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17/07/2025 | FRANCE | N°23NC03410

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 17 juillet 2025, 23NC03410


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Mémoire de la ville de Charles III a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2022 par lequel le maire de la commune de Nancy a accordé à la société France Pierre Patrimoine un permis de construire un ensemble de dix-sept logements et un local associatif au 163 rue Saint-Dizier, ensemble la décision implicite du 3 mai 2022 et la décision expresse du même jour par lesquelles le maire de la commune de Nancy a rejeté sa demande t

endant au retrait de cette autorisation.



Par un jugement n° 2201875 du 19 se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Mémoire de la ville de Charles III a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2022 par lequel le maire de la commune de Nancy a accordé à la société France Pierre Patrimoine un permis de construire un ensemble de dix-sept logements et un local associatif au 163 rue Saint-Dizier, ensemble la décision implicite du 3 mai 2022 et la décision expresse du même jour par lesquelles le maire de la commune de Nancy a rejeté sa demande tendant au retrait de cette autorisation.

Par un jugement n° 2201875 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 novembre 2023 et le 23 septembre 2024, l'association Mémoire de la ville de Charles III, représentée par Me Monamy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201875 du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2022 par lequel le maire de la commune de Nancy a accordé à la société France Pierre Patrimoine un permis pour la construction d'un immeuble de dix-sept logements et un local associatif répartis sur deux corps de bâtiments comportant trois niveaux, sur une parcelle située 163 rue Saint-Dizier à Nancy, ainsi que les décisions du 3 mai 2022 par lesquelles le maire de la commune de Nancy a rejeté son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nancy et de la société France Pierre Patrimoine une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le permis de construire est illégal du fait de l'illégalité du plan de sauvegarde et de mise en valeur des monuments historiques (PSMV) ; l'institution d'une emprise constructible maximale (ECM) sur le terrain d'assiette du projet est en contradiction avec les intentions de ses auteurs ; le précédent PSMV, éventuellement remis en vigueur du fait de cette illégalité, ne comportait pas de dispositions homologues et ne peut fonder légalement le permis de construire litigieux ;

- le PSMV méconnaît les articles L. 313-1 et R. 313-4 du code de l'urbanisme dès lors qu'il doit poursuivre un objectif de conservation, de restauration et de mise en valeur du patrimoine historique au sein du secteur sauvegardé ; la modification apportée pour permettre la réalisation du projet amoindrit la protection antérieure ;

- il méconnaît l'article US0 du précédent PSMV prévoyant que les immeubles de qualité architecturale tels que recensés doivent être maintenus sans transformations autres que le retour aux dispositions d'origine et en tant que de besoin, restaurés ;

- l'article 2.2.3 du chapitre 1 et le rapport de présentation ne permettent pas aux ECM de s'affranchir de toutes les règles du PSMV ; ils permettent la fixation de règles spécifiques à chaque ECM mais qui ne constituent que des enveloppes maximales, qu'il s'agisse du nombre de niveaux ou de l'emprise au sol ; ils ne peuvent prévaloir sur l'article 1.2.1 du chapitre 4 spécifique aux ECM ; l'article 2.4.1 du chapitre 4 prévoit que les dispositions des articles 2.1.1 et 2.1.2 du chapitre 4 sont applicables aux ECM, ce qui impose, en cas de concurrence, d'appliquer la règle la plus sévère ;

- le permis attaqué méconnaît ainsi les prescriptions de l'article 2.2.2 du chapitre 1 concernant les immeubles de type B dès lors qu'une partie des vestiges va être enchâssée dans un des bâtiments projetés par le permis et que les murs concernés seront masqués par les constructions nouvelles, ce qui ne permettra pas de conserver la volumétrie ;

