49 F). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception par le maire de Couëron de la réclamation préalable de la société en date du 25 mars 1993.
Article 2 : Le jugement en date du 18 avril 1997 du Tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : La commune de Couëron versera à la S.N.C. "Les Rouges Gorges" une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la S.N.C. "Les Rouges Gorges" et les conclusions de la commune de Couëron tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la S.N.C. "Les Rouges Gorges", à la commune de Couëron et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97NT01137
Date de la décision : 17/02/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCEDURES D'INTERVENTION FONCIERE - LOTISSEMENTS.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - CONTRIBUTIONS DES CONSTRUCTEURS AUX DEPENSES D'EQUIPEMENT PUBLIC - PARTICIPATION POUR DEPASSEMENT DU PLAFOND LEGAL DE DENSITE.


Références :

Arrêté du 12 décembre 1978
Arrêté du 14 novembre 1986
Arrêté du 11 mars 1987 art. 2
CGI 1585 A, 1585 C, 1585 D
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Circulaire du 02 septembre 1971
Code de l'urbanisme L332-6, R315-29, L332-7
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983
Loi 85-729 du 18 juillet 1985 art. 25


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MARGUERON
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-02-17;97nt01137 ?
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