Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 29 décembre 1988, et le mémoire complémentaire, enregistré le 4 avril 1989, présentés pour le PORT AUTONOME DU HAVRE, représenté par ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège social, Terre Plein de la Barre, B.P - 1413, 76067, LE HAVRE ;
Le PORT AUTONOME DU HAVRE demande que la Cour :
1°) annule le jugement en date du 28 octobre 1988 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser à la société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) la somme de 1 152 871,26 F avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 1987,
2°) rejette la demande présentée par la S.N.C.F. devant le Tribunal administratif de Rouen et décharge le PORT AUTONOME DU HAVRE de toute responsabilité,
3°) subsidiairement, réduise à 10 % au plus la part de responsabilité laissée à sa charge,
4°) condamne la S.N.C.F. à lui verser une indemnité de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 28 février 1990 :
- le rapport de M. SALUDEN, conseiller,
- les observations de Me Fortunet, avocat du PORT AUTONOME DU HAVRE et les observations de Me Giudicelli, avocat de la S.N.C.F.,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,
Considérant que le 27 février 1979, à 1 h 15 du matin, un tracteur diesel appartenant à la société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.), qui remorquait une rame de 21 wagons sur la voie n° 3 du quai du Rhin, a heurté une grue du PORT AUTONOME DU HAVRE en cours de montage ; que celle-ci, sous l'effet du choc, a été déséquilibrée et est tombée dans le bassin, détériorant le couronnement et le terre-plein du quai, ainsi qu'une canalisation d'eau ; que, saisi d'une demande du préfet de Seine-Maritime dans le cadre de poursuites pour contravention de grande voirie, le tribunal administratif de Rouen a, par deux jugements, le premier du 27 mars 1981 confirmé par un arrêt du Conseil d'Etat du 27 septembre 1985 et le second, du 13 mai 1986, devenu définitif, condamné la S.N.C.F. à verser au PORT AUTONOME DU HAVRE la somme de 2 305 742,53 F représentant le coût des réparations des dommages causés aux installations portuaires par le tracteur diesel ; que, par le jugement attaqué, en date du 28 octobre 1988, dont il demande l'annulation, le PORT AUTONOME DU HAVRE a été condamné à verser à la S.N.C.F., en raison d'une faute qui a concouru à la réalisation du dommage contraventionnel, la somme de 1 152 871,26 F ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, que si le PORT AUTONOME DU HAVRE soutient que le jugement attaqué est irrégulier en la forme et qu'il a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, ces moyens ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, les moyens invoqués doivent être rejetés ;
Considérant, d'autre part, que le jugement attaqué est sufisamment motivé ;
Sur la recevabilité de la demande de la S.N.C.F. :
Considérant que la circonstance que la S.N.C.F. a été condamnée, dans le cadre des poursuites pour contravention de grande voirie ayant abouti aux jugements précités du tribunal administratif de Rouen du 27 mars 1981 et 13 mai 1986, à réparer les dommages occasionnés au domaine public, ne saurait faire obstacle à son droit de présenter devant le tribunal administratif une demande distincte en indemnité fondée sur le préjudice qu'a pu lui causer une faute qui serait imputable au PORT AUTONOME DU HAVRE ; que, par suite, l'établissement public requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué, implicitement admis la recevabilité de la demande de la S.N.C.F. ;
Au fond :
Sur le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée :
Considérant que l'exception de chose jugée à l'occasion des précédentes instances relatives à la contravention de grande voirie poursuivie par le préfet de Seine-Maritime ne pouvait être opposée à la demande présentée par la S.N.C.F. devant le tribunal administratif de Rouen pour obtenir la condamnation du PORT AUTONOME DU HAVRE dès lors qu'il n'y avait pas identité de parties entre les premières instances et cette demande ultérieure en indemnité ; que, par suite, l'établissement public requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a méconnu cette exception ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un agent du PORT AUTONOME DU HAVRE, auquel incombe la police de la circulation sur les voies ferrées dans l'enceinte du Port, s'est borné à aviser par téléphone, le 24 février 1979, un agent de la S.N.C.F. de la fermeture du trafic ferroviaire sur la voie n° 3 à compter du 26 février 1979, sans vérifier que cette information, importante et urgente, avait bien été prise en compte par la S.N.C.F. ; que ces faits sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité du PORT AUTONOME DU HAVRE ; mais que, lors de l'accident du 27 février 1979, le convoi de la S.N.C.F. circulait sans respecter la réglementation en vigueur qui prévoit que "la vitesse ne doit pas dépasser celle d'un homme allant au pas" et que l'agent du chemin de fer chargé de la protection du convoi doit "se tenir à 10 m. en avant du tracteur" et marcher "en dehors de la voie, en se plaçant de façon à permettre au mécanicien d'apercevoir les signaux en tout temps" ; que l'allégation de la S.N.C.F selon laquelle l'agent qui protégeait le convoi se serait trouvé dans une situation de péril dans les instants précédant immédiatement le choc entre le tracteur diesel et la grue du Port n'est étayée par aucune des pièces du dossier ; que la S.N.C.F., informée de l'existence de travaux sur ce quai, était tenue à une obligation particulière de prudence lors de la conduite des convois dans cette zone ; que, dans ces conditions, il sera fait une exacte appréciation des faits de la cause en limitant à 20 % la part de responsabilité du PORT AUTONOME DU HAVRE dans la survenance des faits contraventionnels ; qu'il suit de là et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction demandée par la S.N.C.F. que l'indemnité que le PORT AUTONOME DU HAVRE a été condamné à verser à la S.N.C.F. par le jugment attaqué doit être ramenée à 461 148,52 F ;
Sur les frais d'expertise engagés par la S.N.C.F. :
Considérant que, si la S.N.C.F. demande que le PORT AUTONOME DU HAVRE soit condamné à lui verser une part des frais d'expertise qu'elle a avancés dans le cadre des poursuites pour contravention de grande voirie, ces conclusions incidentes ne sont ni chiffrées ni justifiées ; qu'elles ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel :
Considérant que, si le PORT AUTONOME DU HAVRE et la S.N.C.F. demandent, chacun, que son adversaire soit condamné au paiement d'une indemnité de 20 000 F au titre des frais irrépétibles, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs ;
Article 1 - L'indemnité que le PORT AUTONOME DU HAVRE a été condamné à verser à la S.N.C.F. est ramenée à 461 148,52 F.
Article 2 - Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 28 octobre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête du PORT AUTONOME DU HAVRE ainsi que le recours incident de la S.N.C.F. sont rejetés.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié au PORT AUTONOME DU HAVRE, à la S.N.C.F. et au ministre délégué auprès du ministre des transports, chargé de la mer.