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17/07/1996 | FRANCE | N°94NT00133;94NT00360

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 17 juillet 1996, 94NT00133 et 94NT00360


Vu I) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 février 1994 sous le n 94NT00133, présentée pour la S.C.I DE LA MOTTE, dont le siège social est Hameau de La Motte, 27270, Ferrières-Saint-Hilaire, par Me Erik X..., avocat ;
La société demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90-455 du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté comme irrecevable pour ce qui concerne l'année 1989 les conclusions de sa demande tendant à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1988 et 19

89 dans les rôles de la commune de Ferrières-Saint-Hilaire ;
2) de prononc...

Vu I) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 février 1994 sous le n 94NT00133, présentée pour la S.C.I DE LA MOTTE, dont le siège social est Hameau de La Motte, 27270, Ferrières-Saint-Hilaire, par Me Erik X..., avocat ;
La société demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90-455 du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté comme irrecevable pour ce qui concerne l'année 1989 les conclusions de sa demande tendant à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 dans les rôles de la commune de Ferrières-Saint-Hilaire ;
2) de prononcer la réduction demandée ;

Vu II) le recours du MINISTRE DU BUDGET, enregistré au greffe de la Cour le 11 avril 1994 sous le n 94NT00360 ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90455 en date du 8 décembre 1993 du Tribunal administratif de Rouen en tant, d'une part, qu'il a accordé à la S.C.I de La Motte la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 dans les rôles de la commune de Ferrières- Saint-Hilaire et, d'autre part, qu'il a condamné l'Etat à verser à ladite société une somme de 3 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la S.C.I de La Motte ;
3 ) d'ordonner la restitution à l'Etat des frais irrépétibles alloués à la S.C.I de La Motte par le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 1996 :
- le rapport de M. MARGUERON, conseiller,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la S.C.I DE LA MOTTE et le recours du MINISTRE DU BUDGET sont dirigés contre un même jugement par lequel il a été statué sur la demande de la S.C.I DE LA MOTTE ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par jugement en date du 8 décembre 1993, le Tribunal administratif de Rouen, statuant sur les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la S.C.I DE LA MOTTE a été assujettie au titre des années 1988 et 1989, à raison d'un ensemble de locaux industriels situés à Ferrières-Saint-Hilaire (Eure), a, d'une part, réduit la cotisation au titre de l'année 1988 de la différence entre le montant réclamé à la société et celui résultant, pour la détermination de la valeur locative des locaux en cause, de l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts et, d'autre part, rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande relatives à l'année 1989 ; qu'il a, en outre, fait droit à concurrence d'une somme de 3 000 F aux conclusions de la société tendant à la condamnation de l'Etat au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que la S.C.I DE LA MOTTE fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'imposition en litige au titre de l'année 1989 ; que le MINISTRE DU BUDGET en fait appel en tant qu'il a accordé la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 1988 et qu'il a condamné l'Etat au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la S.C.I DE LA MOTTE :
Considérant qu'aux termes de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ... qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au directeur des services fiscaux de l'Eure le 13 décembre 1993 ; que, par suite, la S.C.I DE LA MOTTE n'est pas fondée à soutenir que le recours du MINISTRE DU BUDGET, enregistré au greffe de la Cour le 11 avril 1994, moins de quatre mois après cette notification, serait tardif ;
Sur l'imposition au titre de l'année 1989 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.190-1 du livre des procédures fiscales : "Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition" ; qu'aux termes de son article R.197-3 : "Toute réclamation doit, à peine d'irrecevabilité : ...b) contenir l'exposé sommaire des moyens et des conclusions de la partie ..." ;

Considérant que si la S.C.I DE LA MOTTE soutient avoir adressé le 24 octobre 1989 à l'administration une réclamation contestant la taxe foncière sur les propriétés bâties qui lui avait été réclamée au titre de l'année 1989, le document qu'elle produit à l'appui de ses dires consiste en la copie d'un courrier qui aurait été adressé au percepteur de BROGLIE avec le règlement de l'impôt en cause et qui se borne à indiquer que le montant réglé est contesté, qu'une instance concernant "cet impôt" est pendante devant le Tribunal administratif de Rouen et que le paiement effectué n'implique pas la reconnaissance de "la régularité" dudit impôt ; qu'un tel courrier, dont la réalité de l'envoi au destinataire indiqué n'est d'ailleurs pas établie, n'a pu, eu égard à l'imprécision de ses termes, constituer la réclamation exigée par les dispositions précitées ; que le moyen tiré de ce que les vices de forme prévus à l'article R.197-3 du livre des procédures fiscales dont est affectée la réclamation peuvent être couverts lors de la procédure contentieuse, en vertu de l'article R.200-2 du même livre, est, dès lors, inopérant ; qu'il suit de là que, nonobstant la circonstance que des réclamations avaient été présentées au titre des années d'imposition antérieures, la S.C.I DE LA MOTTE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rouen a rejeté, faute de réclamation préalable à l'administration, ses conclusions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1989 ;
Sur l'imposition au titre de l'année 1988 :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une décision en date du 1er septembre 1988, antérieure à l'introduction de la demande de la S.C.I DE LA MOTTE devant le Tribunal administratif, le directeur des services fiscaux de l'Eure avait prononcé un dégrèvement de 8 961 F sur le montant de l'imposition en litige ; que, dans cette mesure, la demande de la société était sans objet ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué en tant que, dans la limite du dégrèvement ainsi prononcé, il a statué sur les conclusions dont il était saisi, d'évoquer lesdites conclusions et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 1500 du code général des impôts relatif à la détermination de la valeur locative des immobilisations industrielles pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties : "Par dérogation à l'article 1499, les bâtiments et terrains industriels qui ne figurent pas à l'actif d'une entreprise industrielle ou commerciale astreinte aux obligations définies à l'article 53 A, sont évalués dans les conditions prévues à l'article 1498" ; qu'en vertu du 5 du I de l'article 35 du même code, présente un caractère industriel ou commercial la location d'un "établissement commercial ou industriel muni du matériel ou du mobilier nécessaire à son exploitation ..." ;

