Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 21 novembre 1991 sous le n° 91NT00861, présentée pour l'office public d'habitations à loyer modéré de Nantes (Nantes Habitat) dont le siège est ..., par Me Reveau, avocat au barreau de Nantes ;
Nantes Habitat demande :
1°) l'annulation de l'ordonnance en date du 5 novembre 1991 par laquelle le président du Tribunal administratif de Nantes, statuant en référé, a rejeté sa demande de provision ;
2°) la condamnation solidaire de la société nouvelle Bouyer et de la société "Contrôle et Prévention" à lui verser une indemnité provisionnelle de 6 991 590,90 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil et notamment ses articles 1792 et 2270 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 1992 :
- le rapport de M. Marchand, président-rapporteur,
- les observations présentées par Me Reveau, avocat de l'office public d'habitations à loyer modéré de Nantes (Nantes Habitat),
- les observations présentées par Me Loctin, avocat de la société C.E.P.,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou le magistrat que l'un d'eux délègue peut accorder une provision au créancier qui a saisi le tribunal ou la cour d'une demande au fond lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations des experts désignés par le premier juge, que l'ensemble immobilier de 97 logements, édifié au lieu-dit "Le Chêne Gala" pour le compte de l'office public d'habitations à loyer modéré (OPHLM) de Nantes, est affecté de désordres consistant en de multiples fissurations apparues depuis 1990 postérieurement aux opérations de réception définitive intervenues sans réserve ; que ces fissurations, constatées sur les façades nord-ouest et sud-est de la construction et accompagnées d'une mauvaise tenue du joint de dilatation, ont pour origine une défaillance irréversible d'une partie des fondations du bâtiment G lesquelles ont été conçues selon un procédé inadapté à la structure du sol ; que les désordres litigieux, eu égard à leur gravité et à leur caractère évolutif ; sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant, en second lieu, que compte tenu des missions qui leur avaient été confiées pour la construction de l'ouvrage, ces désordres sont imputables à la "société nouvelle Bouyer" et à la société "Contrôle et Prévention" (C.E.P.) ; que, pour demander à être exonérée au moins partiellement de sa responsabilité, la société C.E.P. ne saurait utilement invoquer l'existence de fautes commises par d'autres constructeurs, dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que les désordres lui sont, au moins pour partie, imputables ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article R.129 précité du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne font pas obstacle, par elles-mêmes, à ce que le juge des référés, conformément à la demande dont il est saisi, prononce une condamnation solidaire à l'encontre de constructeurs dès lors que les désordres à l'origine du litige leur sont imputables ; que, par suite, la société C.E.P. n'est pas fondée à soutenir, eu égard aux développements qui précèdent, que sa responsabilité ne saurait être engagée solidairement avec celle de la société nouvelle Bouyer ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'état actuel du dossier ne permet pas à la Cour de se prononcer sur les parts respectives de responsabilité de la société C.E.P. et de la "société nouvelle Bouyer" ; que, par suite, les conclusions en garantie présentées par cette dernière à l'encontre de la société C.E.P. doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Considérant, en cinquième lieu, que la provision susceptible d'être allouée au maître de l'ouvrage doit être évaluée par référence au coût des travaux de remise en état des fondations et au préjudice subi par l'O.P.H.L.M. en raison des pertes de loyers et des frais de déménagement supportés par lui à la suite de l'évacuation de quinze logements ; que, compte tenu des premières estimations des experts et des justifications versées au dossier par l'office, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évaluer cette indemnité provisionnelle à la somme de 4 000 000 F ;
Considérant, enfin, que ni l'O.P.H.L.M. ni la société C.E.P. ne sauraient demander au juge des référés statuant par application de l'article R.129 précité du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de se prononcer sur la charge des dépens laquelle doit être réservée jusqu'à l'issue de l'instance au fond ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, d'annuler l'ordonnance en date du 5 novembre 1991 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Nantes a refusé d'accorder une provision à l'O.P.H.L.M. de Nantes, d'autre part, de condamner solidairement la société nouvelle Bouyer et la société C.E.P. à verser à ce dernier une provision de 4 000 000 F ;
Article 1er : L'ordonnance susvisée du vice-président du Tribunal administratif de Nantes en date du 5 novembre 1991 est annulée.
Article 2 : La société nouvelle Bouyer et la société C.E.P. sont condamnées solidairement à verser à l'O.P.H.L.M. de Nantes une provision de quatre millions de francs (4 000 000 F).
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête ensemble les conclusions de la société C.E.P. et de la "société nouvelle Bouyer" sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'O.P.H.L.M. de Nantes, à la société C.E.P., à la société nouvelle Bouyer et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.