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20/06/1991 | FRANCE | N°89NT00413;90NT00178;90NT00181

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 20 juin 1991, 89NT00413, 90NT00178 et 90NT00181


I. VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 4 janvier 1989, par laquelle le président de la 10ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée par la société anonyme DUAULT contre le jugement du Tribunal administratif de Rennes n° 841134 du 4 juin 1987 ;
VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, respectivement, le 3 août 1987, sous le n° 90036, et le 3 décembre 1987, présent

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I. VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 4 janvier 1989, par laquelle le président de la 10ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée par la société anonyme DUAULT contre le jugement du Tribunal administratif de Rennes n° 841134 du 4 juin 1987 ;
VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, respectivement, le 3 août 1987, sous le n° 90036, et le 3 décembre 1987, présentés pour la société anonyme DUAULT, dont le siège est ... B.P. 19 (22800) QUINTIN, représentée par son président directeur général en exercice, par la société civile professionnelle "Piwnica-Molinié", avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
La société DUAULT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 juin 1987, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a, avant dire droit sur sa demande d'indemnité dirigée contre l'Etat (ministre de l'économie, des finances et du budget), ordonné une expertise en vue de la détermination de son préjudice subi du fait de l'immobilisation, par l'administration des douanes, de lots de vins importés d'Italie ;
2°) de condamner l'Etat (ministre de l'économie, des finances et du budget) à lui payer la somme de 513 984,10 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 1982 et de la capitalisation des intérêts échus, notamment, à la date du 3 août 1987 ;
II. VU le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES, respectivement, le 29 mars 1990 sous le n° 90NT00178 et le 22 juin 1990, présentés pour l'Etat (MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET - DIRECTION GENERALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS) par la société civile professionnelle "Bore et Xavier", avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET demande à la Cour :
1°) de joindre le présent recours à celui enregistré au greffe de la Cour sous le n° 89NT00413 ;
2°) d'annuler le jugement en date du 31 janvier 1990 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat (MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET) à verser à la société anonyme Duault, d'une part, la somme de 375 000 F, avec intérêts de droit à compter du 29 décembre 1983 et capitalisation des intérêts échus le 16 mai 1989, en réparation du préjudice que lui a causé l'immobilisation, par l'administration des douanes, de lots de vins importés d'Italie, d'autre part, la somme de 20 000 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
3°) de rejeter la demande d'indemnité présentée par la société Duault devant le Tribunal administratif de Rennes ainsi que les conclusions tendant à l'application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
4°) de condamner la société Duault aux entiers dépens ;

III. VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES, respectivement, le 2 avril 1990, sous le n° 90NT00181, et le 2 novembre 1990, présentés pour la société anonyme DUAULT dont le siège est ... à Quintin (Côtes-du-Nord), représentée par son président directeur général en exercice, par la société civile professionnelle "Piwnica-Molinié", avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
La société DUAULT demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 31 janvier 1990, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat (ministre de l'économie, des finances et du budget) à lui verser une indemnité de 375 000 F, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice que lui a causé l'immobilisation par l'administration des douanes, de lots de vins importés d'Italie ;
2°) de condamner l'Etat (ministre de l'économie, des finances et du budget) à lui verser la somme de 903 857,81 F, avec intérêts capitalisés à compter de la date de blocage en douane des marchandises ; VU les autres pièces des dossiers ;
VU le traité instituant la Communauté économique européenne ;
VU le code des douanes ;
VU l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 22 mars 1983 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 1991 :
- le rapport de M. DUPUY, conseiller,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,