- il méconnaît également les dispositions de l'article 2.1.2 du chapitre 4 du règlement du PSMV qui prévoit que la hauteur des bâtiments de type B ne peut pas être modifiée sauf s'il s'agit de rétablir la toiture suivant son volume d'origine ou un volume en cohérence avec l'époque et le style de la construction ou si figure, sur le plan graphique, une indication de modification de couverture marquée " M " ; en l'espèce, alors que le plan graphique ne comporte pas de " M ", le projet ne permettra pas de conserver la hauteur des vestiges de l'église puisque les bâtiments nouveaux seront construits sur ces vestiges, et le second étage les surplombera ; le projet ne vise pas davantage à rétablir la toiture suivant son volume d'origine ni un volume en cohérence avec l'époque ; ces vestiges doivent être regardés comme une construction alors que le PSMV utilise indifféremment ce terme pour désigner des immeubles et des bâtiments ;

- le permis attaqué méconnaît les dispositions de l'article 2.3.2 du chapitre 4 ; la société ne peut demander qu'il soit fait application des possibilités offertes par l'article 2.1.1 du chapitre 4 car la hauteur est exclusivement réglementée par l'article 2.4.2 qui ne renvoie pas à cet article 2.1.1 mais à l'article 2.3.2 ; le bâtiment A se trouve à moins de 6 mètres des limites séparatives Nord-ouest et Sud-est, il ne pouvait donc excéder une hauteur de 4,50 mètres ; or, sa hauteur est de 10,35 mètres au faîtage et 8,87 mètres à l'égout du toit ; le bâtiment B est situé à l'arrière du bâtiment A et constitue un bâtiment de second rang, il doit ainsi être édifié sur les deux limites séparatives bilatérales : si sur la limite Sud, il doit s'adosser au bâtiment de l'ancien noviciat, en revanche, sur la limite Nord, il ne vient s'adosser à aucun bâtiment existant et devait donc respecter le point 2 de l'article 2.3.2, or, la hauteur sur cette limite est de 11,85 mètres au faîtage et 9,80 mètres à l'égout du toit ; si la société requérante fait valoir que le bâtiment s'adosse au mur de l'église de l'ancien noviciat, au sens du point 3 de l'article 2.3.2, et du bâtiment plus récent édifié, ces murs ne se situent pas sur le fond voisin mais sur le terrain d'assiette de la construction ;

- le permis méconnaît les articles 2.1.1 et 3D. 1 du chapitre 4 et l'article L. 632-1 du code du patrimoine qui prévoient la bonne insertion de la construction nouvelle dans le tissu existant, dont l'architecte des bâtiments de France, à travers son accord préalable, doit s'assurer du respect ; en l'espèce, le projet porte sur la construction d'un ensemble immobilier dans l'enceinte de l'église de l'ancien noviciat, qui implique la démolition partielle de certains des éléments de cet ensemble ; il est situé dans le patrimoine remarquable de Nancy ; si les bâtiments ont souffert de leur abandon, ils n'en constituent pas moins un haut lieu mémoriel de la ville et symbolisent de manière forte la ville de Charles III ; les nouveaux édifices n'ont pas été pensés comme un élément devant participer à la composition d'ensemble de leur ilot d'implantation ; tant les bâtiments de l'ancien noviciat que les immeubles environnants sont des constructions anciennes bâties en pierre apparentes ou enduites et couvertes de toits à pans ; les nouveaux immeubles projetés sont les seuls à être dotés d'ouvertures de tailles totalement disparates, métalliques et de couleur noire ;

- le permis méconnaît l'article 1.2 du chapitre 5 du règlement du PSMV, qui interdit toute nouvelle construction sur des terrains non desservis par des voies publiques ou privées soit directement, soit par l'intermédiaire d'une servitude de passage aménagée sur les fonds voisins, et prévoit que les voies doivent avoir des formes adaptées au passage des véhicules du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) ; ces dispositions concernent tant la desserte que l'accès ; le projet prévoit un unique accès piétonnier depuis la rue Saint-Dizier, par la porte d'accès à l'ancienne église, où un perron à double escalier serait aménagé ; si la rue Saint-Dizier dessert la construction et est utilisable par le SDIS, il n'en va pas de même pour le bâtiment B à l'arrière, nonobstant l'avis favorable du SDIS et de la commission de sécurité ; aucune autre voie ne dessert le terrain d'assiette et l'accès à l'immeuble B est obstrué par la façade de l'Eglise et le bâtiment A.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2024, la commune de Nancy, représentée par Me Luisin, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 juillet 2024 et le 29 novembre 2024, la société France Pierre Patrimoine, représentée par Me Givord, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association Mémoire de la ville de Charles III à lui verser une somme de 7 500 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'il n'est pas justifié de la qualité pour agir au nom de l'association ;

