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24/03/2025 | FRANCE | N°25NC00482

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, Juge des référés, 24 mars 2025, 25NC00482


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 février 2025 et le 17 mars 2025, la société Les Orles de la Tomelle, représentée par Me Guiheux, demande au juge des référés :



1°) d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de la décision du préfet des Ardennes du 19 décembre 2024 rejetant sa demande tendant à proroger l'arrêté complémentaire du 5 janvier 2022 modifiant les conditions d'exploitation du Parc éolien composé de cinq aé

rogénérateurs et un poste de livraison, ensemble la décision du 5 février 2025 rejetant son rec...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 février 2025 et le 17 mars 2025, la société Les Orles de la Tomelle, représentée par Me Guiheux, demande au juge des référés :

1°) d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de la décision du préfet des Ardennes du 19 décembre 2024 rejetant sa demande tendant à proroger l'arrêté complémentaire du 5 janvier 2022 modifiant les conditions d'exploitation du Parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison, ensemble la décision du 5 février 2025 rejetant son recours gracieux ;

2°) de lui accorder le bénéfice de la prorogation sollicitée le 3 juillet 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition relative à l'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution des décisions litigieuses implique que la requérante ne disposerait plus d'une autorisation valide pour procéder au renouvellement de ses aérogénérateurs et fait obstacle à ce qu'elle puisse se porter candidate au prochain appel d'offres portant sur la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité d'origine éolienne ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions dès lors qu'elles ne pouvaient se fonder sur le I de l'article R. 515-109 du code de l'environnement alors que ces dispositions ne sont applicables qu'à la seule autorisation environnementale à l'installation qui n'a pas été mis en service, que la décision du 19 décembre 2024 constitue un retrait illégal d'une décision créatrice de droit en application de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration faute d'avoir respecté une procédure contradictoire, et qu'en tout état de cause les décisions sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors que la société remplissait les conditions posées par l'article R. 515-109 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2025, le préfet des Ardennes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucune urgence ne commande que soit suspendue l'exécution de l'arrêté en litige alors que la société exploite déjà le parc éolien et avait toute latitude pour candidater à l'appel d'offres de la commission de régulation de l'énergie avant la date de caducité de son autorisation ;

- il n'existe pas de doute sérieux concernant la légalité de cet arrêté alors que l'article R. 515-109 du code de l'environnement était applicable, la modification impliquant une nouvelle mise en service des nouveaux aérogénérateurs après arrêt des installations, que le principe d'une décision tacite favorable ne s'applique pas en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement, et que la société prévoit une nouvelle modification du projet afin d'optimiser le raccordement disponible et accroitre la production par mât implanté.

Vu :

- la requête enregistrée le 19 février 2025 sous le n° 25NC00384 par laquelle la société Les Orles de la Tomelle demande à la cour l'annulation de ces décisions.

- la décision du 1er septembre 2023 par laquelle la présidente de la cour a désigné M. Wallerich, président de chambre, juge des référés en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, juge des référés,

- et les observations de Me Guiheux, avocat de la société Les Orles de la Tomelle, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens développés à la barre ainsi que celles de M. A..., représentant le préfet des Ardennes.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Orles de la Tomelle exploite une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire des communes de Arnicourt et de Barby depuis 2012. Elle a bénéficié le 5 janvier 2022 d'un arrêté complémentaire relatif à une demande de modification des conditions d'exploiter cette installation par des aérogénérateurs de dernière génération. Elle demande au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de la décision du préfet des Ardennes du 19 décembre 2024 rejetant sa demande tendant à proroger de 24 mois l'arrêté complémentaire du 5 janvier 2022 modifiant les conditions d'exploitation du Parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison, ensemble la décision du 5 février 2025 rejetant son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

