Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2203432 du 3 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Thalinger, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 du préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est recevable ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'incompétence ;
- elle a été prise sans examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet ne pouvait lui refuser tout délai de départ volontaire sans méconnaître l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
Sur la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, l'autorité parentale ne lui ayant pas été retirée ;
- elle méconnaît les dispositions combinées des articles L. 251-1, L. 251-4 et L. 251-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Wurtz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1975, de nationalité italienne, a, par un arrêté du préfet du Haut-Rhin du 11 mai 2022, fait l'objet d'une obligation de quitter sans délai le territoire français, assortie de la fixation du pays de destination et d'une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté par un jugement du 3 juin 2022, dont M. A... relève appel.
Sur l'arrêté en litige :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance, tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 2 de son jugement.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a, avant de prendre la décision en litige, examiné la situation particulière de M. A.... Le moyen tiré de l'absence d'un tel examen ne peut, par suite, qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné, le 3 novembre 2010, à une peine d'emprisonnement de trois mois pour outrage à agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs et pour rébellion, le 6 décembre 2011, à une peine d'emprisonnement de 3 mois avec sursis pour violence par une personne en état d'ivresse manifeste suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, le 3 juin 2019, à une peine d'emprisonnement de huit mois dont quatre mois avec sursis pour menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un chargé de mission de service public, le 29 avril 2021, à une peine d'emprisonnement d'un an pour violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, pour violence avec usage ou menace d'une arme et en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et pour violence commise en réunion sans incapacité, le 2 juillet 2021, à une peine d'emprisonnement d'un an dont six mois avec sursis probatoire pour violence par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité dans un lieu destiné à l'accès à un transport collectif de voyageurs suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. Si M. A... soutient que ses enfants résident sur le territoire français et que la décision en litige fait obstacle à ce qu'il puisse maintenir ou solliciter un droit de garde à leur égard, il n'établit ni même n'allègue avoir conservé des relations suivies avec eux, alors qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des jugements des 7 avril 2017 et 12 avril 2019 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Colmar et du jugement du 27 avril 2022 du juge des enfants du tribunal judiciaire de Colmar que l'autorité parentale a été attribuée exclusivement à la mère de ses deux enfants mineurs, de nationalité française, que ceux-ci sont confiés au service de l'aide sociale à l'enfance depuis les mois qui ont suivi leur naissance et qu'ils présentent des troubles graves du comportement et des signes de souffrance psychique résultant des carences éducatives de leurs deux parents, des violences physiques que M. A... exerçait sur leur mère et de sa violence verbale à leur encontre. Enfin, l'intéressé ne justifie ni de la continuité de sa résidence habituelle en France, ni d'aucune activité professionnelle. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, la décision faisant à M. A... obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de ce qu'elle violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
6. Aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. / L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel ".
7. Pour motiver la décision refusant à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet s'est borné, dans son arrêté attaqué, à se référer aux raisons pour lesquelles il a estimé que l'intéressé pouvait, en vertu tant du 1° que du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, sans préciser, notamment, s'il a estimé que le refus d'un délai de départ volontaire répondait à un cas d'urgence. La décision refusant un délai de départ volontaire est ainsi insuffisamment motivée.
En ce qui concerne la décision interdisant pendant deux ans la circulation sur le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ". L'article L. 251-6 du même code dispose que sont applicables à l'interdiction de circulation sur le territoire français les dispositions du sixième alinéa de l'article L. 251-1, aux termes desquelles : " L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. "
9. Il ressort de l'arrêté en litige que le préfet a omis de mentionner la durée de la présence de M. A... en France, qui constituait un élément important de sa situation. La décision portant interdiction de circulation sur le territoire français est, dès lors, insuffisamment motivée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation des décisions lui refusant tout délai de départ volontaire et lui interdisant de circuler sur le territoire français. Ces décisions doivent, par suite, être annulées sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à leur encontre.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
11. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. A... tendant à ce que soit édictée une injonction et à ce qu'elle soit assortie d'une astreinte ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais du litige :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer la somme demandée par M. A... au titre de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les décisions du 11 mai 2022 refusant tout délai de départ volontaire à M. A... et lui interdisant de circuler sur le territoire français sont annulées.
Article 2 : Le jugement du 3 juin 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Thalinger et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : Ch. WURTZ
La présidente-assesseure,
Signé : S. BAUERLe greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
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N° 23NC01814