Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2302037 du 12 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Wassermann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2023 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; il est insuffisamment motivé et entaché d'omission à statuer sur l'erreur de droit tirée de l'application de l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne représente pas une menace à l'ordre public ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne présente aucun risque de fuite ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 2002, est entré en France, selon ses déclarations, le 20 août 2018 et a été confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE). En 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant a été condamné, le 7 juin 2021 par un jugement du tribunal correctionnel de Metz, à une peine de 6 mois d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire d'une durée de deux ans pour des faits de violences avec usage d'une arme et menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis le 1er mai 2021. Par un arrêté du 7 juin 2021, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le recours formé contre ces décisions a été rejeté par des jugements du tribunal administratif de Strasbourg des 13 septembre 2021 et 28 septembre 2021. L'intéressé a de nouveau sollicité un titre de séjour le 5 novembre 2021, sur le fondement des articles L. 435-3 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le 26 avril 2022 pour soins. Le préfet a refusé d'enregistrer cette dernière demande faute d'élément nouveau au regard de sa précédente demande. M. A... a de nouveau sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel le 2 novembre 2022. Le requérant a été interpellé et placé en garde à vue le 5 juillet 2023 pour des faits de violences volontaires sur mineur de moins de quinze ans suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours. Par un arrêté du 6 juillet 2023, le préfet de Moselle a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 12 juillet 2023, dont l'intéressé relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il résulte des motifs mêmes du jugement que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait être fondée sur le 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en indiquant que les demandes de titre de séjour effectuées les 5 novembre 2021, 26 avril 2022 et 22 novembre 2022 étaient réputées implicitement rejetées et que l'intéressé entrait dès lors dans le champ du 3°, alors en outre que la décision est également fondée sur le 5° qui suffit à la justifier. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments venant au soutien d'un moyen, a suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur de droit.
Sur la légalité des décisions contestées :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ;(...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;(...) ".
5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dès lors que les demandes de titres de séjour effectuées par l'intéressé avaient été implicitement rejetées faute de décision expresse dans un délai de 4 mois à compter leur réception, l'intéressé pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de sa garde à vue en date du 6 juillet 2023 qu'il a reconnu les faits d'agression commis le 5 juillet 2023 envers deux mineures. Par suite et alors qu'il avait déjà été condamné le 7 juin 2021 par un jugement du tribunal correctionnel de Metz à une peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence avec usage d'une arme et menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis le 1er mai 2021, le préfet pouvait fonder également la décision d'éloignement sur les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-1 du même code, qui suffisaient d'ailleurs à la justifier. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces dispositions ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.
7. Le requérant, présent en France depuis environ cinq ans, est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français. La seule circonstance qu'il ait effectué des contrats d'apprentissage en boulangerie et que ses employeurs se soient montrés satisfaits de ses prestations ne suffit pas à justifier de la qualité de son intégration, compte-tenu notamment de la menace à l'ordre public qu'il représente. M. A... n'établit par ailleurs pas avoir rompu ses liens avec son pays d'origine et il ne démontre pas l'intensité des liens qu'il aurait noués en France. Ainsi et eu égard de surcroît aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet de la Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts(...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, de son procès-verbal d'audition par les services de police, que M. A... a explicitement exprimé sa volonté de rester en France, s'est volontairement soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et, nonobstant la présentation d'une carte d'identité consulaire guinéenne, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Il suit de là que c'est sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, que le préfet de Moselle a pu, considérer que le risque qu'il se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français était établi, en application des dispositions de l'article L. 612-3 du code précité et a pu légalement refuser d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire sur le fondement du 3° de l'article L. 612-2 du même code.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
11. Si M. A... soutient qu'en cas de retour en Guinée, il serait exposé à des traitements contraires à ces stipulations en raison de son homosexualité, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques allégués, alors d'ailleurs qu'il ne justifie pas avoir effectué des démarches pour solliciter l'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Moselle.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 23NC02493 2