- la requête est également irrecevable du fait de l'irrecevabilité de la demande de première instance, l'association n'ayant pas joint l'attestation de déclaration en préfecture suite à la modification de ses statuts en février 2019 ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,

- et les observations de Mme A..., co-présidente de l'association Mémoire de la ville de Charles III, de Me Luisin pour la commune de Nancy et de Me Bretagnolle pour la société France Pierre Patrimoine.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 janvier 2022, le maire de la commune de Nancy a accordé à la société France Pierre Patrimoine, en vue de l'édification d'un immeuble de dix-sept logements et un local associatif répartis sur deux corps de bâtiments comportant trois niveaux, un permis de construire sur une parcelle située 163 rue Saint-Dizier, à l'emplacement de l'ancienne église Notre-Dame de Grâce du noviciat des Jésuites dont il reste des vestiges. L'association Mémoire de la ville de Charles III a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cet arrêté. Par la présente requête, elle relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme : " Un plan de sauvegarde et de mise en valeur peut être établi sur tout ou partie du site patrimonial remarquable créé en application du titre III du livre VI du code du patrimoine. Sur le périmètre qu'il recouvre, il tient lieu de plan local d'urbanisme. / (...) ". Aux termes du point 2.2.3. du chapitre 1 du règlement écrit du plan de sauvegarde et de mise en valeur des monuments historiques (PSMV), l' " emprise constructible maximale " est " représentée sur le PSMV par une trame de cercles rouges et l'indication du nombre de niveaux et du coefficient d'emprise au sol. Cette légende définit précisément les conditions de constructions dans des secteurs dans lesquels le règlement courant est inadapté. " L'emprise constructible maximale " est délimitée graphiquement et accompagnée d'indications concernant la volumétrie (nombre de niveaux admis pour chaque construction) et éventuellement, la densité avec la définition d'un coefficient d'emprise maximal au sol traduit en pourcentage. Il peut parfois être affiné par niveau ". La version applicable au projet du PSMV approuvée en décembre 2019 prévoit ainsi, au titre de " conditions particulières de constructibilité ", la création d'emprises constructibles maximales (ECM), qui se substituent à certaines règles courantes du plan dans les secteurs qu'elles concernent, dont le terrain d'assiette du projet en litige. En l'espèce, l'ECM affectant la parcelle d'assiette du projet prévoit que l'emprise au sol de l'immeuble à construire peut correspondre à 100 % du terrain concerné par l'ECM et que cet immeuble peut s'élever sur trois niveaux.

3. L'association requérante soutient que l'ECM instituée sur le terrain d'assiette du projet est illégale dès lors qu'elle est en contradiction avec les intentions des auteurs du PSMV telles qu'exprimées dans le rapport de présentation. Toutefois, si ce dernier, qui précise les objectifs et règles de délimitation des ECM, prévoit, à ce titre, qu'elles sont susceptibles de concerner des " espaces libres conséquents (vastes parcelles, cœurs d'îlots sous occupés ...) ou des secteurs dans lesquels un renouvellement urbain pourrait être envisagé, en s'affranchissant des règles courantes du PSMV pour favoriser une constructibilité plus importante, dans une logique d'insertion dans le tissu patrimonial existant ", il ne ressort pas des pièces du dossier que les auteurs du rapport aient entendu limiter ces ECM aux seuls espaces libres de toute construction ou aux espaces contenant des bâtiments appelés à être démolis dans une perspective de renouvellement urbain. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du PSMV en tant qu'il a délimité une ECM sur la parcelle située 163 rue Saint-Dizier doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code du patrimoine : " Sont classés au titre des sites patrimoniaux remarquables les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public (...) ". Le VI de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Sous réserve que la modification envisagée ne porte pas atteinte à son économie générale ou ne réduise pas un espace boisé classé, le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut être modifié par l'autorité administrative, à la demande ou après consultation de l'organe délibérant de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme ou de document en tenant lieu, après consultation de l'architecte des Bâtiments de France, après avis de la commission locale du site patrimonial remarquable et après enquête publique réalisée dans les formes prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement ". L'article R. 313-5 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur est établi conformément aux dispositions de la section 3 du chapitre Ier du titre V du livre Ier. (...) Il peut préciser les conditions dans lesquelles la démolition ou la modification des immeubles ou des parties intérieures ou extérieures d'immeubles est imposée à l'occasion d'opérations d'aménagement publiques ou privées, en application du 2° du III de l'article L. 313-1. Il peut en outre protéger les éléments d'architecture et de décoration, les immeubles par nature ou les effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, situés à l'extérieur ou à l'intérieur d'un immeuble. (...) ".

