Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 mars 1997, présentée pour :
- la commune de Bouaye, représentée par son maire en exercice,
- le district de l'agglomération nantaise, représenté par son président en exercice,
par Me Michel REVEAU, avocat ;
La commune et le district demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-2271 et 96-2291 en date du 21 janvier 1997 du Tribunal administratif de Nantes en tant que ce jugement, à la demande de M. Y... et de la S.C.I. "La Noë", a annulé la délibération en date du 14 juin 1996 par laquelle le conseil municipal de Bouaye a décidé de déléguer au district de l'agglomération nantaise le droit de préempter en ses lieu et place l'immeuble cadastré section AI n 29, situé au lieudit "Le Château du Bois de la Noë", ainsi que la décision en date du 18 juin 1996 par laquelle le vice-président du district de l'agglomération nantaise, président de la commission "action foncière", a exercé le droit de préemption délégué par la délibération précitée ;
2 ) d'ordonner le sursis à exécution dudit jugement ;
3 ) de rejeter la demande présentée par M. Y... et la S.C.I. "La Noë" devant le Tribunal administratif ;
4 ) de condamner M. Y... et la S.C.I. "La Noë" à leur payer à chacun la somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 1998 :
- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,
- les observations de Me REVEAU, avocat de la commune de Bouaye et du district de l'agglomération nantaise,
- les observations de Me X... se substituant à Me DIZIER, avocat de M. Y... et de la société S.C.I. La Noë,
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.213-3 du code de l'urbanisme : "Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L.300-4 et bénéficiant d'une concession d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien ..." ;
Considérant qu'il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que la délibération par laquelle un conseil municipal décide de déléguer le droit de préemption dont la commune est titulaire doive être motivée ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler la délibération en date du 14 juin 1996 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bouaye a décidé de déléguer au district de l'agglomération nantaise son droit de préempter l'immeuble cadastré section AI n 29, situé au lieudit "Le Château du Bois de la Noë", le Tribunal administratif de Nantes, en se fondant sur la disposition de l'article L.210-1 du code de l'urbanisme selon laquelle "Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé", a estimé que cette délibération était insuffisamment motivée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la S.C.I. La Noë et M. Y... tant en première instance qu'en appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.121-10 du code des communes : "I Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions posées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée aux conseillers municipaux par écrit et à domicile. III - Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal." ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse sur chacun des points de l'ordre du jour ; que le défaut d'envoi de cette note entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux conseillers municipaux, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information répondant aux exigences du III de l'article L.121-10 ;
Considérant que la commune de Bouaye, dont la population est supérieure à 3 500 habitants, a elle-même indiqué dans ses écritures de première instance qu'en lieu et place de la note de synthèse relative à la délégation au district de l'agglomération nantaise du droit de préempter l'immeuble précité, une réunion de l'ensemble des élus s'est tenue en mairie la veille de la séance du conseil municipal au cours de laquelle cette délégation a été décidée ; que, toutefois, l'existence d'une telle réunion, dont les conditions d'organisation et de déroulement sont inconnues, ne peut être utilement invoquée pour soutenir que l'ensemble des conseillers municipaux auraient disposé d'une information répondant aux exigences du III de l'article L.121-10 du code des communes ; que si la commune produit en appel une note de synthèse relative à la préemption de l'immeuble, ce document, dont il n'est pas justifié qu'il aurait été joint aux convocations adressées aux conseillers municipaux, est sommairement rédigé et, en particulier, ne fait pas état d'une délégation du droit de préemption et ainsi, en tout état de cause, n'aurait pu constituer l'information requise ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que la délibération du 14 juin 1996 du conseil municipal de Bouaye est intervenue sur une procédure irrégulière et que cette illégalité entache la décision, en date du 18 juin 1996, par laquelle le vice-président du district de l'agglomération nantaise a exercé le droit de préemption délégué par la commune ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bouaye et le district de l'agglomération nantaise ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 14 juin 1996, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 18 juin 1996, précitées ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que la commune de Bouaye et le district de l'agglomération nantaise succombent dans la présente instance ; que leur demande tendant à ce que la S.C.I. La Noë et M. Y... soient condamnés à leur verser une somme au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doit, en conséquence, être rejetée ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner la commune de Bouaye et le district de l'agglomération nantaise à payer à la S.C.I. La Noë et M. Y... la somme totale de 6 000 F ;
Article 1er : La requête de la commune de Bouaye et du district de l'agglomération nantaise est rejetée.
Article 2 : La commune de Bouaye et le district de l'agglomération nantaise verseront à la S.C.I. La Noë et M. Y... une somme totale de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la S.C.I. La Noë et M. Y... tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bouaye, au district de l'agglomération nantaise, à la S.C.I. La Noë, à M. Y... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.