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22/04/2025 | FRANCE | N°21NC01359

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 22 avril 2025, 21NC01359


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 mai 2021, le 8 juillet 2021, le 7 mars 2022, le 12 octobre 2022 et le 23 décembre 2022, la société Croix Aux Bois Développement, représentée par Me Dutoit, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le maire de la commune de Creutzwald a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;



2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de rendr

e un avis favorable, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 mai 2021, le 8 juillet 2021, le 7 mars 2022, le 12 octobre 2022 et le 23 décembre 2022, la société Croix Aux Bois Développement, représentée par Me Dutoit, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le maire de la commune de Creutzwald a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de rendre un avis favorable, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre à la commune de Creutzwald de se ressaisir de la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

4°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté attaqué n'est pas régulièrement motivé ;

- la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial est irrégulière, faute que soit démontré que ses membres ont été régulièrement convoqués ;

- les motifs de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 4 février 2021 sont entachés d'erreurs d'appréciation des critères fixés par les articles L. 752-6 et suivants du code de commerce ;

- il n'existe aucune obligation de désigner les enseignes ;

- le dossier de demande mentionne les enseignes pour plus de la moitié des surfaces de ventes projetées ;

- l'absence d'incidences négatives du projet sur les commerces de centre-ville n'est pas une condition de délivrance de l'autorisation d'exploitation commerciale ;

- le projet est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Val-de-Rosselle ;

- il est compatible avec les documents d'urbanisme et de planification ;

- une charte a été signée avec l'association des commerçants et artisans de Creutzwald ;

- la commune de Saint-Avold ne fait pas l'objet d'une opération de revitalisation de territoire ;

- le projet est de nature à lutter contre une évasion de la clientèle vers d'autres pôles commerciaux plus lointains, notamment au Luxembourg et en Allemagne, ainsi que renforcer un pôle commercial existant ;

- le motif tiré de l'absence de desserte par les modes de transport alternatifs à la voiture n'est jamais à lui seul de nature à fonder un refus de la Commission nationale d'aménagement commercial ;

- le projet sera desservi par deux lignes de bus ;

- le projet permet de requalifier une friche artisanale, comportant des espaces verts laissés à l'abandon sur lesquels s'est développée une végétation anarchique, et comporte des places de stationnement perméables, des dispositifs d'économie d'énergie, un recours aux énergies renouvelables et des toitures végétalisées ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet réduirait de 14 745 m2 les espaces verts ;

- les dispositions de la loi ELAN relatives à l'impact des projets sur les centres-villes, n'ont pas vocation à davantage empêcher la délivrance des autorisations d'exploitation commerciale ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 juillet 2021, le 2 septembre 2021, le 28 juillet 2022 et le 2 décembre 2022, la commune de Creutzwald, représentée par la SCP Seyve-Lorrain-Robin, conclut d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer à nouveau sur le projet de la société Croix Aux Bois Développement.

Elle soutient que :

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial lui faisait obligation de refuser le permis de construire demandé ;

- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée est inopérant et, en outre, manque en fait ;

- la décision attaquée est régulièrement motivée ;

- elle avait voté en faveur du projet lors de la réunion de la commission départementale d'aménagement commercial.

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2022, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2022, la société Auchan Supermarché, représentée par la SAS Wilhelm et Associés, conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions à fin d'injonction tendant à l'émission d'un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial, et ce que soit mis à la charge de la société Croix Aux Bois Développement le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 25 novembre 2022, la société Auchan Supermarché conclut à ce qu'il soit donné acte du désistement de ses conclusions et au rejet des conclusions présentées par la société Croix Aux Bois Développement et la commune de Creutzwald au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Durup de Baleine,

- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,

- les observations de Me Dutoit, avocat de la société Croix Aux Bois Développement, et les observations de Me Seyve, avocat de la commune de Creutzwald.

Une note en délibéré, enregistrée le 19 mars 2025, a été présentée par la société Croix Aux Bois Développement.

