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28/01/2025 | FRANCE | N°24NC01491

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 24NC01491


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 mars 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2402059 du 6

mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 mars 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2402059 du 6 mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 juin 2024 et le 3 décembre 2024, M. C... A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2024 ;

3°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 13 mars 2024 ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les quinze jours de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas régulièrement motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa situation n'a pas été examinée au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette obligation méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence ;

- elle n'est pas régulièrement motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant géorgien né en 1983, après être entré en France le 10 novembre 2021, y a présenté une demande d'asile. Cette demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 mars 2022 et une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 juillet 2022. Une demande de réexamen présentée par M. A... a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 avril 2023 et une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 novembre 2023. M. A... relève appel du jugement du 6 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... ayant été admis en cours d'instance au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, sa demande d'aide juridictionnelle provisoire est sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1, figurant au chapitre III, intitulé " Procédure administrative ", du titre Ier du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / (...) ".

4. Les dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont issues en dernier lieu, dans leur rédaction applicable au litige, de l'article 37 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Il ressort des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de cet article que le législateur a notamment entendu codifier le principe selon lequel un étranger devant se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il a ainsi entendu imposer au préfet, avant l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français, de vérifier, compte tenu des informations en sa possession, si un étranger peut prétendre à se voir délivrer de plein droit un titre de séjour et, dans le cas contraire, si la durée de sa présence en France et la nature et l'ancienneté des liens qu'il y entretient ou des circonstances humanitaires justifient qu'il se voit délivrer un tel titre. Il appartient en particulier à l'autorité administrative d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si l'étranger peut se prévaloir d'une résidence stable et régulière sur le territoire français de nature à avoir fait naître entre lui et le pays d'accueil des liens multiples. L'obligation ainsi faite au préfet se rapporte à la régularité de la procédure à l'issue de laquelle est prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le défaut d'une telle vérification, qui constitue une garantie pour l'étranger, est propre à entacher cette décision d'un vice de procédure.

5. L'obligation de motiver une décision administrative se rapporte à la forme de cette dernière, mais non à la régularité de la procédure à l'issue de laquelle elle est prise. Il en résulte qu'à l'appui du moyen tiré du défaut ou de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles une telle obligation est édictée après vérification du droit au séjour.

6. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'il comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, cette décision est régulièrement motivée.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté du 13 mars 2024, que, pour décider de faire obligation à M. A... de quitter le territoire français, la préfète du Bas-Rhin a tenu compte de la durée de la présence, depuis le 10 novembre 2021, de l'intéressé sur le territoire français, comme de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Elle a également estimé qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à la situation personnelle et familiale de M. A..., qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il est le ressortissant, où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans. Elle a, en outre, considéré que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine.

8. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles l'obligation de quitter le territoire français est édictée après vérification du droit au séjour, M. A... soutient que la préfète du Bas-Rhin n'a pas vérifié si une considération humanitaire, se rapportant à son état de santé, aurait été de nature à lui ouvrir droit au séjour. Toutefois, il appartient à l'autorité compétente de procéder à cette vérification compte tenu des informations en sa possession.

9. M. A... produit une fiche d'évaluation de vulnérabilité établie le 25 juillet 2023 par un agent de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il ressort néanmoins de ce document qu'il ne se rapporte pas à la personne du requérant, mais à celle de sa mère, ressortissante géorgienne née en 1953. M. A... présente également plusieurs documents se rapportant à son état de santé, émanant des hôpitaux universitaires de Strasbourg ou d'une médecin généraliste de Strasbourg. Cependant, outre que certains de ces documents sont postérieurs à l'arrêté du 13 mars 2024, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est allégué, que l'un quelconque de ceux de ces documents antérieurs à cette date aurait été porté à la connaissance de l'administration ou qu'elle aurait eu en sa possession d'autres informations se rapportant à l'état de santé de M. A.... Dans ces conditions, la circonstance que les termes de l'arrêté attaqué ne font pas état de l'absence de considérations humanitaires pouvant justifier un droit de M. A... au séjour, en particulier en raison de son état de santé, n'est pas propre à révéler que la préfète du Bas-Rhin aurait édicté l'obligation de quitter le territoire français sans vérification préalable du droit au séjour de l'intéressé. Il en résulte que ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de l'absence d'une telle vérification, cette obligation a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... se trouve dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel l'autorité compétente peut faire obligation à l'étranger de quitter le territoire français.

11. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / (...) ".

12. Un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi prescrit qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

13. M. A... soutient qu'en raison de son état de santé, il est en droit de se voir délivrer la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, ce texte ne prescrit pas la délivrance de plein droit de ce titre de séjour. Il en résulte que le moyen tiré d'un défaut d'examen au regard de cet article comme d'une méconnaissance de ce dernier doit être écarté.

