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28/04/1989 | FRANCE | N°89NT00051

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 28 avril 1989, 89NT00051


VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier du recours présenté par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 juillet 1987 sous le n° 89464 ;
VU le recours susmentionné présenté par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET enregistré au greffe de la Cour sous le n° 89NT00051 et tendant à :
1°) l'annulation du jugement en date du 10 mars 1987 par lequel le Tribunal admini

stratif d'ORLEANS a accordé décharge à la société anonyme Comptoir Mé...

VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier du recours présenté par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 juillet 1987 sous le n° 89464 ;
VU le recours susmentionné présenté par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET enregistré au greffe de la Cour sous le n° 89NT00051 et tendant à :
1°) l'annulation du jugement en date du 10 mars 1987 par lequel le Tribunal administratif d'ORLEANS a accordé décharge à la société anonyme Comptoir Métallurgique Chartrain des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 1978 à 1981
2°) et à ce que soit remis à la charge de ladite société l'intégralité des cotisations supplémentaires, en droits et en pénalités, qui lui avaient été assignées VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 1989 :
- le rapport de M. LEMAI, conseiller,
- les observations de M. DESCHAMPS, président directeur général de la SA Comptoir Métallurgique Chartrain,
- et les conclusions de M. CACHEUX, commissaire du gouvernement,

Considérant qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société Comptoir Métallurgique Chartrain l'administration a rehaussé les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de cette entreprise de négoce en gros de quincaillerie et de produits métallurgiques du montant de moins values à long terme déduites des résultats des exercices 1980 et 1981, d'une part, et du montant de la fraction jugée excessive des rémunérations versées à huit salariés au cours des exercices 1978 à 1981, d'autre part ; que, par le jugement dont le ministre fait appel, le Tribunal administratif d'ORLEANS a accordé à la société, en se fondant sur l'irrégularité de la vérification, la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de ces deux chefs de redressement ;
Sur la régularité de la vérification :
Considérant, en premier lieu, que si au nombre des garanties que les contribuables tiennent des dispositions des articles L 47 à L 52 du livre des procédures fiscales relatives au déroulement des vérifications de comptabilité chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée figure la possibilité d'avoir sur place un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, la reconnaissance de cette garantie n'a pas pour effet de mettre à la charge de l'administration en cas de contestation des conditions dans lesquelles la vérification s'est effectuée, la preuve de la réalité du débat oral et contradictoire ;
Considérant, en second lieu, qu'il est constant que la vérification s'est déroulée au siège de la société ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur, qui n'était pas tenu de donner, avant la notification de redressements, une information sur les redressements qu'il pouvait envisager, se serait refusé à engager un dialogue avec le dirigeant de la société ou les personnes habilitées à cet effet ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la vérification était irrégulière au motif que l'administration n'apportait pas la preuve qu'elle avait donné lieu à un débat oral et contradictoire ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Comptoir Métallurgique Chartrain devant le tribunal administratif ;
Sur la réintégration dans les résultats des exercices 1978 à 1981 d'une partie des rémunérations versées à certains salariés :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "1. le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu" ;

