VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 avril 1992 sous le n° 92NT00278, présentée pour le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE, ..., représenté par son directeur à ce dûment habilité, par Maître X..., Hervouet, Gautier, Seze, avocats ;
Le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 88899 du 13 février 1992 par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser à Mme Josette Z..., en raison du décès de son époux le 17 février 1985 dans les locaux du centre, la somme de 463 158,01 F portant intérêt à compter du 4 janvier 1988 qu'il estime excessive ;
2°) de réduire à de plus justes proportions les indemnités allouées à Mme Z... compte tenu notamment de ses pertes de revenu réelles et de ses revenus actuels ;
3°) de condamner Mme Z... à lui verser la somme de 3 000 F en vertu de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
4°) d'ordonner en tant que de besoin la production par Mme Z... et par la CPAM des pièces justifiant de la pension de réversion ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 75-534 d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, notamment son article 39 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 1994 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- les observations de Maître SEZE, avocat du CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE,
- les observations de Maître MARTY A..., se substituant à Maître THIRIEZ, avocat de Mme Y...,
- et les conclusions de M. ISAIA, commissaire du gouvernement,
Sur le préjudice des consorts Z... :
Considérant que les revenus que M. François Z... apportait à son ménage comprenaient la pension d'invalidité d'un montant annuel de 44 617,28 F ;
Considérant qu'en vertu de l'article 39 de la loi susvisée du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, une allocation compensatrice est accordée sous certaines conditions à tout adulte handicapé qui ne bénéficie pas d'un avantage analogue au titre d'un régime de sécurité sociale et dont l'état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ; qu'il en résulte que ladite allocation est affectée à la couverture de frais entraînés par le recours à cette aide ; qu'à ce titre, et même si cette aide est le fait de l'époux ou de l'épouse de la personne handicapée, l'allocation compensatrice ne saurait être regardée comme constituant un revenu de son bénéficiaire qui puisse être compris, à son décès, dans les éléments du préjudice économique de ses ayants droit dont la réparation incombe à la personne publique qui a été déclarée responsable de ce décès ; que c'est donc à tort qu'en l'espèce le jugement attaqué a inclus dans le préjudice de Mme Josette Z..., au titre des revenus du ménage, la somme correspondant à l'allocation compensatrice pour adulte handicapé dont son époux était attributaire par décision du président du conseil général de l'Orne du 19 janvier 1984 ; que, pour calculer l'indemnité pour perte de revenu, les premiers juges ont à bon droit fixé à 50 % la part de revenu de la victime destinée à Mme Z... ; que nonobstant la circonstance que cette dernière disposerait de revenus à titre personnel et compte tenu de l'âge de la victime le préjudice résultant de la perte de revenu doit être fixée à 232 456,02 F ; qu'en revanche, après avoir déterminé la perte de revenu annuel destinée à compenser le préjudice pécuniaire de Mme Z..., le tribunal administratif a omis de déduire la pension de réversion versée à celle-ci et qui s'élève à un montant non contesté de 92 219,16 F ; qu'il convient, en outre, de prendre en compte la somme de 23 158,01 F de frais d'obsèques ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de la douleur morale éprouvée par Mme Z... du fait du décès de son mari et des troubles de toute nature que ce décès a apporté dans ses conditions d'existence ; qu'il y a lieu de porter l'indemnisation de ce chef de préjudice à 60 000 F ;
Considérant qu'il suit de là que la somme que le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE est condamné à payer à Mme Josette Z... à raison des divers préjudices qu'elle a subis du fait du décès de son mari doit être ramenée de 463 158,01 F à 223 394,87 F ;
Considérant que le tribunal administratif a fait une juste appréciation de la douleur éprouvée par les deux enfants de la victime en évaluant ce chef de préjudice à 15 000 F pour chacun d'eux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre requérant est fondé à demander la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne la réparation du préjudice de Mme Z... dont les conclusions d'appel incident tendant à ce que l'indemnisation que lui a accordée ledit jugement soit majorée doivent être rejetées ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant que la somme de 223 394,87 F que le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE est condamné à payer à Mme Z... portera intérêts à compter du 4 janvier 1988 date de la demande préalable de celle-ci ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée devant le tribunal administratif le 29 mars 1989 et devant la Cour le 23 avril 1993 ; qu'à chacune de ces deux dates, si le jugement n'avait pas été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, il y a lieu, le cas échéant, de faire droit à ces demandes, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Sur les conclusions d'appel incident de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne :
Considérant que les débours dont a justifié la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne devant le tribunal administratif s'élèvent à 58 920,40 F et non à 58 902,40 F ; que la somme que le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE est condamné à payer à ladite caisse doit donc être portée à 58 920,40 F ; que cette dernière est, par suite, fondée à demander la réformation du jugement sur ce point ;
Considérant que même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution ; qu'ainsi la demande de la caisse tendant à ce que lui soient alloués à compter du 13 février 1992, date du jugement attaqué, des intérêts au taux légal sur la somme que le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE est condamné à lui verser, est dépourvue de tout objet et doit donc être rejetée ;
Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne a demandé la capitalisation des intérêts le 26 août 1993 ; qu'à cette date, si le jugement n'avait pas été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu, le cas échéant, de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ..." ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE ni à celle de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne ;
Considérant que Mme Z... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que ledit centre soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er - La somme que le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE a été condamné à payer à Mme Josette Z... par le jugement du Tribunal administratif de Caen est ramenée à deux cent vingt trois mille trois cent quatre vingt quatorze francs quatre vingt sept centimes (223 394,87 F). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 1988. Les intérêts échus les 29 mars 1989 et 23 avril 1993 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 - La somme que le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE a été condamné à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne par le même jugement est portée de cinquante huit mille neuf cent deux francs quarante centimes (58 902,40 F) à cinquante huit mille neuf cent vingt francs quarante centimes (58 920,40 F). Les intérêts échus le 26 août 1993 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 - Le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 13 février 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE, le surplus des conclusions d'appel incident de Mme Z... ainsi que le surplus des conclusions d'appel incident de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne sont rejetés.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié au CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE L'ORNE, à Mme Z... et à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.