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26/05/1998 | FRANCE | N°95NT01488

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 26 mai 1998, 95NT01488


Vu le recours du ministre de l'économie et des finances, enregistré au greffe de la Cour le 31 octobre 1995 ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 931249-932024-94883 en date du 20 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Caen a accordé à la société LEBOUCHER la décharge de la participation à la formation professionnelle continue au titre des années 1988 à 1991, de la participation à l'effort de construction au titre des années 1989 à 1991, des taxes professionnelles ainsi que des taxes pour frais de la chambre de commerce et de la chamb

re de métiers pour les années 1990 à 1992 ;
2 ) de remettre à la ch...

Vu le recours du ministre de l'économie et des finances, enregistré au greffe de la Cour le 31 octobre 1995 ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 931249-932024-94883 en date du 20 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Caen a accordé à la société LEBOUCHER la décharge de la participation à la formation professionnelle continue au titre des années 1988 à 1991, de la participation à l'effort de construction au titre des années 1989 à 1991, des taxes professionnelles ainsi que des taxes pour frais de la chambre de commerce et de la chambre de métiers pour les années 1990 à 1992 ;
2 ) de remettre à la charge de la société LEBOUCHER les cotisations dues au titre :
- de la participation des employeurs à l'effort de construction pour les années 1989 à 1991 ;
- de la formation professionnelle continue :
. à titre principal, à raison de l'intégralité des impositions émises pour les années 1988 à 1991,
. à titre subsidiaire, à hauteur de la fraction de la cotisation pour 1991 indûment déchargée par le tribunal administratif soit 4 439 F ;
- de la taxe professionnelle et des taxes pour frais de la chambre de commerce et de la chambre de métiers pour les années 1990 à 1992 :
. à titre principal, à raison de la totalité des impositions primitives et supplémentaires soit respectivement 57 043 F, 73 751 F et 90 047 F,
. à titre subsidiaire, à concurrence des impositions primitives indûment déchargées par le tribunal administratif soit respectivement 49 048 F, 52 009 F et 74 367 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 1998 :
- le rapport de Mme HELMHOLTZ, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant que le jugement a été notifié à l'administration le 3 juillet 1995 ; que le ministre de l'économie et des finances a relevé appel de ce jugement par une télécopie enregistrée au greffe de la Cour le 31 octobre 1995, avant l'expiration du délai de quatre mois prévu par les dispositions combinées des articles R.200-18 du livre des procédures fiscales et R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, laquelle contenait, conformément aux dispositions de l'article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et contrairement à ce que soutient la S.A. LEBOUCHER DG l'exposé des faits et moyens, les conclusions et les noms et demeures des parties ; que le ministre a produit ultérieurement un exemplaire dûment signé du mémoire adressé par télécopie ; qu'il suit de là que le recours du ministre est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, par le jugement dont le ministre fait appel, le Tribunal administratif de Caen a déchargé la S.A. LEBOUCHER DG, notamment de la totalité de la cotisation due au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre de l'année 1991 et des taxes professionnelles ainsi que des taxes pour frais de la chambre de commerce et de la chambre de métiers au titre des années 1990, 1991 et 1992 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société demandait tant dans ses réclamations préalables que dans ses demandes devant le tribunal, d'une part, en ce qui concerne la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre des années 1988 à 1991, le bénéfice des dispositions de l'article 235 ter EA du code général des impôts qui dispense pendant trois ans du paiement de la cotisation des employeurs qui atteignent ou dépassent l'effectif de dix salariés et réduit ce montant de 75 % la quatrième année et, d'autre part, en ce qui concerne les taxes professionnelles et les taxes pour frais de chambre de commerce et de chambre de métiers, la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles elle avait été assujettie ; que, par suite, en accordant au contribuable la décharge de l'intégralité de la cotisation de participation au titre de 1991 ainsi que la décharge de l'intégralité des taxes susmentionnées comprenant les impositions primitives, le tribunal administratif s'est mépris sur l'étendue du litige qui lui était soumis ; que le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que, dans cette mesure, les premiers juges ont statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis et que leur jugement doit, par suite, être annulé sur ce point ;
Sur la participation des employeurs à l'effort de construction et au développement de la formation professionnelle continue :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 235 bis du code général des impôts : "Les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des salaires, n'ont pas procédé dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat aux investissements prévus à l'article L.313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des salaires payés par eux au cours de l'année écoulée, déterminée selon les modalités prévues aux articles 231 et suivants" ; qu'aux termes de l'article L.313-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " ... Les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de dix salariés, sont dispensés pendant trois ans du paiement de la cotisation relative à la participation. Le montant de la participation est réduit de 75 % la quatrième année, de 50 % la cinquième année, de 25 % la sixième année" ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 235 C du code général des impôts : "Tout employeur occupant au minimum dix salariés, à l'exception de l'Etat, des collectivités locales et leurs établissements publics à caractère administratif, doit concourir au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année au financement des actions de formation mentionnées à l'article L.900-2 du code du travail" et qu'aux termes de l'article 235 ter EA du même code : "Les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de dix salariés, sont dispensés pendant trois ans du paiement de la cotisation relative à la participation. Le montant de la participation est réduit de 75 % la quatrième année, de 50 % la cinquième année, de 25 % la sixième année" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L.313-1 du code de la construction et de l'habitation et 235 ter EA du code général des impôts, que, seuls les employeurs qui en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de dix salariés bénéficient d'une dispense ou d'une réduction des cotisations dues au titre de la participation à l'effort de construction et au développement de la formation professionnelle ; que la S.A.R.L. LEBOUCHER créée le 1er janvier 1988 et qui ne peut, dès lors, se prévaloir au titre de 1988 d'un accroissement de son effectif, ne pouvait prétendre au bénéfice des allégements transitoires prévus en cas de franchissement du seuil de dix salariés prévus par les dispositions susmentionnées sans qu'y fasse obstacle la circonstance relevée par les premiers juges que les participations à l'effort de construction et au développement de la formation professionnelle constitueraient en réalité des cotisations sociales représentant un complément du salaire restant dues en cas de changement ou de modification de l'employeur ; que le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que c est à tort que le tribunal administratif a fait droit sur ce point à la demande de la société ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société LEBOUCHER DG tant en première instance qu'en appel ;

