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30/06/2025 | FRANCE | N°24NC00010

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 30 juin 2025, 24NC00010


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 3 octobre 2023 par lesquels le préfet des Ardennes les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an.



Par un jugement n° 2302446-2302447 du 7 décembre 2023, le président du tribunal administratif de Châlon

s-en-Champagne a rejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour :



I. Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 3 octobre 2023 par lesquels le préfet des Ardennes les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 2302446-2302447 du 7 décembre 2023, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2024, sous le n° 24NC00010, Mme B..., représentée par Me Segaud-Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2023 par lequel le préfet des Ardennes l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il était titulaire d'une attestation de demandeur d'asile valable jusqu'au 20 décembre 2023 ; sa fille mineure était également titulaire d'une telle attestation valable jusqu'au 17 avril 2024 ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II. Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2024, sous le n° 24NC00011, M. A..., représenté par Me Segaud-Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2023 par lequel le préfet des Ardennes l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il invoque les mêmes moyens que son épouse.

Le préfet des Ardennes n'a produit dans aucune de ces instances.

M. A... et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 16 janvier 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes enregistrées sous les n° 24NC00010 et 24NC00011 sont relatives à la situation d'un couple au regard de son droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. M. A... et Mme B..., ressortissants maliens nés respectivement en 1981 et 1997, déclarent être entrés en France le 31 juillet 2022. Ils y ont sollicité l'octroi du statut de réfugiés et leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 novembre 2022, confirmées par des arrêts du 29 septembre 2023 de la Cour nationale du droit d'asile. Par des arrêtés du 3 octobre 2023, le préfet des Ardennes les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé leur pays de destination et leur a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement du 7 décembre 2023, dont les intéressés relèvent appel, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

3. En premier lieu, il ressort des mentions des arrêtés en litige qu'ils comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, alors que le préfet n'est pas tenu de mentionner tous les éléments relatifs à la situation de l'étranger. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions en litige doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Selon l'article L. 542-3 de ce code : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2. ".

5. En l'espèce, il ressort des pièces des dossiers que les demandes d'asile des intéressés ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 novembre 2022, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile lues en audience publique le 29 septembre 2023. Ainsi, à la date d'édiction des arrêtés en litige le 3 octobre 2023, le droit au maintien sur le territoire français de M. A... et Mme B... avait pris fin, de sorte que l'article 1er de ces arrêtés a valablement pu abroger les attestations de demandeur d'asile dont les requérants étaient titulaires. La circonstance que leur fille mineure ait déposé une demande d'asile, rattachée à celle de sa mère, et soit titulaire d'une attestation de demandeur d'asile délivrée le 18 octobre 2023, postérieurement à l'édiction des décisions contestées, est sans incidence sur leur légalité. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces dispositions ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.

7. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France des intéressés est très récent et qu'ils n'y justifient d'aucune attache en-dehors de leur cellule familiale, alors qu'ils n'établissent ni même n'allèguent être dépourvus de liens dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Ils ne justifient pas davantage de leur intégration sur le territoire français. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés en litige ont porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Les arrêtés attaqués n'ont ni pour objet, ni pour effet de séparer de ses parents la fille des requérants, âgée de seulement quelques mois à la date d'édiction de ces arrêtés. Si les requérants soutiennent que cette enfant encoure des risques d'excision en cas de retour au Mali, ils n'assortissent cette allégation d'aucun élément justificatif, alors au demeurant qu'ils n'ont pas fait état de cette crainte devant la Cour nationale du droit d'asile, laquelle a pourtant statué sur leur demande postérieurement à la naissance de leur fille. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit ainsi être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 décembre 2023, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés attaqués. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. A... et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 24NC00010, 24NC00011 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00010
Date de la décision : 30/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : SEGAUD JULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-30;24nc00010 ?
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