Considérant que les requêtes de la société anonyme DUAULT et le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget sont dirigés contre les deux mêmes jugements du Tribunal administratif de Rennes en date du 4 juin 1987 et du 31 janvier 1990 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que, par un premier jugement du 4 juin 1987, le Tribunal administratif de Rennes a, d'une part, reconnu l'Etat responsable envers la société DUAULT, sur le fondement de la responsabilité sans faute, des conséquences dommageables des retards avec lesquels l'administration des douanes a, au cours de la période de juin 1981 à mars 1982, procédé au dédouanement de 9 lots de vins de table importés en vrac d'Italie par cette société, d'autre part, ordonné une expertise afin de déterminer le montant du préjudice subi par la société du fait de ces retards ; que, par un second jugement du 31 janvier 1990, le tribunal administratif a condamné l'Etat à payer à la société DUAULT une indemnité de 375 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 1983 et capitalisation des intérêts échus le 16 mars 1989 ; que cette société et l'Etat font appel desdits jugements, la première, en contestant le montant et le fondement juridique de la réparation qui lui a été accordée, le second, en soutenant que sa responsabilité sans faute ne saurait être engagée en ce qui concerne des dommages exclusivement imputables à la faute de la victime ;
Sur la régularité du jugement du 31 janvier 1990 :
Considérant que le moyen tiré par la société DUAULT de ce que ce jugement ne mentionnerait pas ses conclusions contrairement aux prescriptions de l'article R.172 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel manque en fait et, dès lors, doit être rejeté ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la société DUAULT, qui exerce à Quintin (Côtes d'Armor) l'activité de négociant en vins de table qu'elle met en bouteille après assemblage a, au cours de la période de juin 1981 à mars 1982, importé des vins italiens qui ont été dédouanés tardivement par l'administration des douanes ; que la société a demandé à l'Etat de lui réparer les conséquences dommageables de ces retards en invoquant un arrêt du 22 mars 1983 par lequel la Cour de justice des Communautés européennes a décidé qu'"en retardant la mise à la consommation de vins de table importés en vrac de l'Italie par les modalités du contrôle et de la régularisation des documents d'accompagnement VA 1 et des contrôles systématiques par voie d'analyses, et en restreignant ainsi, entre les mois d'août 1981 et mars 1982, ces importations de vins de table, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CEE et de la réglementation communautaire viti-vinicole" ;
Considérant qu'il appartient à la juridiction administrative française de déterminer si les contrôles des documents d'accompagnement ainsi que des vins que la société DUAULT a importés d'Italie de juin 1981 à mars 1982 sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de cette société ;

Considérant que s'il incombait à l'administration des douanes, en application de l'article 101 du code des douanes, de procéder à un contrôle des documents d'accompagnement VA 1 des vins importés d'Italie et de soumettre ces produits à des examens oenologiques de telle sorte que puisse être assuré le respect de la réglementation communautaire en matière viti-vinicole ainsi que la protection des intérêts des consommateurs et de la santé des personnes contre les opérations de fraude et pratiques insalubres, il ne lui appartenait pas moins d'effectuer ces formalités dans des délais normaux compatibles avec la règle de la libre circulation des marchandises entre pays membres de la Communauté économique européenne ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des termes de l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes, qu'au cours de la période précitée où la société DUAULT a effectué les importations litigieuses, les vins de table en provenance d'Italie ont été soumis à des opérations de dédouanement excèdant nettement le délai maximal de trois semaines devant suffire à la réalisation de ces opérations ; que ces pratiques ont entraîné des retards sensibles dans la mise à la consommation des vins de table en vrac importés, équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation interdites par l'article 30 du traité de la Communauté économique européenne ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'en l'espèce, de telles pratiques ont été utilisées à l'égard de 9 des 24 lots représentant 9 601,50 hectolitres de vins de table en vrac importés par la société DUAULT entre juin 1981 et mars 1982 ; qu'ainsi, en l'absence d'un fait social expressément invoqué par l'Etat français pouvant permettre de les regarder comme procédant de motifs d'intérêt général, ces pratiques caractérisent une faute dans l'organisation du service des douanes qui engage la responsabilité de l'Etat envers la société DUAULT ;
Considérant, toutefois, qu'il n'est pas utilement contesté par la société requérante que les documents d'accompagnement VA 1 de ses lots de vins importés d'Italie présentaient des irrégularités parfois substantielles, telles l'absence d'identification de l'Etat membre d'origine et d'indication de l'autorité de cet Etat ayant établi le document ou du titre alcoométrique ; qu'en acceptant que les justificatifs de ses importations soient affectés de telles anomalies qui ne pouvaient qu'appeler des contrôles complémentaires et, par suite, des immobilisations plus longues des produits importés, la société DUAULT a elle-même commis une faute qui est de nature à venir atténuer la responsabilité de l'Etat français ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en mettant à la charge de ce dernier les deux tiers des conséquences dommageables des retards enregistrés dans le dédouanement des 9 lots de vins de table en cause ;
Sur le préjudice :