5. L'association requérante soutient que le règlement du PSMV, révisé en 2019, amoindrit la protection du patrimoine historique en tant qu'il a ouvert la possibilité de transformer certains immeubles historiques et qu'il a, notamment, classé une partie des vestiges de l'église de l'ancien noviciat des jésuites parmi les bâtiments de type B dont le réaménagement est autorisé sous conditions et institué dans l'emprise de ces vestiges une emprise maximale constructible. Toutefois, il n'est pas établi que, par ces modifications, dont il ressort des pièces du dossier qu'elles ont été inspirées par la volonté de remédier au caractère obsolète du précédent PSMV, qui ne correspondait plus aux modes de gestion et aux préoccupations actuelles, et ne prenait en compte ni le développement durable, ni la lutte contre l'étalement urbain, l'autorité administrative compétente aurait méconnu les objectifs de protection assignés au PSMV, ni que son économie générale en aurait été bouleversée. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les vestiges de l'ancienne église du noviciat des Jésuites sur lesquels prend appui le projet contesté relèvent de la catégorie d'immeubles de " type B ", qui, aux termes du point 2 de l'article 2.2 du chapitre 1 du PSMV comprend les constructions " dont le réaménagement, pouvant comporter des interventions sur la structure et/ou sur la répartition des volumes intérieurs existants, est autorisé sous conditions " et qui sont représentés par un aplat gris moyen dans le document graphique du PSMV. En vertu de ces dispositions, les immeubles de cette catégorie doivent être conservés mais " des modifications peuvent être admises si elles contribuent à une mise en valeur de l'immeuble ou de l'ensemble urbain dont il fait partie ". Ces modifications peuvent être soit des " modifications du volume extérieur, en s'attachant à conserver les principes d'organisation et de hiérarchisation des constructions sur l'entité parcellaire, c'est-à-dire conserver la volumétrie générale des constructions et l'expression typologique des façades tant en rythmes qu'en matériaux ", soit des " modifications intérieures, de manière à améliorer la fonctionnalité et l'accessibilité des locaux, en s'attachant à conserver les principes généraux de distributions horizontales et verticales, et autant que possible, les structures anciennes (cages d'escaliers, structure des planchers, des façades et des murs de refend) et les éléments de décor exceptionnels ". Par ailleurs, le point 2, portant " dispositions particulières concernant la hauteur admise ", de l'article 2.1 du chapitre 4 du règlement du PSMV prévoit à son paragraphe 3, relatif notamment aux immeubles ou parties d'immeubles à conserver au titre de leur intérêt patrimonial de types A et B, que : " La hauteur de ces constructions ne peut pas être modifiée sauf : / . s'il s'agit de rétablir la toiture suivant son volume d'origine ou un volume en cohérence avec l'époque et le style de la construction ; / . s'il figure sur le plan graphique du règlement, une indication de modification de la couverture (" M " de la légende). Dans ce cas, la modification peut être imposée à l'occasion d'une opération d'aménagement publique ou privée, conformément aux prescriptions définies dans la liste des " prescriptions particulières " annexées au règlement ".

