VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 septembre 1992, présentée pour la COMMUNE DE CROZON (Finistère) représentée par son maire en exercice, par la S.C.P Cornet, Vincent, Bouchet, Doucet, Pittard, Martin, avocat à Nantes ;
La COMMUNE DE CROZON demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 91-1748 du 9 juillet 1992 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. et Mme X..., les arrêtés des 12 novembre 1990 et 25 avril 1991 par lesquels le maire de Crozon a accordé à Mme Y... un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation dans le village de Kerroux ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Rennes ;
3°) de condamner les époux X... à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le plan d'occupation des sols de la commune de CROZON ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 1994 :
- le rapport de M. AUBERT, conseiller,
- et les conclusions de M. ISAIA, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'aux termes de l'article L.146.1 du code de l'urbanisme : "Les dispositions du présent chapitre ont valeur de loi d'aménagement et d'urbanisme au sens de l'article L.111.1.1. Elles déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : - dans les communes littorales définies à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ... Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions ..." ; qu'aux termes de l'article L.146-6 du même code : "Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral ..." ; qu'aux termes de l'article R.146-1 du même code : "En application du premier alinéa de l'article L.146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable du patrimoine naturel et culturel du littoral ... g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée ..." ;
Considérant que par deux arrêtés en date des 12 novembre 1990 et 25 avril 1991, le maire de la COMMUNE DE CROZON a autorisé Mme Y... à édifier une maison d'habitation au lieu-dit Kerroux, sur la parcelle cadastrée MN 196 ; que cette parcelle, qui jouxte un terrain déjà construit et une voie publique aménagée, et qui se trouve dans un secteur où, dans un rayon de moins de 200 mètres, sont implantées plus d'une dizaine de constructions, se situe, par suite, dans la partie urbanisée du village de Kerroux ; que, dans ces conditions, et alors même que ce village est inclus dans le périmètre du site du Cap de la Chèvre classé en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée, ladite parcelle n'est pas comprise dans la partie naturelle de ce site, au sens des dispositions précitées ; que la COMMUNE DE CROZON est, dès lors, fondée à soutenir que c'est tort que le Tribunal administratif de Rennes s'est fondé, pour annuler les arrêtés susmentionnés, sur le motif que la parcelle appartenant à Mme Y... devait être regardée comme "partie naturelle" du site classé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Rennes ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la partie principale de la construction projetée par Mme Y... est implantée sur le terrain selon une orientation correspondant à celle des autres bâtiments principaux avoisinants dits "pentys", conformément aux dispositions du III c) A de l'annexe au règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CROZON ; que, par ailleurs, les dispositions du III c) B de la même annexe n'ont pas pour objet de définir l'affectation des bâtiments secondaires mais seulement leur implantation par rapport aux bâtiments principaux et ne font, par suite, nullement obstacle à ce que, dans le projet de Mme Y..., le bâtiment secondaire accolé à la partie principale de la construction soit affecté à l'habitation ;
Considérant, en deuxième lieu, que si, dans le secteur I c défini à l'annexe susmentionnée, "la première construction sera obligatoirement située en mitoyen ou du côté des constructions traditionnelles existantes", en vue de préserver la "structure bâtie continue du village", il ressort des pièces versées au dossier, qu'eu égard à l'implantation des constructions traditionnelles existantes situées à proximité du terrain d'assiette de la construction en cause, celle-ci ne pouvait être édifiée en mitoyenneté ; qu'en outre, elle sera, compte tenu de la configuration de la parcelle, implantée du "côté des constructions existantes" ; qu'enfin, en l'absence de toute construction sur laquelle serait venue s'accoler la maison de Mme Scheid, la délivrance des permis de construire litigieux n'était, en tout état de cause, nullement soumise à la procédure prévue par les dispositions de la même annexe visant à organiser une concertation préalable entre la pétitionnaire et le propriétaire de constructions de cette nature ;
Considérant, enfin, que ni les dispositions du IV d) de la même annexe ni en tout état de cause le croquis n° 45 auquel elles renvoient n'interdisent la présence d'ouvertures dans les pignons des constructions dans le secteur de la COMMUNE DE CROZON concerné par le projet litigieux ; que le moyen tiré de ce que les permis de construire contestés ne pouvaient légalement autoriser la présence de telles ouvertures ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE CROZON est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les arrêtés du maire de Crozon en date des 12 novembre 1990 et 25 avril 1991 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ..." ;
Considérant, d'une part, que M. et Mme X... succombent dans la présente instance ; que leur demande tendant à ce que la COMMUNE DE CROZON soit condamnée à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de condamner M. et Mme X... à payer à la COMMUNE DE CROZON la somme de 5 000 F ;
Article 1er - Le jugement en date du 9 juillet 1992 du Tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation des arrêtés du maire de Crozon en date des 12 novembre 1990 et 25 avril 1991.
Article 2 - La demande présentée par M. et Mme X... devant le Tribunal administratif de Rennes et tendant à l'annulation des arrêtés précités est rejetée.
Article 3 - M. et Mme X... verseront à la COMMUNE DE CROZON une somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 - Les conclusions de M. et Mme X... tendant au bénéfice de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CROZON, à M. et Mme X... et à Mme Y....