Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel le préfet de la Moselle, après lui avoir retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n° 2305064 du 22 août 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet de la Moselle du 28 juin 2023 et enjoint à ce préfet de réexaminer la situation de M. B... dans le mois de la notification de ce jugement, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre 2023 et le 2 novembre 2023, le préfet de la Moselle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 22 août 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B....
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les autres moyens de la demande de M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, M. A... E... B..., représenté par Me Dollé, conclut :
1°) au rejet de la requête du préfet de la Moselle ;
2°) subsidiairement, à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
3°) très subsidiairement, d'annuler les décisions fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros TTC au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête, qui n'est pas motivée, est irrecevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas régulièrement motivée ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un courrier du 19 novembre 2024, les parties ont, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, été informées que la décision à rendre paraît susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires de M. B... tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français, dès lors que par une décision n° 2329501 du 16 août 2023, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté la requête de M. B... dirigée contre la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 juin 2023 rejetant sa demande de réexamen et un délai de huit jours a été fixé dans lequel elles peuvent présenter leurs observations sur ce moyen.
Par un mémoire, enregistré le 19 novembre 2024, M. B... se désiste de ses conclusions subsidiaires tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. C... de D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La demande d'asile présentée par M. B..., ressortissant nigérian né en 1986 qui déclare être entré en France le 18 septembre 2021, a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 octobre 2022 et une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 avril 2023. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 22 août 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel, après avoir retiré l'attestation de demande d'asile dont M. B... était titulaire, il lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel M. B... pourrait être reconduit d'office à l'issue de ce délai, et lui a fait interdiction de retour sur ce territoire pendant un an.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
2. La requête présentée par le préfet de la Moselle, qui était défendeur devant la première juge, contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge d'appel. Il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de ce que, faute de satisfaire aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, cette requête est irrecevable, ne peut qu'être écartée.
3. L'inventaire des pièces jointes à la requête, présentée au moyen du téléservice mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative, répond aux exigences des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 414-5 de ce code. Il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des exigences de l'article R. 412-2 du même code ne peut qu'être écartée.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
4. Pour faire droit à la demande de M. B..., la première juge a fait droit au moyen de cette demande tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français, à une date dont il ne justifie pas et, selon ses déclarations, le 18 septembre 2021. Son séjour est, ainsi, très récent et ne s'explique, jusqu'au 17 avril 2023, que par l'examen de la demande d'asile qu'il avait présentée le 14 juin 2022 et qui a été rejetée par une décision, définitive, de la Cour nationale du droit d'asile. Il est célibataire. Il est le père d'un enfant né en France le 5 juin 2022, qu'il a reconnu le même jour et dont la mère est une ressortissante nigériane née en 1992. Cette ressortissante nigériane est également la mère d'une enfant de nationalité française née le 7 janvier 2019. Toutefois, le préfet de la Moselle établit que, par un arrêté du 30 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à cette ressortissante nigériane et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. S'il est fait état de ce qu'une demande d'aide juridictionnelle avait été présentée le 30 juin 2022 en vue de saisir le tribunal administratif de Montreuil d'un recours contre cet arrêté du 30 mai 2022, il ne ressort du dossier ni que ce recours aurait été effectivement déposé ni, à supposer qu'il l'aurait été, que cet arrêté aurait été rapporté ou annulé. Il en résulte que l'obligation de quitter le territoire français dont fait l'objet cette personne présente, à la date de l'arrêté du 28 juin 2023, un caractère exécutoire, cette ressortissante nigériane séjournant ainsi irrégulièrement sur le territoire français. La circonstance que M. B... et cette ressortissante nigériane ont, antérieurement à l'intervention de cet arrêté du 30 mai 2022, saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny d'une demande relative à l'exercice de l'autorité parentale, à la fixation de la résidence habituelle des enfants mineurs ou du droit de visite et de pension alimentaire de parents non mariés est sans incidence sur l'irrégularité du séjour de cette ressortissante et l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français. S'il n'a pas été procédé à l'éloignement d'office de cette femme, cette circonstance est toutefois sans influence, compte tenu du caractère récent, au 28 juin 2023, de la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet. Il n'est pas justifié d'une demande de titre de séjour qu'elle aurait présentée après le 30 mai 2022, ni d'un changement particulier dans la situation personnelle de cette ressortissante nigériane postérieur au 30 mai 2022. Le requérant et la mère de ces deux enfants étant de la même nationalité, il n'est pas justifié de l'impossibilité de reconstituer au Nigéria la cellule familiale que, selon le requérant, il forme avec cette compatriote et ces deux enfants, alors même que l'un deux serait de nationalité française. M. B... ne justifie pas de liens personnels particuliers en France autres qu'avec cette ressortissante nigériane et leur enfant ensemble. Dès lors que la mère de cet enfant séjourne irrégulièrement sur le territoire français et fait l'objet d'une décision exécutoire lui faisant obligation de quitter le territoire français, le délai de départ volontaire dont est assortie cette obligation étant échu, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. B... en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 28 juin 2023, le jugement attaqué a estimé que la décision portant obligation de quitter le territoire français procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
Sur les autres moyens :
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....