Considérant que pour contester les montants de taxe foncière sur les propriétés bâties mis à sa charge au titre de l'année 1988, la S.C.I DE LA MOTTE soutient que la valeur locative des locaux lui appartient et qu'elle loue à des entreprises aurait dû être calculée, non dans les conditions prévues à l'article 1498 du code général des impôts, mais selon la méthode applicable aux établissements industriels évalués à partir du prix de revient fixée par son article 1499, dès lors qu'elle entre dans le champ d'application de l'article 53 A du même code et a la nature d'une entreprise industrielle ou commerciale ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la location des locaux comportait l'essentiel du matériel ou du mobilier nécessaire à leur exploitation ; qu'ainsi, le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir qu'eu égard aux modalités de cette location la S.C.I DE LA MOTTE ne présentait pas, au cours des années en litige, le caractère d'une entreprise industrielle ou commerciale ; qu'il suit de là que la valeur locative des locaux dont s'agit devait, en application de l'article 1500 du code général des impôts, être calculée dans les conditions prévues à son article 1498 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce que les locaux appartenant à la S.C.I DE LA MOTTE devaient être évalués conformément aux règles fixées par l'article 1499 du code général des impôts pour accorder à cette société la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties qu'elle réclamait ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la S.C.I DE LA MOTTE tant en première instance qu'en appel ;
Considérant, en premier lieu, que si la S.C.I DE LA MOTTE soutient qu'elle serait passible de l'impôt sur les sociétés cette circonstance ne serait pas, en tout état de cause, de nature à l'exclure du champ d'application de l'article 1500 du code général des impôts, dès lors que, comme il vient d'être dit, la société n'avait pas un caractère industriel ou commercial au sens des dispositions de cet article ;
Considérant, en second lieu, qu'à supposer même que la société requérante entende se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales, de la position que l'administration aurait formellement prise sur l'appréciation de sa situation au regard des dispositions fiscales en l'imposant sur la base d'une valeur locative calculée selon la méthode prévue à l'article 1499 du code général des impôts au cours des deux années qui ont suivi son acquisition des locaux de Ferrières-Saint-Hilaire en 1983 et en appliquant, à l'occasion de la première des impositions litigieuses, le c fficient de revalorisation annuelle valable pour les locaux dont la valeur locative est évaluée selon la même méthode, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté s'agissant de la contestation d'une imposition primitive ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que le calcul des impositions devait être effectué conformément aux dispositions, pour la détermination de la valeur locative des locaux, de l'article 1498 du code général des impôts ; que si la S.C.I DE LA MOTTE conteste le calcul du dégrèvement prononcé le 1er septembre 1988 résultant de l'application de cet article, ce moyen, en l'absence, notamment, de la production de la copie des écritures produites dans une autre instance auxquelles elle se réfère, n'est pas assorti des précisions qui permettraient d'en apprécier la portée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du surplus du jugement attaqué en tant qu'il accorde à la S.C.I DE LA MOTTE la réduction de l'imposition en litige et, par suite, à demander que, compte tenu du dégrèvement intervenu, ladite société soit rétablie au rôle de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 1988 pour un montant de 35 989 F ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la S.C.I DE LA MOTTE devait être regardée comme partie perdante en première instance ; que le MINISTRE DU BUDGET est, dès lors, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à ladite société une somme de 3 000 F au titre des dispositions précitées ;
Considérant, en second lieu, que la S.C.I DE LA MOTTE succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement en date du 8 décembre 1993 du Tribunal administratif de Rouen sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande présentée par la S.C.I DE LA MOTTE devant le Tribunal administratif de Rouen devenues sans objet en cours d'instance.
Article 3 : Le surplus de la requête de la S.C.I DE LA MOTTE est rejeté.
Article 4 : La S.C.I DE LA MOTTE est rétablie au rôle de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 1988 pour un montant de trente cinq mille neuf cent quatre vingt neuf francs (35 989 F).
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la S.C.I DE LA MOTTE et au MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94NT00133;94NT00360
Date de la décision : 17/07/1996
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES) - ABSENCE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - RECLAMATIONS AU DIRECTEUR - FORMES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES FONCIERES - TAXE FONCIERE SUR LES PROPRIETES BATIES.


Références :

CGI 1499, 1500, 35, 1498, 53
CGI Livre des procédures fiscales R200-18, R190-1, R197-3, R200-2, L80 B
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Instruction du 01 septembre 1988


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MARGUERON
Rapporteur public ?: M. CADENAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1996-07-17;94nt00133 ?
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