Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions implicites par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2301582, 2301583 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 30 avril 2024 sous le n° 24NC01109, Mme A..., représentée par Me Bach-Wassermann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de la circulaire " Valls " du 28 novembre 2012 qui doivent être regardées comme invocables ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
II. Par une requête, enregistrée le 30 avril 2024 sous le n° 24NC01110, M. A..., représenté par Me Bach-Wassermann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il se prévaut des mêmes moyens que son épouse.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet des requêtes.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 4 avril 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes enregistrées sous les n° 24NC01109 et 24NC01110 sont relatives à la situation d'un couple au regard de son droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M. et Mme A..., ressortissants albanais, sont entrés en France avec leurs enfants le 14 juillet 2014 et y ont sollicité l'asile. Leur demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par une décision du 23 septembre 2015 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par des arrêtés du 29 janvier 2015 confirmés par des jugements du 17 novembre 2015 du tribunal administratif de Nancy et des arrêts du 30 août 2016 de la cour administrative d'appel de Nancy, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a refusé le séjour et leur fait obligation de quitter le territoire français. De nouvelles mesures d'éloignement assorties d'interdictions de séjour d'une durée d'un an ont été prises à leur encontre le 18 décembre 2017, confirmées par jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 juillet 2018. Le 16 janvier 2019, les intéressés ont présenté des demandes d'admission exceptionnelle au séjour, rejetées par des arrêtés du 27 septembre 2019 assortis d'obligation de quitter le territoire, avec prolongation d'un an de l'interdiction de retour. Ces décisions ont été confirmées par un jugement du 24 septembre 2020 du tribunal administratif de Nancy. Par un courrier du 25 juillet 2022, M. et Mme A... ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour en raison de leur vie privée et familiale. L'absence de réponse du préfet a fait naître des décisions implicites de rejet dont les requérants ont sollicité l'annulation devant le tribunal administratif de Nancy. Par les présentes requêtes, ils relèvent appel du jugement du 21 décembre 2023 par lequel le tribunal a rejeté leurs demandes.
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces dispositions ne garantissent pas à l'étranger le doit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.
5. Si M. et Mme A... se prévalent de la durée de leur présence en France, il est constant que l'ancienneté de leur séjour n'a été acquise que par leur maintien irrégulier sur le territoire, en dépit des mesures d'éloignement successives édictées à leur encontre et auxquelles ils n'ont pas déféré. La circonstance que leurs enfants soient scolarisés en France, qu'ils disposent de leur propre logement, qu'ils aient suivi des cours de français, participent à des activités et occupent un emploi, sans au demeurant justifier d'une autorisation de travail, ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, alors qu'il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie ni que leur enfant mineur ne pourrait y poursuivre sa scolarité. La circonstance que la fille aînée des intéressés, devenue majeure, a obtenu un titre de séjour temporaire pour poursuivre ses études supérieures en France ne suffit pas à ouvrir aux requérants un droit au séjour. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...).
7. Eu égard aux éléments analysés au point 5, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que les circonstances que les intéressés disposent d'un contrat de travail, qu'ils ont un logement, que leur fils est scolarisé en France et que leur fille désormais majeure poursuit des études et s'est vu délivrer un titre de séjour ne constituent pas des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En dernier lieu, M. et Mme A... ne peuvent utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012, relatives aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 24NC01109, 24NC01110 2