14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

15. Le séjour de M. A... en France, remontant au mois de novembre 2021, n'est pas ancien, alors qu'il est âgé de plus de quarante ans et a au préalable vécu pendant plus de trente-huit ans en Union soviétique puis en Géorgie. La durée, brève, de ce séjour s'explique, jusqu'au mois de décembre 2023, par l'examen de la demande d'asile et de la demande de réexamen qu'il avait présenté. Ces demandes ont été rejetées. Divorcé, il est célibataire et, s'il fait état de ce que sa mère, entrée pour sa part sur le territoire français le 10 mars 2022, serait à sa charge, il n'en justifie pas par ses seules allégations, alors qu'il ressort des pièces du dossier que sa mère est entrée en France accompagnée de la sœur aînée du requérant. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile que la mère du requérant avait présentée a été rejetée et que, par un arrêté du 29 février 2024, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Si le requérant se prévaut également de la présence de sa sœur, ressortissante géorgienne née en 1980, sur le territoire français, il ne ressort du dossier, ni que sa sœur, également entrée en France le 10 mars 2022, séjournerait régulièrement sur le territoire français à l'époque de l'arrêté du 13 mars 2024, ni, à supposer qu'elle y séjournerait régulièrement, que M. A... serait à sa charge. Il en résulte que le requérant ne dispose pas de liens personnels, de nature privée ou familiale, anciens et stables en France. Par ailleurs, M. A..., qui ne fait état d'aucune ressource dont il disposerait, ne justifie pas de ses conditions d'existence en France. Il ne justifie pas non plus en quoi il ne pourrait poursuivre sa vie privée et familiale ailleurs qu'en France, notamment dans son pays d'origine, où il a vécu pendant trente-huit ans et où il ne conteste pas conserver des attaches familiales, les pièces du dossier faisant état de ce qu'il est le père de deux enfants. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. A... et eu égard aux effets d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, la préfète du Bas-Rhin, qui a examiné la situation particulière de M. A..., n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision, qui ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que celle fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de cette obligation.

18. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. Les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales font obstacle à l'éloignement vers son pays d'origine d'un ressortissant étranger gravement malade lorsqu'il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie. Ces cas très exceptionnels correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'article 3.

20. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est affectée d'une spondylo-arthrite axiale diagnostiquée en France en 2022. En raison de cette affection, lui est prescrit en France un traitement médicamenteux et, depuis novembre 2022, il bénéficie, dans le service de rhumatologie des hôpitaux universitaires de Strasbourg, tous les deux mois et en hospitalisation de jour, de perfusions d'infliximab. Cette affection, qui n'est pas une maladie très grave engageant le pronostic vital de M. A..., ne l'expose pas à un risque imminent de mourir. D'une part, si l'interruption ou l'arrêt d'un tel traitement pourrait entraîner, non pas rapidement mais à un terme éloigné, des conséquences graves pour son état de santé, avec handicap majeur et impotence fonctionnelle totale, la seule circonstance que l'infliximab ne serait pas disponible en Géorgie pour le traitement de l'arthrite n'est pas propre à établir l'absence de traitement approprié dans ce pays, alors que les pièces produites font état de plusieurs prises en charge chirurgicales rachidiennes en Géorgie, en 2007 et 2008. Dès lors, il n'y a pas de motifs sérieux de croire que M. A... ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats en Géorgie ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé. Il en résulte que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

21. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". En outre, l'article L. 613-2 de ce code dispose : " (...) les décisions d'interdiction de retour (...) sont motivées. ".

22. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. L'autorité compétente doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

23. L'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 13 mars 2024 comporte l'indication des considérations de droit et de fait fondant, tant en son principe qu'en sa durée, la décision de cette préfète de faire interdiction à M. A... de retour sur le territoire français pendant un an. Cette motivation, qui permet à M. A... à sa seule lecture de comprendre les motifs de cette interdiction, atteste de la prise en compte de l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que la décision portant interdiction de retour est régulièrement motivée.

24. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin, qui, pour prendre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, a examiné la situation particulière de M. A..., aurait commis une erreur d'appréciation en décidant de prononcer une telle mesure pour une durée d'un an et ce, alors même que M. A... n'aurait, selon lui, pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. M. A... pouvant poursuivre sa vie privée et familiale ailleurs qu'en France et dans l'espace de Schengen, notamment dans le pays dont il est le ressortissant, une interdiction d'une telle durée ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels a été prise cette mesure de police. Cette dernière, dès lors, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A..., dont la situation, notamment l'état de santé, ne caractérise pas des circonstances humanitaires exceptionnelles.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction qu'il présente ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Airiau.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Antoine Durup de Baleine, président,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : A. B...L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 24NC01491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC01491
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;24nc01491 ?
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