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09/05/1989 | FRANCE | N°89NT00091

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 09 mai 1989, 89NT00091


Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 2 janvier 1989, par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-506 du 2 septembre 1988, le dossier de la requête présentée par le Ministre d'état, ministre de l'économie, des finances et du budget et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 août 1987, sous le n° 90458 ;
Vu la requête susmentionnée, présentée par le

ministre d'état, ministre de l'économie, des finances et du budget, enr...

Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 2 janvier 1989, par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-506 du 2 septembre 1988, le dossier de la requête présentée par le Ministre d'état, ministre de l'économie, des finances et du budget et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 août 1987, sous le n° 90458 ;
Vu la requête susmentionnée, présentée par le ministre d'état, ministre de l'économie, des finances et du budget, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 2 janvier 1989, sous le n° 89NT00091, et tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement du 15 avril 1987, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a accordé à la société à responsabilité limité "Société d'Exploitation de l'Hôtel Alexandre 1er" la décharge des cotisations à la contribution des patentes, y compris des intérêts de retard, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1974 et 1975, ainsi que des cotisations de taxe professionnelle, majorées des intérêts de retard, qui lui ont été assignées pour les années 1976, 1977 et 1978 ;
2°) remette intégralement les impositions et majorations contestées à la charge de la société ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 1989 :
- le rapport de M. DUPUY, conseiller, - les observations de Maître BOUTHORS, avocat de la "Société d'Exploitation de l'Hôtel Alexandre 1er" - et les conclusions de M. MARCHAND, commissaire du gouvernement,

Considérant que les impositions à la patente et à la taxe professionnelle auxquelles la S.A.R.L. "Société d'Exploitation de l'Hôtel Alexandre 1er", dont le siège est à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord), a été assujettie au titre, respectivement, des années 1974 et 1975 et 1976, 1977 et 1978, ont été établies au vu de la décision en date du 6 mai 1981, par laquelle le directeur départemental des services fiscaux des Côtes-du-Nord a retiré à cette société l'agrément que le directeur régional des impôts à Rennes lui avait accordé le 22 novembre 1971 en vue d'une exonération partielle de la patente afférente à un établissement hôtelier dont l'ouverture devait s'accompagner, dans un délai de trois ans, de la création d'au moins dix emplois permanents ; que, devant le Tribunal administratif de Rennes, la société requérante a demandé la décharge desdites impositions, majorées des intérêts de retard, en invoquant l'illégalité de la décision de retrait d'agrément du 6 mai 1981 ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif, retenant ce moyen, a prononcé la décharge des impositions et majorations litigieuses, sur le fondement de l'illégalité de cette décision ;

Sur le moyen tiré du caractère définitif de la décision de retrait d'agrément du 6 mai 1981 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1473 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige, "I. Les communautés urbaines et les collectivités locales sont habilitées à exonérer de la patente dont elles auraient normalement été redevables, en totalité ou en partie, et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, les entreprises qui procèdent soit à des transferts, extensions ou créations d'installations industrielles ou commerciales, soit à une reconversion d'activité, avec le bénéfice d'un agrément du Ministre de l'économie et des finances", et qu'aux termes de l'article 1756 du même code : "1. Lorsque les engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ne sont pas exécutés ou lorsque les conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné ne sont pas remplies, cette inexécution entraîne le retrait de l'agrément et les personnes physiques ou morales à qui des avantages fiscaux ont été accordés, du fait de l'agrément, sont déchues du bénéfice desdits avantages. Les impôts dont elles ont été dispensées deviennent immédiatement exigibles, nonobstant toutes dispositions contraires, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1734 et compté de la date à laquelle ils auraient dû être acquittés. Par dérogation aux dispositions ci-dessus, le Ministre de l'économie et des finances est autorisé à limiter les effets de la déchéance à une fraction des avantages obtenus du fait de l'agrément" ;

