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17/07/1996 | FRANCE | N°93NT00165;94NT00165

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 17 juillet 1996, 93NT00165 et 94NT00165


Vu l'arrêt en date du 22 novembre 1995 par lequel, saisie d'une part des requêtes n 93NT00165 et n 94NT00165 de la commune de Crestot tendant à l'annulation des jugements en date des 17 décembre 1992 et 31 décembre 1993 par lesquels le Tribunal administratif de Rouen l'a déclarée responsable des dommages subis par M. Y... à la suite de l'inondation soudaine de sa propriété par les eaux pluviales, a ordonné une expertise en vue de déterminer la valeur vénale de ladite propriété, et l'a condamnée à verser à M. Y... la somme totale, en principal, de 531 467 F, saisie d'autre par

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Vu l'arrêt en date du 22 novembre 1995 par lequel, saisie d'une part des requêtes n 93NT00165 et n 94NT00165 de la commune de Crestot tendant à l'annulation des jugements en date des 17 décembre 1992 et 31 décembre 1993 par lesquels le Tribunal administratif de Rouen l'a déclarée responsable des dommages subis par M. Y... à la suite de l'inondation soudaine de sa propriété par les eaux pluviales, a ordonné une expertise en vue de déterminer la valeur vénale de ladite propriété, et l'a condamnée à verser à M. Y... la somme totale, en principal, de 531 467 F, saisie d'autre part des conclusions de M. Y... tendant à ce que l'indemnité devant lui être allouée soit fixée au montant de 817 334,62 F, à titre principal, ou de 525 000 F, à titre subsidiaire, en ce qui concerne son préjudice immobilier et au montant total de 271 779,56 F en ce qui concerne les autres chefs de préjudice, ainsi qu'à ce que le SIVOM du canton du Neubourg et l'Etat soient également déclarés responsables des dommages et, en conséquence, condamnés conjointement et solidairement avec la commune de Crestot et, en tant que de besoin, le département de l'Eure, à lui verser les sommes précitées, la Cour de céans a mis hors de cause l'Etat et le département de l'Eure et ordonné un supplément d'instruction aux fins pour M. Y... de justifier, par tout document émanant de son assureur, de la nature et de l'étendue des préjudices qui resteraient à sa charge après remboursement par ce dernier ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 1996 :
- le rapport de M. MARGUERON, conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me COPPER-ROYER, avocat de la commune de Crestot,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement ;

Sur la réparation des préjudices :
Considérant que, par son arrêt susvisé en date du 22 novembre 1995, la Cour, après avoir estimé que la commune de Crestot et le SIVOM du canton du Neubourg devaient être déclarés conjointement et solidairement responsables des conséquences dommageables de l'envahissement de la propriété de M. Y... par les eaux pluviales, lors d'un orage survenu dans la nuit du 7 au 8 mai 1988, et mis hors de cause l'Etat et le département de l'Eure, a ordonné un supplément d'instruction aux fins pour M. Y... de justifier, par tout document émanant de son assureur, de la nature et de l'étendue des préjudices qui seraient restés à sa charge après remboursement par ce dernier ; que M. Y... a produit une attestation de son assureur indiquant qu'il n'avait été remboursé que de ses dommages mobiliers, à concurrence de la somme de 35 610 F mentionnée dans le rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Rouen ; qu'il appartient, dès lors, à la Cour de se prononcer sur les autres chefs de préjudice invoqués par M. Y... ;
En ce qui concerne le préjudice immobilier :
Considérant, en premier lieu, que les eaux pluviales qui avaient envahi la propriété de M. Y... lors de l'orage ont brusquement disparu dans le sol dans la matinée du 8 mai 1988 et qu'il s'en est immédiatement suivi la création d'un fontis provoquant l'affaissement et le basculement vers l'ouest de la maison édifiée sur la propriété ; que l'évaluation des dommages ainsi subis par la construction doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué qu'il aurait été impossible d'entreprendre ces travaux à la suite du dépôt du rapport de l'expertise en référé précitée au greffe du Tribunal administratif, le 28 février 1989 ; que les dommages doivent, dès lors, être évalués à cette dernière date, sans indexer, contrairement à ce que demande M. Y..., la somme destinée à les réparer sur l'évolution du coût de la construction entre novembre 1989, date du devis établi à l'initiative de l'intéressé, et la date du règlement effectif de l'indemnité ;
Considérant, en deuxième lieu, que le rapport d'une seconde expertise, ordonnée par le jugement avant dire droit du 17 décembre 1992 du Tribunal administratif de Rouen, estime à la somme de 440 000 F la valeur vénale de la maison de M. Y... à la veille du sinistre ; que si cette seconde expertise n'a pas eu un caractère contradictoire à l'égard du SIVOM du canton du Neubourg, dont la responsabilité n'avait pas été retenue par les premiers juges, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'utilisation du rapport comme élément d'information et à ce que, le syndicat ayant pu présenter ses observations au cours de la procédure d'appel, il soit statué au fond sur le préjudice immobilier subi par M. Y... sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise ;