Considérant qu'en se bornant à invoquer les subrogations jointes à sa demande faite aux premiers juges, la société DUAULT n'établit pas qu'elle ait été la destinataire réelle des cinq lots de vins de table importés par des sociétés tierces ; qu'en outre, il n'est pas utilement contesté par ladite société que dix autres lots n'ont pas été maintenus sous douane dans des conditions excédant le délai normal de dédouanement précité ; que, de son côté, le ministre ne contredit pas sérieusement les éléments de l'instruction desquels il résulte que les lots 6, 7, 8, 10, 14, 15, 16, 17 et 19, soit neuf lots représentant un volume de 9 601,50 hectolitres ont subi des retards de dédouanement excédant ce même délai ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Rennes a estimé que seuls ces neuf lots sur les 24 importés par la société DUAULT au cours de la période ci-dessus devaient être pris en compte pour la détermination du préjudice subi par cette société ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert dont la mission, fixée par les premiers juges, n'était pas entachée d'erreur de fait et a été exactement limitée aux neuf lots irrégulièrement maintenus sous douane, que cette irrégularité a été à l'origine directe de différents aléas préjudiciables à l'activité professionnelle de la société DUAULT ;
Considérant, en premier lieu, que l'obligation où s'est trouvée la société DUAULT d'entreposer les neuf lots de vins litigieux à Lorient, dans des chais portuaires agréés par l'administration des douanes, lui a occasionné des frais de cuverie supplémentaires ainsi que des frais bancaires qui ont été évalués par l'expert au montant total non utilement contesté de 28 819,62 F ; que, dès lors, comme l'ont décidé les premiers juges, ce chef de préjudice doit être fixé à ce montant dont, cependant, rien ne justifiait qu'il fût arrondi à 30 000 F ; qu'il y a donc lieu de le ramener à la somme précitée de 28 819,62 F ;
Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas utilement contesté par le ministre que l'impossibilité où s'est trouvée la société DUAULT d'utiliser, pour ses opérations d'assemblage, les vins italiens pendant leur maintien irrégulier sous douane, l'a obligée à acquérir des vins de remplacement sur le territoire national, ni que ces achats ont dû porter sur un volume de 10 987,52 hectolitres répartis entre le 14 août et le 20 novembre 1981 ; que, toutefois, c'est à bon droit que le tribunal administratif a, sur le fondement du rapport d'expertise, réduit ce volume à 5 763,90 hectolitres pour tenir compte des seuls lots 10, 14, 15, 16, 17 et 19 qui n'avaient pas encore été dédouanés avant le commencement de cette période ; qu'à défaut de critiques utiles faites à la méthode et aux bases de calcul retenues par l'expert, c'est également à bon droit que le tribunal a estimé que le surcoût supporté par la société requérante à raison de ces achats supplémentaires de vins de remplacement devait être fixé à 300 000 F ; que, cependant, il sera fait une juste appréciation du préjudice réellement subi par cette société, pour qui l'irrégularité invoquée n'a pas eu pour effet d'entraîner la perte de vins importés mais, seulement, d'en différer l'utilisation, en l'évaluant à la somme de 150 000 F à laquelle, dès lors, il y a lieu de réduire le montant de ce chef de préjudice ;