Considérant que si la société LEBOUCHER DG soutient que la transformation de la société de fait existant antérieurement en S.A.R.L. en 1988 n'est qu'une simple modification dans la situation juridique de l'employeur, cette circonstance est en tout état de cause, sans incidence dès lors que le dispositif d'allégement, comme il vient d'être dit, ne peut concerner des employeurs nouveaux ; qu'elle ne saurait, en tout état de cause, utilement invoquer différentes réponses ministérielles et interprétations contenues dans la documentation administrative de base relatives à d'autres impôts ;
Sur la taxe professionnelle et les taxes pour frais de la chambre de commerce et de la chambre de métiers :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : "La taxe professionnelle a pour base ... la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 15118 B des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle ..." ; que l'article 1469 du même code précise que, pour les biens passibles d'une taxe foncière, la valeur locative est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ; que lesdites règles sont fixées aux articles 1494 à 1518 B du même code dont les dispositions distinguent les locaux d'habitation et à usage professionnel, les locaux commerciaux et les établissements industriels auxquelles s'appliquent les règles visées par l'article 1499 dudit code ;
Considérant, d'autre part, en vertu des articles 1600 et 1601 du code général des impôts, que la taxe pour frais de la chambre de commerce et la taxe pour frais de la chambre de métiers sont des taxes additionnelles à la taxe professionnelle ; qu'elles sont, dès lors, assises dans les mêmes conditions que la taxe professionnelle ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'activité de la société LEBOUCHER consiste essentiellement à réaliser à partir d'éléments en bois des charpentes complètes pour des bâtiments à usage agricole ou d'habitation ; que si la société soutient qu'elle se borne à concevoir les charpentes qui sont constituées d'éléments préassemblés fournies par des entreprises suédoises, elle n'apporte aucun élément sur ce point ; que, par ailleurs, elle reconnaissait elle-même dans sa réclamation préalable se livrer à des opérations de fabrication ; qu'enfin, elle utilise un outillage qui représente selon les chiffres qu'elle a elle-même fournis une part importante de ses immobilisations ; que, par suite, l'établissement de la société, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, doit être regardé, pour la détermination de sa valeur locative, comme un établissement industriel, au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, nonobstant les circonstances que le nombre de salariés affectés à la production serait réduit, que la clientèle des biens produits ne serait pas constituée de professionnels du bâtiment et que la marge résulterait uniquement de la conception et de la pose des charpentes ; qu'enfin, la circonstance qu'il s'agirait d'un atelier situé dans une zone artisanale est sans influence sur la qualification d'établissement industriel au sens de l'article 1499 susmentionné ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration ne pouvait déterminer la valeur locative des immobilisations passibles de la taxe foncière servant de base aux taxes litigieuses en appliquant les dispositions prévues pour les établissements industriels ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a accordé à la société LEBOUCHER DG la décharge des cotisations de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre des années 1988 à 1991, des cotisations de participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 1989 à 1991, des cotisations de taxes professionnelles ainsi que de taxes pour frais de la chambre de commerce et de la chambre de métiers au titre des années 1990 à 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que la S.A. LEBOUCHER DG demande la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 50 000 F sur le fondement des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que si la société doit être regardée comme invoquant les dispositions de l'article L.8-1 du même code qui se sont substituées à l'article R.222 susvisé, ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la société intéressée la somme qu'elle réclame ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 20 juin 1995 est annulé.
Article 2 : Les cotisations de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre des années 1988, 1989, 1990 et 1991, les cotisations de participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 1989, 1990 et 1991, les cotisations de taxes professionnelles ainsi que de taxes pour frais de la chambre de commerce et de la chambre de métiers au titre des années 1990, 1991 et 1992 sont intégralement remises à la charge de la S.A. LEBOUCHER DG.
Article 3 : Les conclusions de la S.A. LEBOUCHER DG tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la S.A. LEBOUCHER DG.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT01488
Date de la décision : 26/05/1998
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS ASSIS SUR LES SALAIRES OU LES HONORAIRES VERSES - PARTICIPATION DES EMPLOYEURS A L'EFFORT DE CONSTRUCTION - Exonération totale ou partielle - Condition - Effectif s'étant accru de telle sorte qu'il atteint ou dépasse dix salariés - Notion d'accroissement - Absence - Reprise de l'activité d'une société employant moins de dix salariés.