Considérant que l'administration, estimant que le montant de la prime d'intéressement versée à huit salariés au cours des années 1978 à 1981, sur un effectif qui a varié de 29 à 34 salariés, avait été, pour l'essentiel, arrêté non pas en fonction de l'importance des services rendus mais dans le but de permettre à ces salariés de racheter au dirigeant une partie du capital de la société, a réintégré dans les bénéfices sociaux la fraction des primes correspondant, pour chaque salarié, au prix de ses acquisitions d'actions majoré de l'impôt sur le revenu résultant du complément de rémunération utilisé pour les acquisitions de l'année précédente ; qu'ainsi sur un montant d'intéressement versé aux huit salariés de 1.297.616 F en 1978, 1.728.436 F en 1979, 1.926.010 F en 1980 et 2.159.320 F en 1981 l'administration a réintégré les sommes de, respectivement, 1.170.000 F, 1.554.062 F, 1.677.944 F et 1.908.617 F ; que cette réintégration ayant été faite contrairement à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient à l'administration d'établir l'absence de lien entre les rémunérations réintégrées et les services rendus ;
Considérant que l'administration se fonde, d'une part, sur le brutal accroissement des rémunérations des salariés acquéreurs d'actions à compter de 1978 qui, sans changement apparent des fonctions occupées, excède largement aussi bien la progression du chiffre d'affaires et des bénéfices que l'évolution des rémunérations des salariés qui n'ont pas acheté d'actions et, d'autre part, sur l'importance de l'écart entre les rémunérations des huit salariés et la moyenne des rémunérations versées dans des entreprises comparables pour des fonctions estimées équivalentes ; qu'à l'encontre de cette argumentation, la société fait valoir que les salariés mis en cause ont joué dans le développement de l'entreprise créée en 1969 un rôle dont ne rendraient pas compte les qualifications retenues par l'administration qui n'a pas recueilli d'éléments suffisants sur l'étendue des responsabilités effectives de chacun d'entre eux ; que le système d'intéressement mis en place en 1978, grâce à la consolidation de la situation financière, vise à moduler les rémunérations individuelles en fonction de ces responsabilités en complétant les salaires de base qui étaient et sont restés fixés à un niveau relativement faible ; qu'enfin les éléments de comparaison invoqués par le service ne peuvent être considérés comme pertinents dès lors que les informations relatives aux entreprises retenues dont certaines ont une activité commerciale qui ne recouvre pas ses marchés font apparaître une moyenne de bénéfices par salarié très sensiblement inférieure à celle constatée dans son cas, et que les qualifications auxquelles il est fait référence ne correspondent pas aux fonctions réellement exercées par les salariés dont la rémunération est contestée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la part des rémunérations attribuées aux salariés acquéreurs d'actions dans le total des rémunérations versées par la société est passé de 23,30 % en 1977 à une moyenne de 64 % de 1978 à 1981 sans que les attributions desdits salariés aient été sensiblement modifiées ; qu'une telle augmentation des rémunérations allouées à une partie des salariés établit, eu égard aux circonstances relatives à la transmission du capital de l'entreprise relevées par le service, que le niveau des primes d'intéressement litigieuses n'a pas été arrêté uniquement en considération des services rendus ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la société a connu de 1977 à 1981 une multiplication par 2,4 de son chiffre d'affaires et a maintenu malgré la hausse des rémunérations un niveau de bénéfice allant de 4 à 8 % du chiffre d'affaires ; qu'eu égard au mode particulier de rémunération du personnel d'encadrement mis en place dans l'entreprise et au rôle joué par les huit salariés en cause dans son développement, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère excessif des rémunérations réintégrées à hauteur seulement de la moitié des primes d'intéressement versées aux salariés concernés ; qu'en conséquence le montant des rémunérations considérées comme non déductibles doit être ramené pour 1979 de 1.170.000 F à 648.806 F, pour 1979 de 1.554.062 F à 864.216 F, pour 1980 de 1.677.944 F à 963.004 F et pour 1981 de 1.908.617 F à 1.079.660 F ;
Sur la demande de compensation du ministre :
Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article L 203 du livre des procédures fiscales, le ministre demande que le rétablissement seulement partiel des droits qui avaient été assignés à la société soit compensé, dans la limite des impositions initiales, par l'application à ces droits réduits de l'amende prévue à l'article 1732 du code général des impôts relatif à la répression des abus de droit ou, subsidiairement, de la pénalité prévue à l'article 1729 du même code en cas de manoeuvres frauduleuses ; que, cependant, le ministre n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le système d'intéressement des salariés pratiqué par la société à compter de l'année 1978 ait eu pour unique motif d'atténuer sa charge fiscale ; que, de même, le caractère excessif d'une partie des rémunérations versées dans le cadre de ce système d'intéressement ne suffit pas à établir l'existence de manoeuvres frauduleuses ; que, par suite, la demande de compensation du ministre doit être rejetée ;
Sur la réintégration des moins values à long terme déduites des résultats des exercices 1980 et 1981 :
Considérant que, tant en première instance qu'en appel, la société n'a développé aucun moyen à l'encontre de ce chef de redressement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander le rétablissement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, qui ont été assignées à la société Comptoir Métallurgique Chartrain au titre des années 1978 à 1981, sous réserve de la réduction des rehaussements des bases d'imposition fondés sur la réintégration d'une partie de la rémunération de certains salariés aux sommes de 648.806 F en 1978, 864.216 F en 1979, 963.004 F en 1980 et 1.079.660 F en 1981 ;
Article 1 - Le jugement du Tribunal administratif d'ORLEANS du 10 mars 1987 est annulé.
Article 2 - Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui avaient été assignées à la société Comptoir Métallurgique Chartrain au titre des années 1978 à 1981 sont remises à sa charge, en droits et pénalités, sous réserve de la réduction des rehaussements de bases d'imposition fondés sur la réintégration d'une partie de la rémunération de certains salariés aux sommes de 648.806 F en 1978, 864.216 F en 1979, 963.004 F en 1980 et 1.079.660 F en 1981.
Article 3 - Le surplus des conclusions du recours du ministre est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifé au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget et à la société "Comptoir Métallurgique Chatrain".


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89NT00051
Date de la décision : 28/04/1989
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - CHARGES SALARIALES -Rémunérations versées aux salariés en activité - Rémunérations excessives de salariés non dirigeants - Primes d'intéressement versées à des salariés acquéreurs d'actions - Preuve du caractère excessif partiellement apportée par l'administration.

19-04-02-01-04-05 L'administration, considérant que les primes d'intéressement versées à huit salariés d'une société anonyme employant un effectif d'une trentaine de personnes avaient pour objet de leur permettre d'acquérir les actions cédées par le dirigeant de la société, a réintégré ces primes dans les résultats à hauteur du prix des actions acquises par les salariés majoré d'une somme représentant la prise en charge par la société du complément d'impôt sur le revenu supporté par les salariés. Le brutal accroissement des primes attribuées aux salariés acquéreurs d'action établit, eu égard aux circonstances relatives à la transmission du capital de l'entreprise relevées par l'administration, que le niveau de ces primes n'a pas été fixé uniquement en considération du service rendu. Toutefois, en raison des résultats de l'entreprise, des modalités particulières de rémunérations du personnel d'encadrement et du rôle personnel joué par les salariés concernés dans son développement, la preuve du caractère excessif n'est apportée qu'à hauteur de la moitié des primes d'intéressement litigieuses.


Références :

CGI 39 1 1°, 209, 1732, 1729
CGI livre des procédures fiscales L47 à L52, L203


Composition du Tribunal
Président : M. Anton
Rapporteur ?: M. Lemai
Rapporteur public ?: M. Cacheux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1989-04-28;89nt00051 ?
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