Considérant, enfin, que l'existence d'un préjudice commercial causé à la société DUAULT par l'immobilisation des neuf lots de vins litigieux n'est pas sérieusement discutée par le ministre ; que c'est à bon droit que pour déterminer le coût entraîné par le stockage excédentaire de vins à haut degré alcoolique auquel la société a dû faire face fin 1981, début 1982, suite à l'intervention des mesures de dédouanement des lots irrégulièrement immobilisés, le tribunal administratif a tenu compte des seuls lots maintenus sous douane après achèvement d'un délai d'immobilisation de trois semaines réputé normal et commencement des achats de vins de remplacement ; que, toutefois, ce surcoût ayant été évalué par l'expert à la somme non utilement contestée de 98 916,20 F, il sera fait une juste appréciation de la part de celui-ci résultant du volume représenté par ces derniers lots dans les excédents de stocks en portant à 40 000 F le montant de 25 000 F retenu à ce titre par les premiers juges ; qu'en outre, il est constant que les sommes de 53 007,21 F et 15 777,10 F relatives, respectivement, aux charges de personnel assumées par l'entreprise pour la résolution des problèmes posés par l'indisponibilité des vins sous douane et aux frais de traitement et de contrôle de ces derniers ont été déterminées par l'expert sur la base des neuf lots irrégulièrement immobilisés ; que le tribunal ne pouvait donc réduire les chefs de préjudice à la somme globale de 20 000 F pour tenir compte de la proportion de l'ordre de 27,5 % représentée par lesdits lots dans le volume total des importations réalisées par la société au cours de la période de juin 1981 à mars 1982 ; qu'ainsi, il y a lieu de fixer ces mêmes préjudices auxdites sommes de 53 007,21 F et 15 777,10 F, lesquelles sont suffisamment justifiées ; qu'il résulte également des éléments non utilement contredits de l'expertise que la société DUAULT a dû modifier les modalités de paiement de ses fournisseurs italiens et, à cette occasion, supporter des frais de caution bancaire ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il sera fait une juste appréciation du montant de ces frais en l'évaluant, compte-tenu du volume des vins encore immobilisés au 14 août 1981, à 825 F ; que cette somme ne saurait, cependant, être augmentée pour tenir compte de compensations financières que la société DUAULT prétend s'être trouvée dans l'obligation d'accorder à certains fournisseurs mais dont elle ne justifie pas ; que, de même, la société requérante ne démontre pas le préjudice que, selon elle, lui aurait causé la rupture d'approvisionnements traditionnels avec sa clientèle ; qu'elle se prévaut de frais d'organisation d'une manifestation de protestation du personnel de l'entreprise lesquels sont dépourvus de lien de causalité directe avec le comportement fautif de l'administration ; qu'elle ne saurait davantage prétendre à l'indemnisation de frais d'avocat autrement qu'au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi que l'a jugé le tribunal ; qu'il suit de là que le préjudice dont la société DUAULT est fondée à se prévaloir s'établit à la somme totale de 288 428,93 F ; que, toutefois, compte tenu du partage de responsabilité fixé ci-dessus, il y a lieu de réduire à 192 285,95 F le montant de l'indemnité due à la société DUAULT ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que le ministre chargé du budget est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 janvier 1990, le Tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à la société DUAULT une indemnité supérieure à 192 285,95 F, d'autre part, que les conclusions de ladite société tendant à l'octroi d'une indemnité d'un montant plus élevé doivent être rejetées ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant, d'une part, que la société DUAULT a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 192 285,95 F non à compter du 1er avril 1982, comme elle le demande, mais à compter de la réception de sa demande d'indemnisation par l'Etat, soit du 29 décembre 1983 ;
Considérant, d'autre part, que la société requérante ne saurait prétendre à la capitalisation des intérêts "à compter de la date du blocage en douane des marchandises" ; qu'en revanche, elle a formulé une telle demande le 3 août 1987, puis le 2 avril 1990 ; qu'à chacune de ces deux dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les dépens :
Considérant que les dépens doivent être maintenus à la charge de l'Etat (ministre de l'économie, des finances et du budget) dont la responsabilité à l'égard de la société DUAULT est confirmée en appel ;
Sur l'application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel devant le Tribunal administratif de Rennes :
Considérant que le ministre chargé du budget ne conteste pas utilement les frais dont la société DUAULT a été indemnisée en première instance au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er - La somme de trois cent soixante quinze mille francs (375 000 F) que l'Etat (ministre de l'économie, des finances et du budget) a été condamné à verser à la société DUAULT par les jugements du Tribunal administratif de Rennes en date du 4 juin 1987 et du 31 janvier 1990 est ramenée à cent quatre vingt douze mille deux cent quatre vingt cinq francs quatre vingt quinze centimes (192 285,95 F).
Article 2 - Ladite somme de cent quatre vingt douze mille deux cent quatre vingt cing francs quatre vingt quinze centimes (192 285,95 F) portera intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 1983. Les intérêts de cette même somme, échus le 3 août 1987, puis le 2 avril 1990, seront capitalisés à chacune de ces deux dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 - Le jugement du 4 juin 1987 et l'article 1er du jugement du 31 janvier 1990 du Tribunal administratif de Rennes sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de la société DUAULT et des recours principal et incident du ministre délégué au budget sont rejetés.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à la société DUAULT et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89NT00413;90NT00178;90NT00181
Date de la décision : 20/06/1991
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - COMMERCE EXTERIEUR - IMPORTATIONS - Contrôles - Responsabilité de l'Etat français - Retards dus à des contrôles et examens intempestifs de lots de vins importés d'Italie effectués par le service des douanes en méconnaissance des prescriptions de l'article 30 du traité instituant la C - E - E.

