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09/05/1990 | FRANCE | N°89NT01149

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 09 mai 1990, 89NT01149


Vu 1°) sous le n° 89NT01149, la requête présentée par M. René Rouxel, demeurant ..., et enregistrée au greffe de la Cour le 27 avril 1989 ;
M. Rouxel demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 86488 du 9 mars 1989 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978 à 1980,
2°) de prononcer la décharge de ces cotisations,
3°) et de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
Vu 2°) sou

s le n° 89NT01148, la requête présentée par M. René Rouxel, demeurant ..., et enregistr...

Vu 1°) sous le n° 89NT01149, la requête présentée par M. René Rouxel, demeurant ..., et enregistrée au greffe de la Cour le 27 avril 1989 ;
M. Rouxel demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 86488 du 9 mars 1989 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978 à 1980,
2°) de prononcer la décharge de ces cotisations,
3°) et de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
Vu 2°) sous le n° 89NT01148, la requête présentée par M. René Rouxel, demeurant ..., et enregistrée au greffe de la Cour le 27 avril 1989 ;
M. Rouxel demande à la Cour :
- le sursis à l'exécution du recouvrement des impositions sur le revenu confirmées par le jugement du Tribunal administratif de Rennes n° 86488 du 9 mars 1989 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 25 avril 1990 :
- le rapport de Melle Brin, conseiller, - les observations de Me Druais, avocat de M. Y..., - et les conclusions de M. Gayet, commissaire du gouvernement,

Considérant que les requêtes n° 89NT01149 et n° 89NT01148 présentées par M. René Rouxel tendent respectivement à l'annulation du jugement du 9 mars 1989 du Tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978 à 1980 et au sursis à l'exécution de l'article de rôle correspondant ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que M. Rouxel, loueur de locaux commerciaux et éleveur, à la suite d'une vérification de comptabilité et de sa situation fiscale d'ensemble qui s'est déroulée en 1982, a fait l'objet de redressements en matière d'impôts sur le revenu au titre des années 1978 à 1980 ; qu'il soutient, d'une part, que c'est à tort qu'il a été taxé d'office en application des dispositions des articles L 16 et L 69 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les dépenses de train de vie en espèces, des apports en espèces en banque en 1978 et des achats en espèces à la salle des ventes de Lorient en 1980 et, d'autre part, que les travaux qu'il a effectués à Saint-Gwen constituent des dépenses déductibles de ses revenus fonciers ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que ce dernier s'est prononcé également sur le moyen tiré de ce que la procédure de taxation d'office aurait été irrégulièrement engagée à l'encontre du requérant ; qu'ainsi l'allégation selon laquelle les premiers juges n'auraient pas répondu à tous les moyens de la demande manque en fait ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition par voie de taxation d'office :
Considérant qu'aux termes de l'article L 16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu l'administration ... peut ... demander (au contribuable) des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments lui permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; que, selon les dispositions de l'article L 69 du même livre, si le contribuable s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications, l'administration peut taxer d'office l'intéressé à l'impôt sur le revenu sous réserve des règles propres à certaines catégories de revenus ;
Considérant qu'à la suite de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble de M. Rouxel le vérificateur a constaté d'une part l'absence quasi totale, durant la période vérifiée, de retraits en espèces pour les dépenses dites de train de vie et d'autre part un écart important entre les revenus déclarés et le montant des sommes portées au crédit des comptes du requérant ; que ces circonstances permettaient au service de demander à ce dernier, sur le fondement dudit article L 16, de fournir des justifications ;

Considérant que, pour les chefs de redressement concernant les dépenses courantes en 1978, 1979 et 1980 et les apports en banque de 200.000 F en 1978, les réponses du contribuable qui font état de ce que sa belle-mère mettait à la disposition de son foyer le produit de ses pensions et lui aurait consenti, sans l'assortir d'une justification de valeur probante, un don manuel en 1978 ont pu, à juste titre, être regardées comme insuffisantes et invraisemblables et comme équivalant à un défaut de réponse de nature à justifier la taxation d'office à laquelle l'administration a procédé ;
Considérant, en revanche, que pour l'année 1980 et s'agissant des achats en salle des ventes que M. Rouxel réfute, il ressort des explications du ministre sur les conditions dans lesquelles le service a été conduit à notifier les redressements afférents à ces achats en espèces effectués à la salle des ventes de Lorient les 27 juillet et 21 décembre 1980 et portant respectivement sur la somme de 110.780 F et 110.200 F que l'administration n'apporte pas la preuve que ces achats peuvent être imputés à M. Rouxel ; que, dès lors et pour ce chef de redressement, le requérant soutient à bon droit que la procédure d'imposition est irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions établies sur une procédure régulière :
Considérant que M. Rouxel supporte la charge de prouver l'exagération de ses bases d'imposition ;
Considérant, en premier lieu, que, pour justifier l'absence de retraits en espèces durant les années d'imposition en litige, le requérant prétend que ses besoins familiaux étaient couverts en partie par des avantages en nature et des bénéfices agricoles et par la perception en espèces de revenus fonciers ; que les premiers ne se traduisent par aucun mouvement d'espèces et la seconde n'est assortie d'aucun élément de nature à en vérifier l'exactitude ; qu'il fait état, en outre, que de tels besoins étaient, pour le reste, couverts par les revenus de sa belle-mère qui était hébergée sous son toit ; qu'il n'est pas établi que cette dernière avait mis ses revenus, au demeurant modiques, à la disposition de ses enfants ; que d'ailleurs M. Rouxel a déclaré lui-même, au titre de l'année 1980, une déduction de 8.740 F comme pension alimentaire versée à sa belle-mère ; que ces allégations ainsi que celle tirée de la modicité de son train de vie ne permettent pas de retenir les prétentions de M. Rouxel selon lesquelles l'évaluation forfaitaire de 50.000 F, par an de son train de vie en espèces, lors de la période vérifiée, serait exagérée ;

