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18/03/2025 | FRANCE | N°23NC03461

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 18 mars 2025, 23NC03461


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... E..., Mme F... B..., Mme G... C... et Mme A... H... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 6 septembre 2023 par lesquels le préfet du Haut-Rhin les a assignés à résidence dans le département du Haut-Rhin pendant une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n°s 2306424, 2306425, 2306426 et 2306427 du 23 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a r

ejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour :



I. Par une requête, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E..., Mme F... B..., Mme G... C... et Mme A... H... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 6 septembre 2023 par lesquels le préfet du Haut-Rhin les a assignés à résidence dans le département du Haut-Rhin pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°s 2306424, 2306425, 2306426 et 2306427 du 23 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023 sous le n° 23NC03461, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er décembre 2024, M. D... E..., représenté par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2023 ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 septembre 2023 ;

4°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 mars 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

5°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les quinze jours de la notification de la décision à rendre en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'a rticle 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une personne incompétente ;

- l'arrêté attaqué n'est pas régulièrement motivé ;

- la mesure d'assignation à résidence n'est pas nécessaire ;

- la perspective raisonnable d'éloignement de la famille n'est pas établie du fait que les obligations de quitter le territoire français ne sont pas exécutables dès lors qu'elles ne sont pas définitives ;

- le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien est méconnu ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le premier juge a rejeté le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023 sous le n° 23NC03462, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 octobre 2024, Mme A... H... E..., représentée par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2023 ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 septembre 2023 ;

4°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 mars 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

5°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les quinze jours de la notification de la décision à rendre en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une personne incompétente ;

- l'arrêté attaqué n'est pas régulièrement motivé ;

- la mesure d'assignation à résidence n'est pas nécessaire ;

- la perspective raisonnable d'éloignement de la famille n'est pas établie du fait que les obligations de quitter le territoire français ne sont pas exécutables dès lors qu'elles ne sont pas définitives ;

- le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien est méconnu ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le premier juge a rejeté le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

III. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023 sous le n° 23NC03463, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 octobre 2024, Mme G... C..., représentée par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2023 ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 septembre 2023 ;

4°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 mars 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

5°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les quinze jours de la notification de la décision à rendre en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une personne incompétente ;

- l'arrêté attaqué n'est pas régulièrement motivé ;

- la mesure d'assignation à résidence n'est pas nécessaire ;

- la perspective raisonnable d'éloignement de la famille n'est pas établie du fait que les obligations de quitter le territoire français ne sont pas exécutables dès lors qu'elles ne sont pas définitives ;

- le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien est méconnu ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le premier juge a rejeté le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

IV. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023 sous le n° 23NC03464, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 octobre 2024, Mme F... B..., représentée par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2023 ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 septembre 2023 ;

4°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 mars 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

5°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les quinze jours de la notification de la décision à rendre en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une personne incompétente ;

- l'arrêté attaqué n'est pas régulièrement motivé ;

- la mesure d'assignation à résidence n'est pas nécessaire ;

- la perspective raisonnable d'éloignement de la famille n'est pas établie du fait que les obligations de quitter le territoire français ne sont pas exécutables dès lors qu'elles ne sont pas définitives ;

- le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien est méconnu ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le premier juge a rejeté le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une lettre, enregistrée le 27 janvier 2025, M. E..., Mme B..., Mme E... et Mme C... renoncent au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus pour statuer par un seul arrêt.

2. Par quatre arrêtés du 6 mars 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer des titres de séjour et a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à M. D... E..., ressortissant algérien né en 1970, à Mme F... B..., sa concubine, ressortissante algérienne née en 1976, à Mme A... H... E..., leur fille, ressortissante algérienne née en 2000, et à Mme G... C..., fille de Mme B... et ressortissante algérienne née en 2004. Par quatre arrêtés du 6 septembre 2023, le préfet du Haut-Rhin les a assignés à résidence dans le département du Haut-Rhin pendant une durée de quarante-cinq jours, en leur prescrivant de se présenter chaque lundi entre 9 h et 11 h 30 aux services de la direction départementale de la police aux frontières de Mulhouse et d'être présents à leur domicile à Riedisheim du mardi au vendredi de 9 h 00 à 11 h 00. Ils relèvent appel du jugement du 23 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du 6 septembre 2023.