En ce qui concerne le retrait de l'attestation de demande d'asile :
8. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : / (...) / 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article. ". Enfin, aux termes de l'article L. 542-3 de ce code : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile lue en audience publique le 6 avril 2023 et, en outre, notifiée à l'intéressé le 17 avril 2023. La demande de réexamen présentée par M. B... le 31 mai 2023 a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité prise le 2 juin 2023 par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que le droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français en qualité de demandeur d'asile a, conformément au b) du 1° de l'article L. 542-2 de ce code, pris fin le 2 juin 2023. Dès lors et ainsi que le prévoit l'article L. 542-3 du même code, c'est sans erreur de droit que le préfet de la Moselle a pu, le 28 juin 2023, retirer l'attestation de demande d'asile qui avait été délivrée le 22 mai 2023 à M. B.... Il ne ressort pas du dossier que, ce faisant, ce préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
11. Le requérant a présenté une demande d'asile, laquelle demande constitue aussi une demande de titre de séjour en qualité de bénéficiaire d'une protection, et, à cette occasion, a été mis à même de faire valoir tout élément justifiant qu'il soit autorisé à séjourner en France et ne soit pas contraint de quitter ce pays et de retourner, en particulier, au Nigéria. Il n'ignorait pas qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision de retour à l'issue du rejet de sa demande d'asile par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, comme à l'issue du rejet comme irrecevable de sa demande de réexamen par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il était à même de faire valoir auprès du préfet de la Moselle toutes observations comme tous éléments de nature à faire obstacle à l'intervention d'une telle mesure d'éloignement. Il était également à même de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales et ne justifie, ni qu'il aurait sollicité un tel entretien, ni qu'il lui aurait été refusé. Il en résulte qu'il n'est pas fondé à prétendre que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure entachée d'une méconnaissance du droit d'être entendu.
12. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que le droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français a pris fin le 2 juin 2023 en application de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° de l'article L. 611-1 de ce code. Dès lors, il se trouve dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 de ce code, dans lequel le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant une telle obligation, le préfet de la Moselle a commis une erreur de droit.
14. Il ressort des pièces du dossier que, pour décider de faire obligation de quitter le territoire français à M. B..., le préfet de la Moselle a, sans méconnaître l'étendue de sa compétence d'appréciation quant à un étranger entré irrégulièrement sur le territoire français et ne bénéficiant plus du droit de se maintenir sur ce territoire en qualité de demandeur d'asile, examiné la situation de ce ressortissant nigérian, compte tenu des éléments portés à la connaissance de l'administration quant à sa situation personnelle. Il en résulte que le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.
15. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
16. Le séjour de M. B... en France, remontant selon ses déclarations au mois de septembre 2021, est très récent et ce, alors même qu'il aurait quitté le Nigéria depuis quinze ans, une telle circonstance ne présentant pas un caractère humanitaire. Il ressort des pièces du dossier qu'il séjournait au préalable en Italie, où lui avait été délivré pour motif humanitaire un permis de séjour valable jusqu'au 21 septembre 2017, puis, selon ses déclarations, un titre de séjour l'autorisant à travailler mais qui n'aurait pas été renouvelé. S'il se prévaut d'une relation de concubinage avec une ressortissante nigériane résidant en France et de leur enfant ensemble né le 5 juin 2022, cette femme, de même nationalité que lui, séjourne, comme il a été dit, irrégulièrement sur le territoire français et fait l'objet d'une obligation de quitter ce territoire décidée à son encontre le 30 mai 2022 par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Il en résulte que M. B... ne justifie pas de liens personnels, en particulier familiaux, anciens et stables sur ce territoire. La demande d'asile qu'il avait présentée a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile et il en est allé de même de la demande de réexamen dont il avait saisi l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé en France, comme des effets d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Moselle n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision. Par suite, cette dernière ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la durée du délai de départ volontaire :
17. L'arrêté du 28 juin 2023 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors que l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision et que l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas, la décision d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire de trente jours n'appelait pas une motivation particulière. L'arrêté attaqué, après avoir rappelé la teneur de cet article L. 612-1, énonce que l'intéressé ne fait état d'aucune circonstance justifiant qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ne lui soit accordé. Il en résulte que la décision fixant le délai de départ volontaire, en ce qu'elle n'accorde pas à M. B... un délai supérieur à trente jours, est motivée.