7. Aux termes de l'article 1.2. du chapitre 1, relatif au contenu du règlement, aux règles et aux documents graphiques, du PSMV de la commune de Nancy adopté le 20 décembre 2019 : " (...) / En cas d'incohérence entre le présent règlement et le document graphique, c'est ce dernier qui prévaut. / (...) ". Le point 1 de l'article 2.1 du chapitre 4 dispose que : " Lorsque les dispositions inscrites au plan graphique du règlement ne sont pas conformes aux dispositions du présent article, elles prévalent sur ces dernières (...) " L'article 2.4, concernant spécifiquement l'implantation et l'emprise au sol des constructions sur des terrains concernés par une ECM, du chapitre 4 dispose que : " (...) Les dispositions des articles 2.1.1 et 2.1.2 précédents sont applicables dans l'ECM ".

8. Il résulte de ces dispositions combinées que, contrairement à ce que soutiennent la société France Pierre Patrimoine et la commune de Nancy, la délimitation par le document graphique sur une parcelle d'une ECM, assortie de la fixation d'un coefficient d'emprise au sol et de la fixation d'un nombre de niveaux, ne permet pas de s'affranchir de l'ensemble des règles du PSMV et que les projets doivent respecter les dispositions qui leur sont expressément applicables, comme en l'espèce celles du point 2 de l'article 2.1. du chapitre 4 du règlement du PSMV. La supériorité conférée au document graphique en vertu du point 1 de l'article 2.1 du chapitre 4 ne trouve ainsi à s'appliquer qu'en cas de non-conformité des règles prévues pour l'ECM par le plan graphique avec celles de l'article 2.1 du règlement.

9. En l'espèce, l'association soutient que les vestiges de l'église seront enchâssés dans un des bâtiments projetés et que les murs concernés seront masqués par les constructions nouvelles, ce qui ne permettra pas de conserver la hauteur existante ni la volumétrie. Toutefois, pour l'application des dispositions précitées du point 2 de l'article 2.2 du chapitre 1 et du point 2 de l'article 2.1 du chapitre 4 du règlement du PSMV, il y a lieu de considérer que la volumétrie et la hauteur à prendre en compte sont celles du bâtiment d'origine, et non celle des vestiges actuels. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande de permis de construire, que les murs seront conservés et restaurés et que le volume du projet sera en cohérence avec le style de l'époque et de la construction originelle. Il s'ensuit que, si les dispositions en cause des points 2 des articles 2.2 du chapitre 1 et 2.1 du chapitre 4 sont applicables aux ECM, leur méconnaissance n'est en l'espèce pas établie.

10. En quatrième lieu, aux termes du point 2, relatif aux hauteurs de constructions sur des terrains concernés par une ECM, de l'article 2.4 du même chapitre 4 : " Dans les Emprises Constructibles Maximales (ECM), les constructions nouvelles ne doivent pas dépasser les hauteurs indiquées sur le document graphique. Celles-ci sont définies par un nombre de niveaux (croquis illustratif 19). / Les dispositions des articles 2.3.2 et 2.3.3 précédents sont applicables dans l'emprise constructible maximale ". Aux termes du point 2 de l'article 2.3 du même chapitre relatif aux " Gabarit enveloppe et hauteur des constructions en intérieur de parcelle " : " 1. Hauteur des constructions implantées en retrait des limites séparatives - La hauteur des constructions autorisées en retrait des limites séparatives ne peut excéder : . 4,50 mètres dans le cas où la distance est comprise entre 3 et 6 mètres ; (...) 2. Hauteur des constructions implantées en limite séparative - Au-delà de l'emprise du bâtiment de premier rang, la hauteur totale des constructions y compris le couronnement, ne peut excéder 4,5 mètres. / 3. Hauteur des constructions en adossement à un volume bâti ou à un mur existant - Au droit d'un bâtiment ou d'un mur séparatif existant implanté en limite séparative sur le fond voisin (...), la construction peut être adossée aux héberges du bâtiment ou du mur séparatif. Ces héberges peuvent être dépassées : / . dans le cas où on s'adosse à une héberge de hauteur variable de 2,50 mètres en hauteur au maximum par rapport à l'héberge la plus basse ; / . au droit des courettes dont la largeur n'excède pas 4 mètres. / Lorsque la construction projetée en adossement présente en limite séparative un retrait partiel visant à prendre en compte les conditions de voisinage, la hauteur résultant des dispositions précédentes peut être maintenue : / . au droit d'une baie située en limite du terrain voisin ; / . au droit d'une courette voisine ouverte en limite séparative ".