Considérant ce qui suit :

1. Le 31 juillet 2020, la société Croix Aux Bois Développement a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la réalisation, sur un terrain d'une superficie de 25 045 m2 situé rue de Saint-Denis et rue de Saint-Omer à Creutzwald, dans le parc d'activités Sud, d'un ensemble commercial comportant trois bâtiments regroupant neuf cellules commerciales d'une surface de vente de 6 757 m2, dont deux cellules de commerce alimentaire de surfaces de vente de 397 m2 et 743 m2 et sept cellules de commerce non alimentaire de surfaces de vente de 381 m2, 430 m2, 1 100 m2, 1 990 m2, 563 m2, 584 m2 et 569 m2. La Commission départementale d'aménagement commercial de la Moselle a, le 3 novembre 2020, émis un avis favorable à ce projet. Toutefois, saisie des recours présentés par les sociétés Auchan Supermarché, Cora, Fondaly Immobilier et Sodithis, la Commission nationale d'aménagement commercial a, le 4 février 2021, émis un avis défavorable au projet. La société Croix Aux Bois Développement demande l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le maire de la commune de Creutzwald a refusé de lui délivrer ce permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

Sur le désistement de la société Auchan Supermarché :

2. Le désistement de ses conclusions par la société Auchan Supermarché est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 10 mars 2021 :

3. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...) / ". Aux termes de l'article L. 424-5 du même code : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-22-1 de ce code : " Lorsque le projet a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-4 du code de commerce, le permis de construire ne peut être délivré en cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. ".

4. Il résulte des dispositions de l'article R. 425-22-1 du code de l'urbanisme que, dès lors que la Commission nationale d'aménagement commercial avait émis un avis défavorable au projet de la société requérante, la commune de Creutzwald était tenue de refuser le permis de construire sollicité. Dès lors, la société requérante ne saurait utilement soutenir que l'arrêté du 10 mars 2021 ne serait pas régulièrement motivé. Il ne saurait davantage être utilement soutenu que cet arrêté aurait été signé par une autorité incompétente à cet effet.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 10 mars 2021 :

S'agissant de la régularité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 4 février 2021 :

5. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que chacun des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial a, le 19 janvier 2021, cinq jours au moins avant le 4 février 2021, reçu l'ordre du jour de la réunion du 4 février 2021 ainsi que, pour le dossier de la société requérante, les documents mentionnés aux 1° à 4° de l'article R. 752-35 du code de commerce, documents disponibles sur une plateforme de téléchargement. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

S'agissant du bien-fondé de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 4 février 2021 :

7. Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 2073 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. ".

8. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. / III.-La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. / IV.-Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé. ".

9. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

10. Pour émettre le 4 février 2021 l'avis défavorable contesté, la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que le projet ne répond pas aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet d'ensemble commercial en l'espèce en cause est localisé à environ 2, 5 km du centre-ville de Creutzwald, ainsi qu'à environ 0,4 km et 1, 2 km des quartiers d'habitation les plus proches. Il ne présente ainsi pas d'intégration urbaine. En outre, le parc d'activités Sud de Creutzwald ne comporte qu'un seul arrêt d'autobus, toutefois localisé à plus de 500 m du projet et desservi par deux lignes selon des fréquences quotidiennes, très faibles, d'un autobus ou de six autobus. Dès lors, le projet n'est, en fait, pas accessible par les transports collectifs. Il ne l'est, concrètement, pas davantage de manière piétonne ou au moyen de voies ou pistes cyclables et n'est, par suite, pas accessible par des modes de transport " doux ". Il en résulte que, compte tenu de sa localisation, le projet compromet la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire résultant du a) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce. Il ne satisfait pas non plus, en matière de protection des consommateurs, à l'objectif d'accessibilité résultant du a) du 3° du même I.

