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02/05/1996 | FRANCE | N°94NT00188

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 02 mai 1996, 94NT00188


Vu la requête n 94NT00188 et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour les 28 février et 30 mars 1994, présentés pour M. Antoine Y... demeurant ... par Me X..., avocat ;
M. Antoine Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1535 en date du 23 décembre 1993 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté partiellement sa demande qui tendait à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 205 247 F en réparation des préjudices matériels et moraux subis du fait de l'illégalité des décisions de mutation dont il avait fait l

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Vu la requête n 94NT00188 et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour les 28 février et 30 mars 1994, présentés pour M. Antoine Y... demeurant ... par Me X..., avocat ;
M. Antoine Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1535 en date du 23 décembre 1993 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté partiellement sa demande qui tendait à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 205 247 F en réparation des préjudices matériels et moraux subis du fait de l'illégalité des décisions de mutation dont il avait fait l'objet et ne lui a alloué qu'une somme de 20 000 F, ainsi qu'une somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 205 247 F laquelle intègre la somme de 10 247 F demandée au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, somme assortie des intérêts de droit et de la capitalisation des intérêts ;
3 ) de condamner l'Etat à lui allouer des intérêts moratoires au taux légal pour la période du 1er octobre 1989 au 1er février 1991 ;
4 ) de condamner l'Etat sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à lui verser la somme de 10 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 11 avril 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 1996 :
- le rapport de Mme Lissowski, conseiller,
- les observations de M. Y...,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,

Sur la compétence territoriale du Tribunal administratif de Nantes :
Considérant qu'aux termes de l'article R.56 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Tous les litiges d'ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que les agents ou employés de la Banque de France, relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d'affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne. Si cette décision prononce une nomination ou entraîne un changement d'affectation, la compétence est déterminée par le lieu de la nouvelle affectation" ;
Considérant que par un jugement en date du 5 janvier 1990, devenu définitif, le Tribunal administratif de Nantes a annulé pour un motif tiré d'un vice de forme les décisions des 9 et 25 août 1989 par lesquelles le ministre de l'éducation nationale a prononcé la mutation dans l'intérêt du service de M. Y..., principal du collège Jean Zay à Chinon dans l'emploi de principal adjoint du collège de Bouteloup à Mayet dans la Sarthe ; que M. Y... a saisi le Tribunal administratif de Nantes le 1er juillet 1991 du litige né de sa réintégration, en exécution du jugement, tendant à la réparation du préjudice que son éviction lui causait ; qu'en raison de l'annulation prononcée par le tribunal, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de la décision portant mutation de M. Y..., celui-ci doit être regardé comme étant demeuré affecté au collège Jean Zay à Chinon, lequel se trouve dans le ressort du Tribunal administratif d'Orléans ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Nantes s'est reconnu compétent pour statuer sur la demande de M. Y... ; qu'ainsi le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 23 décembre 1993 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que M. Y... après avoir demandé la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 205 247 F en réparation du préjudice qu'il a subi, a reçu, au cours de l'instance qui a eu lieu devant le tribunal, le 22 mai 1992, une somme de 47 920,62 F correspondant aux traitements qu'il aurait dû percevoir du 1er octobre 1989 au 16 septembre 1990 en sa qualité de principal du collège Jean Zay à Chinon, déduction faite des traitements perçus pendant cette même période en qualité de principal adjoint du collège de Mayet ; que l'administration a assorti cette somme des intérêts au taux légal décomptés à partir du 2 février 1991, date de sa demande à l'administration, jusqu'à la date du versement du montant en principal ; qu'ainsi l'administration a versé la somme totale de 54 207,79 F ; qu'à concurrence de cette somme les conclusions de M. Y... sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions demeurant en litige :
En ce qui concerne la régularité de la mesure prise à l'encontre de M. Y... :

Considérant que la décision du 9 août 1989 portant à la fois mutation d'office et déclassement de M. Y... constitue une sanction disciplinaire, même si les difficultés qu'il a rencontrées dans l'exercice de ses fonctions de principal du collège Jean Zay à Chinon auraient pu, le cas échéant, justifier une mesure de mutation prise dans l'intérêt du service ; que par suite cette décision, qui n'a pas été prise selon une procédure contradictoire ni précédée de la communication de son dossier, est irrégulière et de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
En ce qui concerne les droits à indemnité :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des justifications produites par M. Y..., que celui-ci est fondé à demander réparation des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice moral qu'il a subis du fait de l'irrégularité de cette mesure ; qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation qui lui est due en condamnant l'Etat à lui verser, à raison de ce chef de préjudice, une somme de 30 000 F tous intérêts compris ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. Y... se plaint des retards apportés au règlement de certains de ses traitements ; que si ses traitements des mois d'octobre et novembre 1989 ne lui ont été versés qu'au mois de décembre, ce retard de paiement ne présente pas dans les circonstances de l'espèce une importance de nature à justifier une indemnisation ;
Considérant, en troisième lieu, que M. Y... demande le versement de la somme de 20 000 F en réparation du préjudice subi du fait du retard pris par l'administration pour exécuter le jugement du tribunal administratif en date du 5 janvier 1990 ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration a mis plus de deux ans à exécuter le jugement, obligeant le requérant à de multiples démarches et à la saisine de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner l'Etat à lui verser, à ce titre, la somme de 20 000 F tous intérêts compris ;
Considérant enfin que contrairement à ce que soutient le requérant, le calcul des intérêts sur ses traitements doit être opéré à compter de la date de sa demande d'indemnité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat, ministre de l'éducation nationale, lequel mis en demeure de produire n'a jamais présenté de défense devant la Cour, à verser à M. Y... la somme de 50 000 F tous intérêts compris ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme de 7 000 F au titre des frais qu'il a exposés tant en première instance qu'en appel ;
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 23 décembre 1993 est annulé.
Article 2 - Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. Y... à concurrence de la somme de cinquante quatre mille deux cent sept francs et soixante dix neuf centimes (54 207,79 F).
Article 3 - L'Etat est condamné à verser à M. Y... la somme de cinquante mille francs (50 000 F) tous intérêts compris.
Article 4 - L'Etat est condamné à verser à M. Y... une somme de sept mille francs (7 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 - Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94NT00188
Date de la décision : 02/05/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - CARACTERE DISCIPLINAIRE D'UNE MESURE - MESURE NE PRESENTANT PAS CE CARACTERE.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - EFFET DEVOLUTIF ET EVOCATION - EVOCATION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R56, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Lissowski
Rapporteur public ?: M. Cadenat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1996-05-02;94nt00188 ?
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