11. Il est constant que les règles de hauteur prévues par ces dispositions, qui sont applicables aux ECM, ne sont pas respectées pour le bâtiment A dont la hauteur est de 10,35 mètres au faîtage et 8,87 mètres à l'égout du toit alors que, étant implanté à une distance comprise entre 3 et 6 mètres des limites séparatives, sa hauteur ne pouvait excéder 4,50 mètres. Elles ne le sont pas davantage pour le bâtiment B dont la hauteur au faîtage est de 11,85 mètres et 9,80 mètres à l'égout du toit, alors que, s'agissant d'un bâtiment de second rang, sa hauteur ne pouvait également excéder 4,50 mètres, l'exception prévue au point 3 ne trouvant par ailleurs pas à s'appliquer dès lors les murs existants sur lesquels la construction s'adosse ne se situent pas sur le fond voisin mais sur le terrain d'assiette de la construction.

12. Toutefois, ces règles de hauteur entrent en contradiction avec celles portées sur le document graphique pour l'ECM définie sur le terrain litigieux, qui prévoient une construction possible sur 3 niveaux (R+2), ainsi appelée à excéder nécessairement la hauteur de 4,50 mètres autrement applicable. Dans cette mesure, conformément à la règle de priorité susmentionnée prévues par les dispositions des articles 1.2 du chapitre 1 et du point 1 de l'article 2.1 du chapitre 4, il y a lieu de faire prévaloir les prescriptions du document graphique. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du point 2 de l'article 2.3 du chapitre 4 du règlement du PSMV doit, en l'espèce, être écarté comme inopérant.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 632-1 du code du patrimoine : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. Sont également soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des éléments d'architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, lorsque ces éléments, situés à l'extérieur ou à l'intérieur d'un immeuble, sont protégés par le plan de sauvegarde et de mise en valeur. (...) L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable. ". Le I de l'article L. 632-2 du code du patrimoine dispose que : " L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. À ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées, ou son avis pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine ". Aux termes du point 1 de l'article 2.1 du chapitre 4 du PSMV : " Dans un souci de respect de la morphologie du tissu urbain, la construction nouvelle doit assurer une bonne insertion dans le bâti environnant et ne doit pas porter atteinte à l'aspect du paysage urbain ". Aux termes de l'article 3 D du même chapitre : " 1. PRINCIPES DE CONSTRUCTION DE NOUVEAUX IMMEUBLES / Les interventions nouvelles doivent constituer l'une des strates de l'architecture de Nancy. Les nouveaux immeubles doivent être représentatifs des différents courants de la création architecturale d'aujourd'hui. Les constructions nouvelles doivent s'intégrer au tissu existant et aux ensembles urbains dans lesquels elles s'insèrent, en prenant en compte les particularités morphologiques et typologiques des quartiers (volumétrie, composition, rythmes, largeurs des parcelles en façade sur voies, reliefs, ...) ainsi que celles des façades (rythmes, échelles, ornementations, matériaux, couleurs, ...) et des couvertures existantes (toitures, terrasses, retraits, ...) / (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France (ABF), que l'état sanitaire du site est à ce jour très préoccupant et qu'un risque de perte patrimoniale est avéré sans intervention à très court terme. Or, le projet contesté conserve, en la restaurant, la façade de l'église Notre-Dame des Grâces située à l'alignement sur la rue Saint-Dizier et prévoit d'y adosser un escalier en pierre à l'emplacement de l'escalier d'origine disparu. De plus, les constructions doivent être réalisées sur les murs existants, qui seront conservés et restaurés. La notice architecturale prévoit par ailleurs expressément l'emploi de matériaux traditionnels, les toitures étant notamment réalisées avec des tuiles en terre cuite, à l'instar des immeubles voisins. Des purges et des arases ne sont prévues que dans la mesure nécessaire à la stabilité des éléments restants. Le projet prévoit en outre l'association de l'ABF à tous les stades de la mise en œuvre du projet, étant également précisé qu'il proposera sur l'ensemble du rez-de-chaussée du premier bâtiment un local dédié à la connaissance et au partage du patrimoine du lieu. Enfin, d'une part, l'immeuble ne sera pas visible depuis la rue Saint-Dizier, ni depuis le site de la congrégation de la Doctrine chrétienne voisine au Nord et, d'autre part, à l'Est du projet à l'arrière du bâtiment B, s'élève un établissement pour personnes âgées de construction récente qui ne reprend aucun des codes patrimoniaux.