18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle, qui n'a pas commis d'erreur de droit en accordant à M. B... un délai de départ volontaire de trente jours ni n'a méconnu l'étendue de sa compétence, se serait livré à une inexacte application du deuxième alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne lui accordant pas un délai supérieur à trente jours.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
19. L'arrêté du 28 juin 2023, qui vise notamment les articles L. 721-3 à L. 721-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constate que M. B... est de nationalité nigériane et qu'il est lui est fait obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le préfet de la Moselle a, de ce seul fait, énoncé les considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision fixant le pays de destination en cas d'éloignement d'office à l'issue du délai de départ volontaire. Les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne constituent pas le fondement de cette décision. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination.
20. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
21. Les dispositions des articles L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'investissent pas le préfet d'un pouvoir discrétionnaire pour fixer le pays à destination duquel un ressortissant étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire est susceptible d'être reconduit d'office à l'issue de ce délai. Dès lors, en décidant que M. B..., s'il n'a pas quitté le territoire français à l'expiration de ce délai, sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, le préfet de la Moselle, qui s'est livré à une exacte application de ces dispositions, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
22. Si M. B... fait valoir qu'il a quitté le Nigéria depuis plus de quinze ans, il ne conteste toutefois pas conserver la nationalité de cet Etat. Cette circonstance, qui ne présente pas un caractère humanitaire ou exceptionnel, ne faisait pas obstacle à ce que, conformément au 1° de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet désigne le pays dont M. B... a la nationalité comme comptant au nombre des destinations possibles en cas d'éloignement d'office.
23. Il ne ressort pas du dossier qu'il y aurait des raisons sérieuses de croire que la vie ou la liberté de M. B..., dont les demandes d'asile et de réexamen ont été rejetées, seraient menacées au Nigéria ou qu'il risquerait d'être exposé dans ce pays à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Dès lors, en fixant le pays de destination, le préfet de la Moselle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
24. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". En outre, l'article L. 613-2 de ce code dispose : " (...) les décisions d'interdiction de retour (...) sont motivées. ".
25. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'énumère l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. L'autorité compétente doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
26. L'arrêté du 28 juin 2023 portant obligation pour M. B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours comporte l'indication des considérations de droit et de fait fondant, tant en son principe qu'en sa durée, la décision de son auteur de faire interdiction à l'intéressé de retour sur le territoire français pendant un an. Cette motivation, qui permet à M. B... à sa seule lecture de comprendre les motifs de cette interdiction, atteste de la prise en compte de l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que la décision portant interdiction de retour est régulièrement motivée.
27. La ressortissante nigériane dont le requérant soutient être le concubin séjourne irrégulièrement en France et fait l'objet d'une mesure portant obligation d'en quitter le territoire. Leur enfant ensemble est de nationalité nigériane et peut accompagner ses parents. Le requérant peut poursuivre sa vie personnelle, de nature privée et familiale, dans le pays dont il est le ressortissant. Il ne justifie pas d'une impossibilité s'imposant à lui y faisant obstacle, pendant la durée, d'un an, de l'interdiction de retour. Dès lors, cette dernière ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la première juge a annulé l'arrêté du 28 juin 2023. Il y a lieu de rejeter les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté, en toutes les décisions qu'il comporte. Les conclusions à fin d'injonction qu'il présente ne peuvent, dans ces conditions, être accueillies.
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :
29. Le désistement par M. B... de ses conclusions subsidiaires tendant, sur le fondement des articles L. 752-5 et L. 752-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur les frais liés au litige :
30. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de M. B... tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français décidée par le préfet de la Moselle le 28 juin 2023.
Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg n° 2305064 du 22 août 2023 sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg et la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Sébastien Dollé.
Copies en seront adressées au préfet de la Moselle et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Metz.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : A. C... de D...L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC02812