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13/05/2025 | FRANCE | N°24NC01169

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 13 mai 2025, 24NC01169


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 août 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin, au 109 avenue de la 1ère division blindée à Mulhouse, pendant une durée de quarante-cinq jours, en lui prescrivant de se présenter chaque semaine, le lundi, entre 9 h et 11 h 30 mn, aux services de la direction départementale de la police aux frontières de Mulhouse et d'être prése

nt à cette adresse du mardi au vendredi de 9 h à 11 h.



Par un jugement n° 2305907 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 août 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin, au 109 avenue de la 1ère division blindée à Mulhouse, pendant une durée de quarante-cinq jours, en lui prescrivant de se présenter chaque semaine, le lundi, entre 9 h et 11 h 30 mn, aux services de la direction départementale de la police aux frontières de Mulhouse et d'être présent à cette adresse du mardi au vendredi de 9 h à 11 h.

Par un jugement n° 2305907 du 4 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2024, M. C... A..., représenté par Me Pialat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 septembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 août 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- il n'existe pas de perspective d'éloignement ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu ;

- l'article 2 du protocole n° 4 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 1er février 2024, la présidente du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 février 2023, le préfet du Haut-Rhin a fait obligation à M. B..., ressortissant libanais né en 1981, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 4 septembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 août 2023 par lequel ce préfet l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin, au 109 avenue de la 1ère division blindée à Mulhouse, pendant une durée de quarante-cinq jours, en lui prescrivant de se présenter chaque semaine, le lundi, entre 9 h et 11 h 30 mn, aux services de la direction départementale de la police aux frontières de Mulhouse et d'être présent à cette adresse du mardi au vendredi de 9 h à 11 h.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'a pas satisfait à son obligation d'exécuter la décision d'éloignement dont il fait l'objet, l'autorité administrative peut prendre les décisions prévues aux titres III et IV, nécessaires à l'exécution d'office des décisions d'éloignement, sous réserve de ne procéder à l'éloignement effectif que dans les conditions prévues aux articles L. 722-7 à L. 722-10. ". Les mesures d'assignation à résidence, prévues à ce titre III, sont au nombre de celles que le préfet peut décider lorsque l'étranger n'a pas satisfait à son obligation d'exécuter la décision d'éloignement dont il fait l'objet.

3. Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ". L'article L. 733-1 du même code dispose : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / Il se présente également, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. ". Selon l'article L. 733-2 de ce code : " L'autorité administrative peut, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. / (...) ". Aux termes de l'article R. 733-1 : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ".

5. Si le requérant allègue être entré en France au mois de janvier 2020 et non au mois de juillet 2021, le moyen tiré de cette circonstance est sans influence sur l'appréciation de la légalité de l'arrêté contesté l'assignant à résidence.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Au 17 août 2023, ce délai est expiré, M. A... n'ayant pas satisfait à son obligation d'exécuter cette décision d'éloignement, prise moins d'un an auparavant. Le requérant n'allègue pas pouvoir quitter immédiatement le territoire français dès le 17 août 2023. En outre, son identité et sa nationalité libanaise sont établies. Il est détenteur d'un passeport libanais ordinaire en cours de validité et ne conteste pas être également titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes, non plus que disposer d'un domicile personnel et stable à Mulhouse. Dans ces conditions, c'est par une exacte application du premier alinéa de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Haut-Rhin a estimé, le 17 août 2023, qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement. Si, néanmoins, M. A... le conteste, il n'apporte toutefois au soutien de cette affirmation aucun élément matériel propre à justifier de l'absence d'une telle perspective raisonnable.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie d'aucun lien personnel de nature privée ou familiale particulier sur le territoire français, alors que son épouse et leurs trois enfants résident au Liban. Faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dont le délai de départ volontaire est expiré et dont il n'a pas respecté l'obligation de l'exécuter, il ne saurait valablement, au titre de la vie privée et familiale, se prévaloir de ce qu'il a travaillé en France pendant onze mois entre juillet 2021 et février 2023. Il ne saurait davantage utilement se prévaloir, à l'encontre de la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre le 17 août 2023, des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, en assignant M. A... à résidence pendant quarante-cinq jours, comme en assortissant cette assignation d'une obligation de se présenter une fois par semaine auprès de la police aux frontières et de demeurer à son domicile à Mulhouse du mardi au vendredi chaque jour de 9 h à 11 h, le préfet du Haut-Rhin n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but dans lequel a été pris l'arrêté contesté, qui est de s'assurer de sa personne en vue, le cas échéant, de permettre l'exécution d'office de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Il en résulte que l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Aux termes de l'article 2, relatif à la liberté de circulation, du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence. / 2. Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien. / 3. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l'ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. / 4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l'objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l'intérêt public dans une société démocratique. ".

9. M. A..., qui ne se trouve pas régulièrement sur le territoire français, ne saurait dès lors utilement se prévaloir des stipulations des paragraphes 1 et 4 de l'article 2 précité. Il est libre de quitter le territoire français et en a, d'ailleurs, l'obligation, la liberté de quitter n'importe quel pays n'ayant pas pour corollaire, s'agissant d'un pays autre que celui dont le requérant est le ressortissant, le droit de s'y maintenir irrégulièrement en dépit d'un ordre de le quitter. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

10. L'assignation à résidence prévue par l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une mesure alternative au placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Elle a pour objet de permettre de mettre à exécution une mesure d'éloignement et son propos même est, à cet effet, de limiter la liberté d'aller et venir de l'étranger en faisant l'objet. Les modalités de contrôle de la mesure d'assignation à résidence, quelles qu'elles soient, doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent et ne sauraient, sous le contrôle du juge administratif, porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir.

11. Si le requérant constate que l'assignation à résidence qu'il conteste, d'une durée d'ailleurs limitée à quarante-cinq jours, porte atteinte à sa liberté d'aller et venir, il ne justifie toutefois d'aucune impossibilité concrète de se présenter une fois par semaine aux services de la police aux frontières à Mulhouse, comme de demeurer à son domicile dans cette localité de 9 h à 11 h du mardi au vendredi. Contrairement à ce qu'il fait valoir, ces modalités de contrôle, destinées à permettre de s'assurer du respect de l'assignation à résidence comme de prévenir ou limiter le risque de soustraction à une éventuelle exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, c'est-à-dire le risque de fuite, sont nécessaires, adaptées et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent.

12. Si M. A... fait valoir ne pas représenter une menace pour l'ordre public, la circonstance ainsi alléguée est sans influence sur la mesure d'assignation à résidence contestée et les modalités de contrôle dont elle est assortie, l'intervention de l'une comme la définition des autres n'étant pas subordonnées à la condition que la présence de l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français représente une menace pour l'ordre public.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Clément Pialat.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 24NC01169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC01169
Date de la décision : 13/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : PIALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-13;24nc01169 ?
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