4. A l'appui de son recours, la société fait valoir que l'exécution des décisions litigieuses implique que la requérante ne disposerait plus d'une autorisation valide pour procéder au renouvellement de ses aérogénérateurs et fait obstacle à ce qu'elle puisse se porter candidate au prochain appel d'offres portant sur la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité d'origine éolienne. Il résulte de l'instruction que pour assurer la mise en œuvre des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie de 2020 et conformément aux dispositions des articles L. 311-10 et R. 311-12 du code de l'énergie, le gouvernement organise, avec le concours de la Commission de régulation de l'énergie, des appels d'offres par filières. S'agissant de la deuxième programmation pluriannuelle de l'énergie, le calendrier a fixé la 10ème et dernière période de candidature du 30 juin 2025 au 11 juillet 2025. En l'absence de prorogation de son arrêté complémentaire, la société perdra toute perspective de présenter son projet d'installation renouvelée à un appel d'offres et, faute d'obtenir la garantie d'un complément de rémunération, sera contrainte d'abandonner son projet et passer en pertes les sommes investies pour concevoir le renouvellement de l'installation. Si en défense, le préfet des Ardennes soutient que la société exploite d'ores et déjà un parc " rentable " et qu'elle avait toute latitude pour candidater à une précédente période d'appel d'offres entre novembre 2021 et juillet 2025, la requérante apporte à l'instance les éléments justificatifs de nature à établir que le contrat d'obligation d'achat dont elle a bénéficié initialement arrive à échéance le 31 mai 2025, qu'elle sera directement exposée aux fluctuations du marché de l'électricité, lequel connaît actuellement une baisse tendancielle forte et qu'elle n'était pas en mesure de présenter sa candidature à un précédent appel d'offre. Dans les circonstances de l'espèce, en faisant valoir que l'arrêté litigieux lui occasionnait un préjudice économique résultant des incertitudes pesant sur le sort de ce projet, la société requérante justifie de l'urgence à obtenir la suspension des décisions attaquées.

5. Aux termes de l'article R. 515-109 du code de l'environnement : " I. - Les délais mentionnés aux premiers alinéas des articles R. 181-48 et R. 512-74 peuvent être prorogés dans la limite d'un délai total de dix ans, incluant le délai initial de trois ans, par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande de l'exploitant, en l'absence de changement substantiel de circonstances de fait et de droit ayant fondé l'autorisation ou la déclaration, lorsque, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l'exploitant ne peut mettre en service son installation dans ce délai.(...) ".

6. Au soutien de ses conclusions, la société fait notamment valoir que les décisions sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle remplissait les conditions posées par l'article R. 515-109 du code de l'environnement pour obtenir une prorogation de son autorisation environnementale modifiée par l'arrêté complémentaire du 5 janvier 2022. A l'appui de sa demande de prorogation la société se prévalait des incertitudes techniques relatives aux éoliennes Siemens Gamesa (SGRE) que la société projetait d'installer en remplacement des précédentes, le turbinier ayant rencontré des défaillances critiques lui interdisant de confirmer sa commande ferme, du contexte de crise énergétique et économique, notamment lié au conflit russo-ukrainien, se traduisant par une forte augmentation des taux d'intérêt ainsi que des difficultés rencontrées pour s'assurer que l'arrêté complémentaire du 5 janvier 2022 était purgé de tout recours, l'affichage de ce dernier en mairie de Barby n'étant intervenu qu'en novembre 2023. Dans ces circonstances, contrairement à ce que fait valoir le préfet des Ardennes en défense, la société démontre qu'elle n'a pas pu mettre en service les turbines de nouvelle génération autorisées dans l'arrêté complémentaire dans le délai de trois ans initialement accordé pour des raisons indépendantes de sa volonté, l'administration ne se prévalant pas de changement de circonstance de droit et de fait ayant fondé l'autorisation.

7. Ainsi, ce moyen invoqué par la société requérante à l'appui de sa demande de suspension paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

8. Les deux conditions auxquelles l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension d'une décision administrative sont réunies. Le prononcé de cette suspension doit être assorti d'une injonction faite au préfet des Ardennes et consistant, dans les circonstances de l'espèce, à ce que celui-ci accorde dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, une prorogation provisoire de son arrêté complémentaire du 5 janvier 2022 jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours au fond.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Les Orles de la Tomelle au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

ORDONNE

Article 1er : La décision du préfet des Ardennes du 19 décembre 2024 rejetant la demande de la société Les Orles de la Tomelle tendant à proroger l'arrêté complémentaire du 5 janvier 2022 modifiant les conditions d'exploitation du Parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison, et la décision du 5 février 2025 rejetant son recours gracieux sont suspendues.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Ardennes d'accorder à la société Les Orles de la Tomelle dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance, une prorogation provisoire de son arrêté complémentaire du 5 janvier 2022 jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours au fond.

Article 3 : L'Etat versera à la société Les Orles de la Tomelle une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société les Orles de la Tomelle, au préfet des Ardennes et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Fait à Nancy, le 24 mars 2025.

Le juge des référés,

Signé : M. Wallerich

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 25NC00482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 25NC00482
Date de la décision : 24/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Avocat(s) : SELARL VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-24;25nc00482 ?
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