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29/05/1996 | FRANCE | N°93NT00411

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 29 mai 1996, 93NT00411


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 avril 1993 et le mémoire ampliatif enregistré le 14 septembre 1993, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS par Maître Y..., avocat au Conseil d'Etat ;
Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-2189 du 11 février 1993 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'invalidité dont demeure atteinte l'enfant Marie X... et l'a condamné à payer, outre les frais d'expertise :
- à M. X.

.., en sa qualité d'administrateur légal de sa fille, une rente annuelle ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 avril 1993 et le mémoire ampliatif enregistré le 14 septembre 1993, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS par Maître Y..., avocat au Conseil d'Etat ;
Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-2189 du 11 février 1993 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'invalidité dont demeure atteinte l'enfant Marie X... et l'a condamné à payer, outre les frais d'expertise :
- à M. X..., en sa qualité d'administrateur légal de sa fille, une rente annuelle de 210 000 F jusqu'à la majorité de celle-ci, outre intérêts et indexation ; 60-04-03 - à chacun des parents de la jeune Marie X... une somme en capital de 120 000 F ;
- à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers une somme de 1 130 208,54 F ainsi que les frais d'hospitalisation, d'hébergement et d'éducation spécialisée qui seront exposés à l'avenir, frais qui seront imputés sur le montant de la rente allouée à l'enfant dans la limite des trois-quarts ;
- enfin, une somme de 5 000 F à M. et Mme X... au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme X... et la caisse primaire d'assurance maladie devant le Tribunal administratif de Nantes ;
3 ) subsidiairement, de limiter sa responsabilité à un quart, compte- tenu de celle du médecin traitant et de réduire le montant des indemnités allouées qui sont excessives ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 1996 :
- le rapport de M. CHAMARD, conseiller,
- les observations de Maître COLLIN, avocat de M. et Mme X...,
- les observations de Maître LE DALL, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,

