Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 1er octobre 1993 sous le n 93NT01034, présentée pour Melle Laure Y... demeurant ... par Me J.J. X..., avocat ;
Melle Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 27 juillet 1993 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande visant à obtenir le bénéfice de l'indemnité différentielle prévue par le décret n 62-1389 du 23 novembre 1962 ;
2 ) d'annuler ladite décision implicite de rejet ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n 62-1389 du 23 novembre 1962 ;
Vu le décret n 89-753 du 18 octobre 1989 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 1995 :
- le rapport de M. Margueron, conseiller,
- les observations de Me Z... se substituant à Me Pittard, avocat de Melle Y...,
- et les conclusions de M. Isaia, commissaire du gouvernement,
Considérant que le décret du 23 novembre 1962 susvisé a institué une indemnité différentielle en faveur de certains techniciens d'étude ou de fabrication du ministère des armées ; que le décret du 18 octobre 1989 susvisé, portant attribution d'une indemnité compensatrice à certains techniciens supérieurs d'étude et de fabrication du ministère de la défense a, par ses articles 5 et 6, d'une part prévu que le décret du 23 novembre 1962 cesserait de s'appliquer à la date d'effet du nouveau texte, d'autre part maintenu applicables les dispositions dudit décret aux techniciens supérieurs d'étude et de fabrication qui, antérieurement à leur nomination, avaient été admis dans les écoles techniques normales de la délégation générale pour l'armement à la suite des concours d'accès à ces écoles organisés au titre des années 1987 et 1988 ; que Melle Y... avait été admise à l'école technique normale des armements terrestres de Bourges à la suite du concours d'accès à cette école organisé au titre de l'année 1989 ; qu'elle demande l'annulation du jugement en date du 27 juillet 1993 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande du 9 novembre 1990, qui visait à obtenir le bénéfice de l'application du décret du 23 novembre 1962 comme base de calcul de l'indemnité qu'elle devait percevoir après sa nomination en qualité de technicien supérieur d'étude et de fabrication ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'en sa qualité d'élève de l'école technique normale des armements terrestres de Bourges, Melle Y... avait vocation à être nommée dans un corps de techniciens supérieurs d'étude et de fabrication à l'issue de sa scolarité ; que, dès lors, elle avait un intérêt lui donnant qualité à demander l'annulation de la décision rejetant sa demande relative au régime indemnitaire qui lui serait appliqué après sa nomination dans ce corps ;
Au fond :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que pour contester la légalité de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée par le ministre de la défense, Melle Y... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité, tenant à l'incompétence de son signataire, du décret du 18 octobre 1989 ;
Considérant que le décret du 23 novembre 1962 a été signé, le conseil des ministres entendu, par le Président de la République et contresigné par le Premier ministre ; que, dès lors, alors même qu'aucun texte n'aurait imposé sa délibération en conseil des ministres, le décret mettant fin à l'application du décret du 23 novembre 1962 ne pouvait être signé que par le Président de la République ; qu'il suit de là que le décret du 18 octobre 1989 qui a été signé par le Premier ministre seul émane d'une autorité incompétente ; que si le ministre de la défense fait valoir que le Conseil d'Etat a, nécessairement bien qu'implicitement, affirmé la compétence du Premier ministre dans son arrêt du 18 janvier 1993 rendu sur le recours dirigé par l'association nationale pour les ingénieurs techniciens au ministère de la défense contre le décret du 18 novembre 1989, cet arrêt, qui a rejeté le recours, n'est revêtu que de l'autorité relative de la chose jugée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Melle Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat à payer à Melle Y... la somme de 4 000 F ;
Article 1er - Le jugement en date du 27 juillet 1993 du tribunal administratif d'Orléans et la décision implicite du ministre de la défense rejetant la demande en date du 9 novembre 1990 de Melle Y... sont annulés.
Article 2 - L'Etat versera à Melle Y... une somme de quatre mille francs (4 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à Melle Y... et au ministre de la défense.