Considérant qu'il résulte des dispositions qui précèdent que lorsqu'elle est prononcée, la décision de retrait de l'agrément administratif entraîne la perte du bénéfice de l'avantage fiscal qui était attaché à cet agrément et rend immédiatement exigible des impositions dont le redevable a été dispensé du fait de ce même agrément ; qu'ainsi, le rétablissement de l'impôt survenant dans ces conditions constitue l'aboutissement direct et inévitable de la décision de retrait d'agrément avec laquelle il forme une opération complexe ; que, dès lors, la "Société d'Exploitation de l'Hôtel Alexandre 1er", bien que ses conclusions dirigées contre la décision du 6 mai 1981 par laquelle le directeur départemental des services fiscaux a retiré son agrément eussent été rejetées par le tribunal administratif comme tardives, restait recevable à invoquer l'illégalité de ladite décision à l'appui de sa demande en décharge des impositions contestées ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif a statué sur cette exception d'illégalité ;
Sur la légalité de la décision de retrait d'agrément :
Considérant qu'en autorisant le Ministre de l'économie et des finances à limiter les effets de la déchéance à une fraction seulement des avantages obtenus du fait de l'agrément, les dispositions susrappelées confèrent au ministre un pouvoir de décision quant aux effets qu'il y a lieu d'attacher au retrait d'agrément ; que dans l'exercice de ce pouvoir, l'administration est nécessairement conduite à porter une appréciation sur le comportement de l'entreprise eu égard aux engagements qu'elle a souscrits et aux conditions d'octroi de l'agrément : que, dès lors, elle ne pouvait légalement retirer l'agrément dont bénéficiait la société requérante avant de mettre celle-ci en mesure de présenter ses observations ;

Considérant qu'il est constant que la décision du 6 mai 1981 par laquelle le directeur départemental des services fiscaux a retiré l'agrément délivré le 22 novembre 1971 à la "Société d'Exploitation de l'Hôtel Alexandre 1er" a été prise sans que cette dernière ait été invitée préalablement à présenter ses observations ; qu'il suit de là que cette décision de retrait est illégale et ne pouvait entraîner, pour la société requérante, la déchéance des avantages fiscaux auxquels était attaché l'octroi de l'agrément dont elle bénéficiait ; qu'ainsi, les impositions litigieuses ont été établies à la suite d'une procédure illégale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 15 avril 1987 par lequel le Tribunal administratif de Rennes, tirant les conséquences de cette illégalité, a accordé à la "Société d'Exploitation de l'Hôtel Alexandre 1er" la décharge des impositions à la patente et à la taxe professionnelle qui lui ont été assignées, majorées des intérêts de retard, au titre, respectivement, des années 1974 et 1975 et des années 1976, 1977 et 1978 ;

Article 1 - La requête présentée par le ministre d'état, ministre de l'économie, des finances et du budget est rejetée.

Article 2 - La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, et à la "Société d'Exploitation de l'Hôtel Alexandre 1er".


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89NT00091
Date de la décision : 09/05/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-03-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE - EXONERATIONS -Exonérations temporaires décidées par les collectivités locales (article 1465 du C.G.I.) - Exonération soumise à agrément ministériel - Retrait d'agrément (article 1756 du C.G.I.) - Non respcet des droits de la défense - Effets - Illégalité de la décision de retrait.

19-03-04-03 Il résulte des dispositions de l'article 1756 du code général des impôts selon lesquelles la décision de retrait de l'agrément administratif entraîne la perte du bénéfice de l'avantage fiscal attaché à cet agrément et rend immédiatement exigible les impositions dont le redevable a été dispensé, que le rétablissement de l'impôt prononcé dans ces conditions constitue l'aboutissement direct et inévitable de la décision de retrait d'agrément avec laquelle il forme une opération complexe. Dès lors, bien que le retrait d'agrément soit un acte détachable de la procédure d'imposition et, comme tel, attaquable par la voie du recours pour excès de pouvoir, le contribuable reste recevable à exciper de l'illégalité de cet acte devenu définitif à l'appui d'une demande en décharge de l'impôt. La nécessité où se trouve l'administration de porter une appréciation pour exercer son pouvoir de limiter les effets de la déchéance qu'elle tient de ce même article 1756 l'oblige à recueillir les éventuelles observations du bénéficiaire de l'agrément avant d'en prononcer le retrait. Le non-respect de ce principe des droits de la défense entache d'irrégularité la procédure d'imposition.


Références :

CGI 1473 bis I, 1756 1


Composition du Tribunal
Président : M. Capion
Rapporteur ?: M. Dupuy
Rapporteur public ?: M. Marchand

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1989-05-09;89nt00091 ?
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