3. Les demandes de première instance tendaient seulement à l'annulation des arrêtés du 6 septembre 2023 portant assignation à résidence, mais non de ceux du 6 mars 2023 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, sur la légalité desquelles le tribunal administratif de Strasbourg s'est d'ailleurs prononcé ultérieurement par un jugement du 30 janvier 2024. Dès lors et en dépit des termes de leurs mémoires complémentaires enregistrés les 28 octobre ou 1er décembre 2024 concluant également à l'annulation des décisions du 6 mars 2023 portant obligation de quitter le territoire français, les requérants doivent, dans les présentes instances, être regardés comme demandant l'annulation seulement des arrêtés du 6 septembre 2023, ainsi que comme, au soutien de cette demande, excipant de l'illégalité de ceux du 6 mars 2023.

Sur l'aide juridictionnelle :

4. En premier lieu, si les requérants font grief au premier juge de ne pas les avoir admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, ils n'assortissent leurs requêtes sur ce point d'aucune précision, alors d'ailleurs qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que des demandes d'aide juridictionnelle auraient été effectivement présentées dans les instances sur lesquelles statue le jugement attaqué.

5. Les requérants, ayant indiqué entendre renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, doivent, dès lors, être regardés comme se désistant de leurs demandes d'aide juridictionnelle provisoire. Rien ne s'y opposant, il y a lieu d'en donner acte.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe des arrêtés du 6 septembre 2023 :

6. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de la signataire des arrêtés contestés par adoption des motifs du point 4 du jugement attaqué par lesquels le premier juge a, à bon droit, écarté ces moyens.

7. Aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".

8. Les arrêtés contestés du 6 septembre 2023 comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement des décisions du préfet du Haut-Rhin assignant les requérants à résidence pendant quarante-cinq jours. Il en résulte que les moyens tirés de l'irrégulière motivation de ces décisions doivent être écartés.

En ce qui concerne la légalité interne des arrêtés du 6 septembre 2023 :

S'agissant des moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité des arrêtés du 6 mars 2023 :

9. En premier lieu, par un arrêté du 12 janvier 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à la signataire des arrêtés du 6 mars 2023, cheffe du bureau de l'admission au séjour de cette préfecture, à l'effet de signer des arrêtés d'une telle nature, en toutes les décisions qu'ils comportent. Il suit de là que les moyens tirés de l'incompétence de cette signataire ne peuvent qu'être écartés.

10. En deuxième lieu, les arrêtés du 6 mars 2023 comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement des décisions refusant l'admission des requérants au séjour. Dès lors, ces décisions sont régulièrement motivées. Conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont, en conséquence, régulièrement motivées.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...). ".

12. Il ressort des pièces des dossiers que les requérants sont arrivés en France le 17 juillet 2017, pour trois d'entre elles, ou le 6 mars 2019, pour le quatrième, sous couvert de passeports revêtus de visas de court séjour qui leur avaient été délivrés par les autorités consulaires espagnoles. Ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français à l'issue des durées de séjour autorisées par ces visas. Mme E... a demandé la régularisation de sa situation de séjour en 2019, que le préfet du Haut-Rhin lui a refusée par un arrêté du 19 février 2020, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme E... s'est néanmoins maintenue sur ce territoire en dépit de cette obligation et du rejet de ses recours par le tribunal administratif de Strasbourg le 23 septembre 2020 et la cour administrative d'appel de Nancy le 17 mai 2021. En 2022, elle a sollicité une nouvelle fois cette régularisation. Les trois autres requérants en ont fait de même en 2022. Leurs séjours en France ne sont pas anciens et ils ne justifient pas de liens personnels et familiaux particuliers en France autres que ceux qu'ils ont ensemble, alors que l'ensemble des membres de cette famille fait l'objet de mesures portant obligation de quitter le territoire français. M. E... a vécu pendant près de cinquante ans en Algérie et Mme B... pendant plus de quarante ans. Les quatre membres de la famille sont de nationalité algérienne et la cellule familiale peut se reconstituer dans ce pays, où elle s'est constituée. Mmes E... et C... sont, pour leur part, célibataires et n'ont aucune tierce personne à leur charge. Les circonstances qu'elles ont obtenu en France, l'une un certificat d'aptitude professionnelle en 2021 et l'autre un baccalauréat professionnel en 2022, ne suffisent pas à caractériser des liens personnels et familiaux importants et stables, compte tenu des situations de séjour de M. E... et Mme B.... Dès lors, compte tenu des durées et des conditions des séjours des requérants en France, il ne ressort pas des pièces des dossiers que leurs liens personnels et familiaux en France seraient tels que les refus du préfet du Haut-Rhin de régulariser leurs situations de séjour porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ces refus. Il en résulte que ces derniers ne méconnaissent pas les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord entre la France et l'Algérie du 27 décembre 1968.