12. En deuxième lieu, si l'avis du 4 février 2021 énonce que la réalisation d'un ensemble commercial de neuf cellules, en périphérie de Creutzwald, sans qu'une seule enseigne ne soit encore connue, ne permet pas d'évaluer avec précision les risques que le projet fera courir sur les commerces des centres-villes de Creutzwald et des autres communes de la zone de chalandise, la Commission nationale d'aménagement commercial ne s'est pas pour autant fondée sur la méconnaissance d'une obligation pour le pétitionnaire d'énumérer les enseignes retenues.

13. En troisième lieu, les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

14. L'avis du 4 février 2021 ne subordonne pas la délivrance de l'autorisation commerciale à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes mentionnés au e) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce. En revanche, la Commission nationale d'aménagement commercial a pu légalement, ainsi qu'il lui appartenait de le faire, prendre en considération le critère de la contribution d'un projet d'aménagement commercial à la préservation ou à la revitalisation de ce tissu commercial, comme, au regard des a) et b) du 3° de ce I, celui de sa contribution à la protection des consommateurs.

15. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet est prévu dans une zone périphérique éloignée du centre-ville de Creutzwald comme d'un autre centre-ville. La zone de chalandise couvre 67 communes et sa population, de 97 266 habitants en 2008, est de 95 245 habitants en 2018, en baisse de 2, 1 %. Dans cette zone, le taux de vacance commerciale du centre-ville de Creutzwald s'élève à 14, 8 % et celui du centre-ville de Saint-Avold, à onze kilomètres, s'élève à 20,7 %. Le projet de la société requérante, quand bien même il serait susceptible de concourir à limiter l'évasion commerciale, importante, vers l'Allemagne et qu'une charte a été conclue entre la société requérante et une association de commerçants et artisans de Creutzwald, ne contribue pas à la préservation ou à la revitalisation du centre-ville de Creutzwald ou de communes limitrophes. Dès lors, la Commission nationale d'aménagement commercial ne s'est pas livrée sur ce point à une inexacte application des 1° et 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

16. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le site du projet est une friche artisanale, dépourvue d'intérêt écologique ou paysager particulier. Le terrain, qui comporte trois bâtiments, n'est pas vierge de constructions. Le projet comporte des dispositifs d'économie d'énergie, de production d'énergie renouvelable et de gestion des eaux pluviales. Il s'accompagne de l'aménagement de 200 places de stationnement perméables sur 215, de la plantation de 106 arbres et de la végétalisation de 2 816 m2 en toiture, la surface d'espaces verts au sol couvrant près de 20 % du terrain d'assiette. Compte tenu de ces éléments, la Commission nationale d'aménagement commercial, en se bornant, pour estimer que le projet ne répond pas au critère de développement durable prévu au 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, à constater que le projet, réduisant les espaces verts de 14 745 m2, conduit à une imperméabilisation importante du terrain, sans caractériser en quoi une telle imperméabilisation est, en l'espèce, de nature à priver ce projet d'une qualité environnementale suffisante, ne s'est pas livrée à une exacte application de ce 2°.

17. En sixième lieu, il résulte toutefois de l'instruction que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait rendu le même avis en se fondant sur les motifs dont résulte que le projet est de nature à compromettre les objectifs d'aménagement du territoire et de protection des consommateurs, motifs propres à justifier légalement cet avis du 4 février 2021.

18. Il résulte de ce qui précède que la société Croix Aux Bois Développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son avis du 4 février 2021, la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploitation commerciale. Dès lors, elle n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Creutzwald du 10 mars 2021. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, il ne saurait être fait droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par cette société ainsi que par la commune de Creutzwald.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement à la société Croix Aux Bois Développement d'une somme à ce titre. Il n'y a, dans les circonstances de l'espèce, pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Creutzwald.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions présentées par la société Auchan Supermarché.

Article 2 : La requête de la société Croix Aux Bois Développement est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Creutzwald à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Croix Aux Bois Développement, à la commune de Creutzwald, à la société Auchan Supermarché et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025.

Le président,

Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et des finances en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 21NC01359


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01359
Date de la décision : 22/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : WILHELM & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-22;21nc01359 ?
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