14-07-01, 60-01-03-01, 60-02-02-02 Société française exerçant l'activité de négociant en vins de table ayant, au cours de la période de juin 1981 à mars 1982, importé des vins d'Italie qui ont été dédouanés tardivement par l'administration des douanes. Elle a demandé à l'Etat de réparer les conséquences dommageables de ces retards en invoquant un arrêt du 22 mars 1983 par lequel la Cour de justice des Communautés européennes a décidé qu'"en retardant la mise à la consommation de vins de table importés en vrac de l'Italie par les modalités du contrôle et de la régularisation des documents d'accompagnement VA 1 et des contrôles systématiques par voie d'analyses, et en restreignant ainsi, entre les mois d'août 1981 et mars 1982, ces importations de vins de table, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité C.E.E. et de la réglementation communautaire viti-vinicole". S'il incombait à l'administration des douanes, en application de l'article 101 du code des douanes, de procéder à un contrôle des documents d'accompagnement VA 1 des vins importés d'Italie et de soumettre ces produits à des examens oenologiques de telle sorte que puisse être assuré le respect de la réglementation communautaire en matière viti-vinicole ainsi que la protection des intérêts des consommateurs et de la santé des personnes contre les opérations de fraude et pratiques insalubres, il ne lui appartenait pas moins d'effectuer ces formalités dans des délais normaux compatibles avec la règle de la libre circulation des marchandises entre pays membres de la Communauté économique européenne. Or, il résulte de l'instruction et, notamment, des termes de l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes, qu'au cours de la période précitée où la société a effectué les importations litigieuses, les vins de table en provenance d'Italie ont été soumis à des opérations de dédouanement excédant nettement le délai maximal de trois semaines devant suffire à la réalisation de ces opérations. Ces pratiques ont entraîné des retards sensibles dans la mise à la consommation des vins de table en vrac importés, équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation interdites par l'article 30 du traité de la Communauté économique européenne. Ainsi, en l'absence d'un fait social expressément invoqué par l'Etat français pouvant permettre de les regarder comme procédant de motifs d'intérêt général, ces pratiques caractérisent une faute dans l'organisation du service des douanes qui engage la responsabilité de l'Etat envers la société. Toutefois, il n'est pas utilement contesté par cette dernière que les documents d'accompagnement VA 1 de ses lots de vins importés d'Italie présentaient des irrégularités parfois substantielles, telles l'absence d'identification de l'Etat membre d'origine, d'indication de l'autorité de cet Etat ayant établi le document ou du titre alcoométrique. En acceptant que les justificatifs de ses importations soient affectés de telles anomalies qui ne pouvaient qu'appeler des contrôles complémentaires et, par suite, des immobilisations plus longues des produits importés, la société a elle-même commis une faute qui est de nature à venir atténuer la responsabilité de l'Etat français. Responsabilité de ce dernier limitée aux 2/3 des conséquences dommageables des retards constatés.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRES - PRISE EN COMPTE DES DECISIONS DE LA COUR DE JUSTICE - Prise en compte d'un arrêt constatant le manquement de la République française aux obligations qui lui incombent - Appréciation de la responsabilité de l'Etat - Contrôles et examens intempestifs par les douanes françaises de vins importés d'Italie.