19-05-02 Les allégements transitoires prévus pour la participation des employeurs à l'effort de construction en cas de franchissement du seuil de dix salariés, ne peuvent s'appliquer que lorsque les employeurs constatent un accroissement d'effectif. Par suite, alors même qu'elle a repris l'activité d'une société de fait qui employait moins de dix salariés, une entreprise ne peut bénéficier de tels allégements au titre de l'année de sa création.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS ASSIS SUR LES SALAIRES OU LES HONORAIRES VERSES - PARTICIPATION DES EMPLOYEURS AU FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE - Exonération totale ou partielle - Condition - Effectif s'étant accru de telle sorte qu'il atteint ou dépasse dix salariés - Notion d'accroissement.

19-05-06 Les allégements transitoires prévus pour la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue en cas de franchissement du seuil de dix salariés, ne peuvent s'appliquer que lorsque les employeurs constatent un accroissement d'effectif. Par suite, alors même qu'elle a repris l'activité d'une société de fait qui employait moins de dix salariés, une entreprise ne peut bénéficier de tels allégements au titre de l'année de sa création.


Références :

CGI 235 ter EA, 235 bis, 235 C, 1467, 1469, 1494 à 1518, 1499, 1600, 1601
CGI Livre des procédures fiscales R200-18
Code de la construction et de l'habitation L313-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R87, R222, L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Vérot
Rapporteur ?: Mme Helmholtz
Rapporteur public ?: M. Aubert

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-05-26;95nt01488 ?
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