15. Dans ces conditions et alors que les dispositions précitées du PSMV visant à assurer une bonne insertion du projet dans son environnement recherchent un équilibre entre le respect du patrimoine ancien existant et la promotion de courants architecturaux modernes, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'ABF et le maire de la commune de Nancy auraient entaché la délivrance du permis de construire litigieux d'une erreur d'appréciation au regard des articles 2.1.1 et 3 D 1 du chapitre 4 du règlement du PSMV et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 632-1 du code du patrimoine précités.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 1.2 de la section 1, consacrée aux dessertes par les voies publiques et privées , du chapitre 5 du PSMV de la commune de Nancy : " Toute nouvelle construction est interdite sur les terrains non desservis par des voies publiques ou privées soit directement, soit par l'intermédiaire d'une servitude de passage aménagé sur fonds voisins, dans les conditions répondant à l'importance et à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles à édifier, notamment en ce qui concerne la commodité de la circulation et des accès et l'approche des véhicules de sécurité. / Les voies doivent avoir des caractéristiques adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. Les dimensions, formes et caractéristiques techniques de ces voies doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles desservent / (...) ".

17. L'association requérante soutient que ces dispositions, qui concernent tant la desserte que l'accès des constructions en litige, sont méconnues dès lors que les services d'incendie et de secours n'y auront pas accès, notamment en ce qui concerne le bâtiment B, au sein duquel se trouverait la majorité des logements créés, qui est implanté à l'arrière et dont l'accès est obstrué par le bâtiment A. En effet, le projet prévoit un unique accès piétonnier depuis la rue Saint-Dizier, par la porte d'accès à l'ancienne église, où un perron à double escalier serait aménagé, sans accès pour les véhicules de secours.

18. Toutefois, il résulte des termes de l'article 1.2 du chapitre 5 du règlement précité que les prescriptions touchant à l'approche des véhicules de sécurité, notamment le matériel de lutte contre l'incendie, ne concernent que la desserte du terrain d'assiette, dont il est constant qu'elle est parfaitement assurée par la rue Saint-Dizier. Au surplus, il n'est pas établi, ni même allégué, que la règlementation relative à la protection contre l'incendie serait méconnue en l'espèce, tant pour ce qui concerne les bâtiments d'habitation que pour le local associatif dédié à la connaissance et au partage du patrimoine, s'agissant notamment de l'absence d'obligation de voie engins et de voie échelle, alors que tant le service départemental d'incendie et de secours que la commission de sécurité relative aux établissements recevant du public ont donné un avis favorable au projet. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 1.2 du chapitre 5 du règlement du PSMV doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que ; par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation du permis de construire délivré à la société France Pierre Patrimoine.

Sur les frais de l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Nancy et de la société France Pierre Patrimoine, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement de la somme que demande la requérante au titre des frais liés au litige.

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Mémoire de la ville de Charles III le versement à la société France Pierre Patrimoine de la somme sollicitée au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Mémoire de la ville de Charles III est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société France Pierre Patrimoine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Mémoire de la ville de Charles III, à la commune de Nancy et à la société France Pierre Patrimoine.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC03410 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03410
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : SELARL ADDEN AVOCATS NOUVELLE AQUITAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;23nc03410 ?
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