Considérant, en troisième lieu, que M. Y... n'établit pas que la valeur vénale de sa maison à l'époque du sinistre aurait été de 525 000 F en produisant deux attestations, établies sur sa demande par des notaires six ans après les faits et qui incluent la valeur du terrain d'assiette ; que si la commune de Crestot fait valoir l'état de délabrement de la maison, il ressort des éléments du dossier que cet état n'a pu résulter que de l'inoccupation prolongée de la construction à la suite du sinistre et, ainsi, ne saurait être pris en compte pour apprécier la valeur vénale de ce bien à la date d'évaluation des dommages ; que le Tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante appréciation de cette valeur en la fixant, à la date du 28 février 1989, au montant de 440 000 F ;
Considérant, en quatrième lieu, que si la commune de Crestot soutient que l'indemnité devant être allouée à M. Y... ne devrait pas excéder la somme de 309 620 F correspondant au moins onéreux des projets de réhabilitation retenus par l'expert désigné en référé, il ressort du rapport d'expertise que ce projet, qui consiste en une reprise en sous oeuvre sans remise à niveau, assure la stabilité et l'habitabilité de la maison, mais laisse subsister un dévers de sa moitié ouest et ne peut être regardé comme étant de nature à réparer réellement les dommages subis ; que si les deux autres projets retenus par l'expert permettraient d'assurer cette réparation, leur coût excède la valeur vénale du bien telle que fixée ci-dessus ; qu'il en va ainsi plus encore du coût du projet de reconstruction proposé par M. Y... ; que, dans ces conditions, le montant de l'indemnité à laquelle M. Y... est fondé à prétendre à raison des dommages causés à sa maison doit être arrêté à la somme de 440 000 F ;
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :
Considérant, en premier lieu, que M. Y... ne justifie pas par les seuls devis qu'il produit de l'existence de préjudices, qu'il évalue aux sommes respectives de 17 315,60 F et de 76 246,96 F, tenant à une obligation de remplacement des espaces verts et des végétaux de sa propriété qui aurait trouvé son origine dans l'inondation de celle-ci lors de l'orage survenu dans la nuit du 7 au 8 mai 1988 ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. Y... qui avait dû quitter sa maison au lendemain du sinistre justifie avoir eu à verser un loyer pour assurer son relogement pendant la période qui a couru du 1er septembre 1988 au 30 décembre 1990 ; que, compte-tenu des sommes dont il a dû s'acquitter à ce titre, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en fixant l'indemnité qui doit lui être allouée de ce chef à la somme de 87 000 F ;

Considérant, en troisième lieu, que M. Y... a droit, à concurrence de la somme totale de 40 857,70 F, au remboursement des frais qu'il a avancés pour la réalisation de l'expertise ordonnée en référé et pour la maintenance de sa maison et dont la réalité comme le montant sont attestés par l'expert ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y..., dont il n'est pas établi, en tout état de cause, qu'il n'aurait pas eu l'intention de revenir habiter sa propriété, est fondé à demander la condamnation conjointe et solidaire de la commune de Crestot et du SIVOM du canton du Neubourg à lui payer la somme globale de 567 857,70 F ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais des expertises ordonnées par le juge des référés et le Tribunal administratif de Rouen, liquidés et taxés aux sommes respectives de 10 656,80 F et de 3 795,20 F, doivent être mis à la charge conjointe et solidaire de la commune de Crestot et du SIVOM du canton du Neubourg ;
Sur les appels en garantie du SIVOM du canton du Neubourg :
Considérant que, devant le Tribunal administratif, le SIVOM du canton du Neubourg s'était borné à demander qu'il soit statué sur le partage de responsabilité qu'il convenait d'opérer entre lui-même, la commune de Crestot et le département de l'Eure ; qu'une telle demande ne peut être regardée comme un appel en garantie ; qu'il suit de là que ses conclusions présentées devant la Cour et tendant à ce que la commune ainsi que l'Etat le garantissent des condamnations présentées à son encontre constituent une demande nouvelle, irrecevable en appel ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que le SIVOM du canton du Neubourg succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que M. Y... et la commune de Crestot soient condamnés à lui verser des sommes au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, d'une part de condamner conjointement et solidairement la commune de Crestot et le SIVOM du canton du Neubourg à payer à M. Y... une somme de 8 000 F, d'autre part, de condamner M. Y... à payer au département de l'Eure, à l'égard duquel il est partie perdante, une somme de 4 000 F ;
Article 1er : La commune de Crestot et le SIVOM du canton du Neubourg sont condamnés conjointement et solidairement à verser à M. Y... la somme de cinq cent soixante sept mille huit cent cinquante sept francs soixante dix centimes (567 857,70 F).
Article 2 : Les frais des expertises ordonnées par le juge des référés du Tribunal administratif de Rouen le 5 août 1988 et par le jugement du 17 décembre 1992 du Tribunal administratif, liquidés et taxés aux sommes respectives de dix mille six cent cinquante six francs quatre vingts centimes (10 656,80 F) et de trois mille sept cent quatre vingt quinze francs vingt centimes (3 795,20 F) sont mis à la charge conjointe et solidaire de la commune de Crestot et du SIVOM du canton du Neubourg.
Article 3 : Les jugements en date des 17 décembre 1992 et 31 décembre 1993 du Tribunal administratif de Rouen sont réformés en ce qu'ils ont de contraire aux articles premier et 2 ci- dessus.
Article 4 : La commune de Crestot et le SIVOM du canton du Neubourg sont condamnés conjointement et solidairement à verser une somme de huit mille francs (8 000 F) à M. Y... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : M. Y... versera au département de l'Eure une somme de quatre mille francs (4 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la commune de Crestot, du SIVOM du canton du Neubourg et de M. Y... ensemble le surplus des conclusions du département de l'Eure tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Crestot, au SIVOM du canton du Neubourg, à M. Y..., au département de l'Eure et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NT00165;94NT00165
Date de la décision : 17/07/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - DATE D'EVALUATION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MARGUERON
Rapporteur public ?: M. CADENAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1996-07-17;93nt00165 ?
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