Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2306970 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2024 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assignée à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2400676 du 19 février 2024 la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023 sous le n° 23NC03711, Mme B... A..., représentée par Me Kilinç, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 3 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 60 de la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 6 mars 2024 sous le n° 24NC00553, Mme B... A..., représentée par Me Kilinç, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 19 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 25 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui restituer son passeport ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière ;
- l'obligation de pointage qui lui est imposée excède ce qui est nécessaire et adapté à la nature et à l'objet de cette mesure et est ainsi entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 16 janvier 2024 et du 16 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul le 7 avril 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthou,
- et les observations de Me Kilinç pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 27 janvier 1965, de nationalité turque, entrée en France en septembre 2021, a sollicité le 24 avril 2023 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 3 juillet 2023, le préfet du Haut-Rhin lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du 25 janvier 2024, le préfet du Haut-Rhin l'a assignée à résidence. Par les présentes requêtes, elle relève appel du jugement du 6 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2023, ainsi que du jugement du 19 février 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2024.
2. Les requêtes n° 23NC03711 et 24NC00553 présentées pour Mme A... portent sur des décisions relatives à la même étrangère et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 3 juillet 2023 :
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme A... fait valoir qu'elle réside depuis plus de deux ans en France chez son fils de nationalité française présent en France depuis plus de vingt ans, que sa fille réside en France sous couvert d'une carte de résident, qu'un autre de ses enfants vit également en France sous couvert d'un titre de séjour et qu'elle est en contact permanent avec ses enfants et petits-enfants. Elle se borne toutefois à produire au dossier des attestations de ses enfants sans aucun élément de nature à établir une quelconque intensité des liens privés et familiaux qu'elle aurait tissés en France, ainsi que son insertion dans la société française. Elle n'établit par ailleurs pas ne plus disposer d'attaches dans son pays d'origine où réside une partie de sa famille, notamment ses frères et soeurs. Au demeurant son quatrième fils est présent en France de manière irrégulière. Dans ces circonstances, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Haut-Rhin a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a pris le refus de séjour en litige. Par suite, l'arrêté contesté ne méconnaît ni les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En deuxième lieu aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
6. Si Mme A... soutient avoir été victime de violences conjugales en Turquie de la part de son ancien mari décédé à la date de la décision attaquée, cette seule circonstance, au demeurant très faiblement étayée par les seuls témoignages de ses enfants, ne suffit pas, par elle-même, à caractériser l'existence de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées. Eu égard également aux circonstances qui ont été analysées au point 4 du présent arrêt, il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
7. En troisième et dernier lieu, les stipulations de l'article 60 de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 7 avril 2011 et ratifiée par la France, ne sont pas d'effet direct et ne peuvent dès lors être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision individuelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 3 juillet 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 25 janvier 2024 :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".
10. L'arrêté attaqué vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 730-1 et L. 731-1 1° et précise les considérations de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé.
11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin a procédé à un examen de la situation particulière de Mme A... avant de l'assigner à résidence.
12. En troisième lieu, l'assignation à résidence litigieuse prescrit que Mme A... doit se présenter tous les lundis matin entre 9 heures et 11 heures 30 à la direction départementale de la police aux frontières de Mulhouse. L'intéressée se prévaut d'un certificat médical, au demeurant très peu circonstancié, indiquant que son état ne lui permet pas de se déplacer et allègue, sans l'établir, que ses enfants ne peuvent la conduire aux heures ainsi prescrites. Toutefois, son obligation de pointage ne lui impose qu'un déplacement par semaine et son lieu d'habitation n'est distant que d'un peu plus de cinq kilomètres du lieu de pointage. Par suite, une telle obligation ne constitue pas une mesure disproportionnée par rapport au but poursuivi par cette décision qui tend à assurer l'exécution de la décision d'éloignement. Le moyen doit donc être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin 25 janvier 2024, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC03711, 24NC00553 2