15-03-03, 15-07 Société française exerçant l'activité de négociant en vins de table ayant, au cours de la période de juin 1981 à mars 1982, importé des vins d'Italie qui ont été dédouanés tardivement par l'administration des douanes. Elle a demandé à l'Etat de réparer les conséquences dommageables de ces retards en invoquant un arrêt du 22 mars 1983 par lequel la Cour de justice des communautés européennes a décidé qu'"en retardant la mise à la consommation de vins de table importés en vrac de l'Italie par les modalités du contrôle et de la régularisation des documents d'accompagnement VA 1 et des contrôles systématiques par voie d'analyses, et en restreignant ainsi, entre les mois d'août 1981 et mars 1982, ces importations de vins de table, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité C.E.E. et de la réglementation communautaire viti-vinicole". S'il incombait à l'administration des douanes, en application de l'article 101 du code des douanes, de procéder à un contrôle des documents d'accompagnement VA 1 des vins importés d'Italie et de soumettre ces produits à des examens oenologiques de telle sorte que puisse être assuré le respect de la réglementation communautaire en matière viti-vinicole ainsi que la protection des intérêts des consommateurs et de la santé des personnes contre les opérations de fraude et pratiques insalubres, il ne lui appartenait pas moins d'effectuer ces formalités dans des délais normaux compatibles avec la règle de la libre circulation des marchandises entre pays membres de la Communauté économique européenne. Or, il résulte de l'instruction et, notamment, des termes de l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes, qu'au cours de la période précitée où la société a effectué les importations litigieuses, les vins de table en provenance d'Italie ont été soumis à des opérations de dédouanement excédant nettement le délai maximal de trois semaines devant suffire à la réalisation de ces opérations. Ces pratiques ont entraîné des retards sensibles dans la mise à la consommation des vins de table en vrac importés, équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation interdites par l'article 30 du traité de la Communauté économique européenne. Ainsi, en l'absence d'un fait social expressément invoqué par l'Etat français pouvant permettre de les regarder comme procédant de motifs d'intérêt général, ces pratiques caractérisent une faute dans l'organisation du service des douanes qui engage la responsabilité de l'Etat envers la société.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - RESPONSABILITE DE L'ETAT POUR MANQUEMENT AU DROIT COMMUNAUTAIRE - Faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat - Retards dus à des contrôles et examens intempestifs de lots de vins importés d'Italie effectués par le service des douanes en méconnaissance des prescriptions de l'article 30 du traité instituant la C - E - E.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RETARDS - Existence d'une faute - Divers - Retard apporté dans des opérations de dédouanement - En l'espèce - responsabilité de l'Etat partagée avec la société concernée.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ECONOMIQUES - SERVICE DES DOUANES - Existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat - Longueur excessive des opérations de dédouanement.


Références :

Code civil 1154
Code des douanes 101
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R172, R222


Composition du Tribunal
Président : M. Thurière
Rapporteur ?: M. Dupuy
Rapporteur public ?: M. Cadenat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1991-06-20;89nt00413 ?
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