Considérant que par un jugement en date du 11 février 1993 le Tribunal administratif de Nantes a déclaré le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS entièrement responsable de l'invalidité dont demeure atteinte l'enfant Marie X... et l'a condamné à verser diverses indemnités aux parents de cet enfant tant pour leur propre compte que pour celui de leur fille ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers ; que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS demande à la Cour à titre principal de le mettre hors de cause et à titre subsidiaire de réduire le montant des indemnités allouées ; que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement en ce qu'il lui a refusé le remboursement de frais futurs d'appareillage et a fixé la possibilité d'imputation des autres frais aux trois quarts de la rente allouée à l'enfant Marie X..., et sollicite en outre le remboursement de nouveaux débours engagés postérieurement au jugement tant par elle-même que par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne ;
En ce qui concerne la requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS :
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le moyen selon lequel le jugement attaqué serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière n'est assorti d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier la portée ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le 1er octobre 1988 la jeune Marie X..., alors âgée de 18 mois, a été atteinte d'une forte fièvre et adressée au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS le 7 octobre 1988 pour une "fièvre persistante" ; que le praticien qui a examiné l'enfant ayant confirmé le diagnostic d'otite posé par son confrère et prescrit un nouveau traitement antibiotique, elle a pu quitter le service de pédiatrie le 9 octobre 1988 avec l'accord des médecins, la température ayant diminué et les prélèvements bactériologiques s'étant avérés négatifs ; que la température remontant à compter du 14 octobre 1988, le médecin généraliste appelé à donner un nouvel avis a décidé, le 15 octobre 1988, devant l'absence de toute amélioration, d'adresser à nouveau l'enfant au centre hospitalier ; que Marie X... a été renvoyée avec un traitement antithermique simple après qu'ait été notée "une température à 39 , mais la disparition des ganglions cervicaux et l'absence totale d'autres signes pouvant évoquer une origine bactérienne à cette température" ; que, le 18 octobre 1988, devant l'aggravation de l'état de l'enfant qui ne marchait plus et s'abstenait de se nourrir, la jeune Marie a, de nouveau, été hospitalisée ; que, le lendemain, l'interne, qui l'avait vue le 7 octobre précédent, a simplement observé que la fièvre persistait à 39 5, que, Marie se plaignait de céphalées, mais que l'examen clinique ne montrait pas de signes en dehors de signes ORL ; que, bien qu'un état de faiblesse et une fièvre isolée probablement d'origine virale aient été diagnostiqués en l'absence de tout symptôme de méningite, pourtant invoqué par les parents, la petite Marie X... a été, une nouvelle fois, autorisée à retourner chez elle avec une prescription simple de Catalgine ; que ce n'est que le 23 octobre 1988, après un transport d'urgence au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS, que des signes caractéristiques de méningite ont été observés et immédiatement confirmés par la réalisation d'une ponction lombaire ; que la jeune Marie X... présente les séquelles majeures d'une souffrance cérébrale secondaire à une infection à hémophilus influenzae qui a débuté dès le 1er octobre 1988 dans la sphère oto-rhino-laryngologique ;
Considérant qu'il ressort de ces divers éléments qu'à la date du 19 octobre 1988, lors du troisième examen de Marie X..., le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS, en dépit de la persistance et de l'aggravation des troubles présentés malgré les traitements précédemment prescrits, s'est abstenu de la garder en observation et de procéder aux investigations supplémentaires qui auraient permis de déterminer la nature exacte de l'affection dont elle était atteinte ; que l'absence de ces mesures constitue, alors qu'il ressort du rapport de l'expert qu'à cette date des soins appropriés auraient permis de remédier à cet état, une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS ; que cette responsabilité ne saurait être atténuée ni par la circonstance que les traitements antérieurs prescrits par les médecins traitants auraient masqué certains signes méningés, dès lors que ce phénomène ne saurait échapper à un praticien expérimenté, ni par le souhait formulé par les parents que leur enfant ne soit pas hospitalisée ;
Sur les droits de l'enfant Marie X... et de ses parents :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de la gravité des séquelles présentées par la jeune Marie X..., qui demeure atteinte d'une incapacité permanente de 100 %, est paralysée, aveugle et incapable d'accomplir les gestes de la vie courante sans l'assistance d'une tierce personne, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice global subi par cet enfant, incluant les divers troubles dans les conditions d'existence, les souffrances physiques et morales et le préjudice esthétique, et fixant la réparation à une rente annuelle de 210 000 F courant du 15 octobre 1988 à la majorité et tenant compte des possibilités d'imputation, dans la limite des trois quarts de certains débours futurs de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le Tribunal administratif aurait fait une inexacte appréciation du préjudice global subi par chacun des parents de Marie X... en fixant à 120 000 F l'indemnité due à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a retenu son entière responsabilité ni à demander la réduction des condamnations prononcées à son encontre ;
En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers :
Considérant qu'en vertu de l'article L 121-1 du code de la sécurité sociale, le conseil d'administration des caisses primaires et régionales d'assurance maladie du régime général règle par ses délibérations les affaires de la caisse ; que cette disposition législative comporte, notamment, pouvoir de décider la mise en oeuvre d'une procédure contentieuse ; que si les articles R 121-2 et R 122-3-2 et 3 du code de la sécurité sociale prévoient respectivement que " ... Les organismes sont représentés de plein droit en justice et dans tous les actes de la vie civile par leur président qui peut déléguer ses pouvoirs au directeur par mandat spécial ou général" et que " ... Le directeur engage les dépenses, constate les créances et les dettes, émet les ordres des recettes et des dépenses ..." ; ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'habiliter le président ou le directeur d'une caisse à décider d'une action en justice en se substituant au conseil d'administration ;
Considérant que les conclusions susvisées de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers ont été présentées par le directeur de ladite caisse ; qu'invitée à régulariser sa demande en produisant la délibération du conseil d'administration habilitant le président à agir en justice, ce qui aurait ensuite permis à celui-ci de déléguer ses pouvoirs, la caisse s'est abstenue de procéder à cette régularisation ; que, dès lors, lesdites conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les débours de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, régulièrement mise en cause, n'a pas présenté de conclusions tendant au remboursement de ses débours ; qu'il en résulte qu'aucune somme ne saurait lui être allouée ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS à payer à M. et Mme X... la somme de 4 000 F ;
Article 1er - La requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers sont rejetées.
Article 2 - Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS versera aux époux X... une somme de quatre mille francs (4 000 F) au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - Le surplus des conclusions de M. et Mme X... tendant au bénéfice de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL D'ANGERS, à M. et Mme X..., à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne et au ministre du travail et des affaires sociales.


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