13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

14. Compte tenu de la durée et des conditions du séjour des requérants en France, comme des effets d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Haut-Rhin, en faisant aux requérants de telles obligations, n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ces décisions du 6 mars 2023, qui ne méconnaissent par suite pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de s'en prononcer sur la recevabilité, les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité des arrêtés du 6 mars 2023 doivent être écartés.

S'agissant des moyens tirés de vices propres aux arrêtés du 6 septembre 2023 :

16. Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Selon l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ".

17. Il résulte des dispositions de l'article L. 722-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, si l'exécution d'office par l'administration d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l'expiration du délai ouvert pour la contester devant le juge, ni avant qu'il ait statué sur cette décision s'il en a été saisi, l'absence de caractère définitif de cette décision n'a, en revanche, pas pour effet de la priver de son caractère exécutoire. Elle ne fait pas davantage obstacle à son exécution par l'étranger. En outre, les dispositions de l'article L. 730-1 et du 1° de l'article L. 731-1 de ce code ne subordonnent pas la possibilité d'assigner l'étranger à résidence à la condition que la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet soit définitive. Dès lors, en se bornant à soutenir qu'une perspective raisonnable d'éloignement n'est pas établie au seul motif que les décisions portant obligation de quitter le territoire français du 3 mars 2023 ne sont pas, selon eux, exécutables du fait qu'elles ne sont pas définitives, alors que ces décisions ont été prises moins d'un an auparavant et que le délai de départ volontaire de trente jours qu'elles accordent est expiré, les requérants ne justifient pas en quoi, en estimant qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement, le préfet du Haut-Rhin se serait livré à une inexacte application du premier alinéa de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. Aux termes de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'a pas satisfait à son obligation d'exécuter la décision d'éloignement dont il fait l'objet, l'autorité administrative peut prendre les décisions prévues aux titres III et IV, nécessaires à l'exécution d'office des décisions d'éloignement, sous réserve de ne procéder à l'éloignement effectif que dans les conditions prévues aux articles L. 722-7 à L. 722-10. ". Ce titre III prévoit l'assignation à résidence.

19. Il ressort des pièces des dossiers que les requérants n'ont pas respecté les délais de départ volontaire de trente jours dont sont assorties les décisions portant obligation de quitter le territoire français dont ils ont fait l'objet le 6 mars 2023 et se sont maintenus sur ce territoire. Ils ne font valoir aucun élément dont ressortirait qu'il serait établi qu'ils exécuteront ces obligations de leur propre initiative. Ils justifient d'une résidence à Riedisheim. L'assignation à résidence constitue une mesure alternative au placement en rétention administrative. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque l'étranger n'a pas satisfait à son obligation d'exécuter la décision d'éloignement dont il fait l'objet, l'autorité administrative peut décider de l'assigner à résidence, une telle décision étant nécessaire en vue de l'exécution d'office de cette obligation. Il en résulte que les moyens tirés de l'absence de nécessité des assignations à résidence contestées par les requérants doivent être écartés.

20. Il n'est pas justifié que Mme E... suivrait effectivement un enseignement ou une formation à l'époque de l'arrêté la concernant. S'il ressort des pièces des dossiers que, pour l'année 2023-2024, Mme C... est inscrite en première année de brevet de technicienne supérieure dans un lycée d'enseignement général à Colmar, il n'est pas justifié par la seule présentation d'un certificat de scolarité que l'assignation à résidence contestée, d'une durée limitée à quarante-cinq jours, ferait effectivement obstacle à la poursuite de cette formation.

21. La circonstance que les requérants justifient d'une résidence effective et, selon eux, stable, loin de faire obstacle à ce qu'ils soient assignés à résidence, est au nombre des circonstances de fait permettant légalement de décider une telle mesure de police à l'égard de l'étranger qui n'a pas respecté l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français.

22. Si les requérants font valoir que les mesures d'assignation à résidence en litige portent préjudice à la famille, une telle circonstance est en elle-même sans incidence sur leur légalité, qui n'est pas subordonnée à la condition qu'elles n'emportent pas d'inconvénients pour les personnes en faisant l'objet.

23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction ne sauraient, dès lors, être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions des requêtes tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à Mme F... B..., à Mme A... H... E..., à Mme G... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Christophe Roussel.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N°s 23NC03461, 23NC03462, 23NC03463, 23NC03464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03461
Date de la décision : 18/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : MOUHEB AMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-18;23nc03461 ?
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