Considérant, en second lieu, que, pour justifier le crédit, le 29 juin 1978, de son compte bancaire de 200.000 F versés en espèces, M. Rouxel fait état de deux dons manuels qu'il aurait reçus à cette date de sa belle-mère, Mme X... et qui auraient été rapportés à la succession de celle-ci dans une déclaration déposée le 15 décembre 1982 et taxés au titre des droits de succession ; que les attestations relatives à ces dons produites par le requérant n'ont pas de valeur probante ; qu'en juin 1978 Mme X... ne pouvait plus disposer d'une telle somme d'argent eu égard à la donation, non contestée, à laquelle elle avait consenti en 1976 et à la modicité de ses propres revenus mensuels qu'elle retirait de ses pensions ; que la déclaration de succession susmentionnée est postérieure aux demandes de justification adressées au contribuable dans le cadre du contrôle dont il a fait l'objet de janvier à décembre 1982 pour les années 1978 à 1980 ; qu'ainsi M. Rouxel n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération de l'imposition contestée ;
Sur les revenus fonciers :
Considérant que la circonstance que l'administration, afin de justifier le redressement litigieux, invoque devant le juge l'affectation des immeubles en cause alors que cette dernière n'a pas été retenue par le vérificateur est sans influence sur la régularité de la procédure engagée à l'égard de M. Rouxel ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : "I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1°) pour les propriétés urbaines : a) les dépenses de réparation et d'entretien ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que, s'agissant des locaux qui ne sont pas à usage d'habitation, seules les dépenses correspondant à des travaux qui ont porté sur l'entretien et la réparation sont déductibles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux effectués de 1977 à 1980 dans les immeubles de M. Rouxel à Saint-Gwen (Morbihan) ont eu pour objet la remise en état d'anciens bâtiments de dépôts et de bureaux, inoccupés depuis plus de vingt ans et devenus insalubres et vétustes ; qu'ils ont comporté notamment la réfection de la toiture dont la charpente a été, en partie remplacée, la reprise de la maçonnerie par un crépi et la pose d'un enduit sur les murs, le nivellement de la dalle en béton, le remplacement des huisseries, des travaux sur la robinetterie et le circuit d'eau avec installation de compteurs spécifiques par locataire et des travaux de peinture ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, des travaux de cette nature, quelles qu'en aient été l'importance et la rentabilité, constituent des dépenses d'entretien et de réparation exposées par M. Rouxel ; qu'elles doivent, par conséquent, être regardées comme des charges de propriété déductibles pour la détermination du revenu net foncier ;

Considérant que de tout ce qui précède il résulte que M. Rouxel est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge d'une part du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1980 et afférent aux achats en espèces à la salle des ventes de Lorient, d'autre part des impositions qui lui ont été assignées en conséquence du refus des déductions de charges de propriété par l'administration ;
Sur l'application des dispositions de l'article 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer à M. Rouxel le remboursement qu'il demande des frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
Sur les conclusions de la requête n° 89NT01148 tendant au sursis à l'exécution des articles de rôle correspondant aux impositions contestées :
Considérant que dès lors que le présent arrêt statue sur les conclusions de la requête n° 89NT01149 à fin d'annulation du jugement du 9 mars 1989 du Tribunal administratif de Rennes rejetant la demande en décharge des impositions litigieuses, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 89NT01148 tendant au sursis à l'exécution des articles de rôle correspondant ;
Article 1 - La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. René Rouxel procédant d'une part, au titre de l'année 1980, de la taxation d'office est réduite d'une somme de 220.980 F et d'autre part, au titre des années 1978, 1979 et 1980, des redressements sur les revenus fonciers est réduite de respectivement 133.663 F, 60.470 F et 14.184 F.
Article 2 - M. René Rouxel est déchargé des droits et pénalités correspondant à cette réduction de la base d'imposition.
Article 3 - Le jugement du Tribunal administratif de Rennes, en date du 9 mars 1989, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de M. René Rouxel n° 89NT01149 est rejeté.
Article 5 - Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 89NT01148 de M. René Rouxel.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à M. René Rouxel et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, direction générale des impôts et direction de la comptabilité publique.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89NT01149
Date de la décision : 09/05/1990
Sens de l'arrêt : Réformation décharge rejet surplus
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ART. 176 ET 179 DU CGI, REPRIS AUX ARTICLES L.16 ET L.69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES) -

19-04-01-02-05-02-02 Si l'administration qui a réuni les éléments lui permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés peut demander des justifications à ce dernier (art. L.16), elle n'apporte pas la preuve, par ses explications sur les conditions dans lesquelles elle a été conduite à identifier l'acquéreur, que des achats, en espèces, d'objets effectués en salle des ventes sont imputables à ce contribuable. Irrégularité, pour le chef de redressement correspondant, du recours à la procédure de taxation d'office (art. L.69).


Références :

CGI 31
CGI Livre des procédures fiscales L16, L69
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222


Composition du Tribunal
Président : M. Anton
Rapporteur ?: Mlle Brin
Rapporteur public ?: M. Gayet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1990-05-09;89nt01149 ?
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