Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nantes le dossier de la requête présentée par M. Joseph Grimaud et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 août 1986 sous le n° 80942 ;
Vu la requête susmentionnée présentée par M. Joseph X..., demeurant ..., enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 89NT00187 ;
M. Grimaud demande que la Cour :
1°) annule le jugement en date du 2 mai 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en réduction du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979, 1980 et 1981 ;
2°) prononce la réduction de ces impositions ;
3°) lui accorde le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;
Vu la loi n° 79-1102 du 21 décembre 1979 ;
Vu le décret n° 67-236 du 23 mars 1967 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 13 juin 1990 :
- le rapport de M. Saluden, conseiller,
- les observations de M. Joseph Grimaud,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'en vertu de l'article 160-I du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux cessions réalisées en 1979 ou 1980, et sous réserve que soient remplies certaines conditions qui sont effectivement satisfaites dans la présente espèce, lorsqu'un porteur de parts cède à un tiers pendant la durée de la société tout ou partie de ses droits sociaux, l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition de ces droits est taxé exclusivement à l'impôt sur le revenu au taux de 15 % ; qu'en vertu de l'article 160-I ter du même code, dans sa rédaction issue de l'article 5 de la loi n° 79-1102 du 21 décembre 1979, par exception aux dispositions du paragraphe I bis de l'article 160 selon lesquelles, en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une fusion, le contribuable peut répartir la plus-value imposable sur l'année d'échange et les quatre années suivantes, l'imposition de la plus-value résultant d'une fusion et intervenant entre le 1er janvier 1980 et le 31 décembre 1981 peut, sous certaines conditions remplies en l'espèce, être reportée au moment où s'opèrera la transmission ou le rachat des droits sociaux reçus à l'occasion de l'échange ;
Considérant que M. Grimaud demande la réduction de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti, sur le fondement des dispositions de l'article 160, au titre des années 1979, 1980 et 1981, à raison de la plus-value, d'un montant non contesté de 1.107.540 F, réalisée à l'occasion de l'échange des parts sociales de la société à responsabilité limitée "GRIM'UNION" et de la société civile d'exploitation agricole "X... FRERES" contre des parts sociales de la société à responsabilité limitée "X... FRERES" née de la fusion des deux précédentes sociétés ; que le requérant soutient que cet échange est devenu parfait au plus tôt le 31 janvier 1980, date de l'immatriculation de la nouvelle société au registre du commerce et, qu'ainsi, il est en droit de bénéficier du report d'imposition prévu par l'article 160-I ter ; que l'administration soutient, au contraire, que l'échange de parts est intervenu dès le 15 octobre 1979, date de l'approbation du projet de fusion par les assemblées générales respectives des deux sociétés absorbées, et que, dans ces conditions, les dispositions de l'article 160-I ter étant inapplicables à cette date, c'est à bon droit que la plus-value imposable a été répartie sur les années 1979 et suivantes ;
Considérant que si, en cas de fusion entre deux sociétés donnant naissance à une société nouvelle, l'échange auquel il est procédé entre les parts sociales de ces deux sociétés et celles de la société nouvelle présente, pour l'application de l'article 160 précité, le caractère d'une cession à titre onéreux des titres des sociétés fusionnées, la plus-value qui en résulte n'est imposable qu'au titre de l'année au cours de laquelle la fusion est devenue juridiquement parfaite ;
Considérant qu'il est constant que le projet de fusion devant donner naissance à la S.A.R.L. "X... Frères" a été approuvé le 15 octobre 1979 par les assemblées générales des deux sociétés fusionnées, à savoir la S.A.R.L. "Grim'Union" et la S.C.E.A. "X... Frères", qui ont décidé leur dissolution à compter de la date de la réalisation définitive de la fusion expressément conditionnée par l'immatriculation de la S.A.R.L. "X... Frères" au registre du commerce et des sociétés ;
Considérant que cette formalité, qui seule confère la personnalité morale à une société commerciale ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 susvisée, est intervenue le 31 janvier 1980 ; que l'assemblée générale de la société nouvelle, qui a procédé à la répartition entre les porteurs de parts des droits sociaux de la S.A.R.L. "X... Frères" en rémunération des apports effectués par les deux sociétés fusionnées, a eu lieu le 21 février 1980 ; que la fusion dont procède la cession des droits sociaux n'est ainsi devenue juridiquement parfaite qu'au cours de l'année 1980 ; qu'il résulte de ce qui précède que, même si les modalités de rémunération des droits échangés étaient déterminées dès le 15 octobre 1979 et même si la convention de fusion prévoyait un effet rétroactif au 1er juillet 1979, l'échange des titres ne s'est juridiquement opéré qu'au cours de l'année 1980 ; que, par suite, M. Joseph Grimaud est en droit de bénéficier du report d'imposition prévu par l'article 160-I ter précité ; qu'il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la réduction du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979, 1980 et 1981 et, par suite, à en demander l'annulation ;
Sur l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à indemniser M. Grimaud en application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 2 mai 1986 est annulé.
Article 2 : M. Joseph Grimaud est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1979, 1980 et 1981 à hauteur, chaque année, de 33.225 F de droits ainsi que des majorations et intérêts de retard y afférents.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Joseph Grimaud et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.