Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2022 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2300060 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2023, Mme A... B..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision refusant le séjour n'est pas régulièrement motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 47 du code civil ;
- la préfète s'est estimée en situation de compétence liée par le rapport d'expertise de la police aux frontières ;
- elle méconnaît l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe de sécurité juridique ;
- les décisions du procureur de la République et du juge des tutelles ont l'autorité de la chose jugée ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen d'ensemble de sa situation ;
- elle a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur d'appréciation ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen de façon satisfaisante ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen de façon satisfaisante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 200/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les observations de Me Jeannot pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., se disant ressortissante ivoirienne née le 24 juin 2004, est entrée sur le territoire français au mois de janvier 2020, selon ses déclarations. Par une ordonnance du 24 janvier 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Epinal a ordonné son placement provisoire au service de l'aide sociale à l'enfance du département des Vosges. Par une ordonnance d'ouverture d'une tutelle d'Etat du 29 janvier 2020, la juge des tutelles mineurs de ce tribunal a chargé le président du conseil départemental des Vosges de la tutelle de Mme B..., à charge pour lui de la déléguer au service de l'aide sociale à l'enfance. Le 4 juillet 2022, Mme B... a sollicité du préfet des Vosges la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 octobre 2022, la préfète des Vosges a refusé cette délivrance et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle fixe le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai, ainsi que d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté du 25 octobre 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des écritures produites devant les premiers juges par Mme B... à l'appui de ses conclusions qu'elle y aurait soulevé un moyen tiré de ce que la décision du 25 octobre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences excessives de la décision de refus de séjour sur la situation de l'intéressée. Il en résulte qu'en ne se prononçant pas sur un tel moyen, les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité.
3. En second lieu, il ne ressort pas des écritures produites devant les premiers juges par Mme B... à l'appui de ses conclusions qu'elle y aurait soulevé un moyen tiré de ce que la décision du 25 octobre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou un moyen tiré de ce que la préfète des Vosges, pour prendre cette décision, se serait abstenue d'examiner la situation particulière de l'intéressée. Il en résulte qu'en ne se prononçant pas sur de tels moyens, les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il ressort de l'arrêté du 25 octobre 2022 qu'il comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, cette décision est régulièrement motivée. Conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est, de même, régulièrement motivée.
5. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".
6. La délivrance de la carte de séjour temporaire prévue par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect des conditions qu'il prévoit, en particulier que l'étranger ait été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans. Il appartient à l'administration de vérifier cette condition au vu notamment des documents d'état civil le cas échéant présentés par l'étranger.
7. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) ".
8. Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Selon l'article 47 du code civil auquel il est ainsi renvoyé : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ".
9. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
10. Aux termes de l'article 1355 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. ".
11. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. ".
12. L'ordonnance par laquelle le procureur de la République, sur le fondement des dispositions de l'article 375-5 du code civil, décide, en cas d'urgence, qu'à titre provisoire une personne soit confiée au service de l'aide sociale à l'enfance, si elle présente pour ce service un caractère obligatoire pour toute la durée, d'au plus huit jours, de cette mesure, n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité attachée à l'ordonnance du 24 janvier 2020 doit être écarté.
13. L'ordonnance d'ouverture d'une tutelle d'Etat rendue le 29 janvier 2020 par la juge des tutelles mineurs du tribunal judiciaire d'Epinal ne se prononce pas sur une demande ayant pour objet le droit au séjour de Mme B.... En outre, la préfète des Vosges n'était pas partie à l'instance ouverte devant cette juge par la requête du procureur de la République, instance étrangère à ce droit au séjour. Il en résulte que la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'en décidant comme elle l'a fait, la préfète des Vosges a méconnu l'autorité s'attachant à cette ordonnance du 29 janvier 2020.
14. Ni l'ordonnance de placement provisoire prise par le procureur de la République le 24 janvier 2020, ni celle du juge des tutelles des mineurs du 29 janvier 2020 prononçant l'ouverture d'une tutelle d'Etat au profit de Mme B... ne s'opposent, eu égard à leur nature et dès lors qu'elles ne statuent pas en matière d'état des personnes mais se bornent à prendre en compte l'âge déclaré par l'intéressée et retenu par le département des Vosges, à ce que l'autorité administrative apprécie, sous le contrôle du juge administratif, au vu des éléments en sa possession, le caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes produits par l'étrangère pour justifier de son identité et de son âge. La seule évaluation du service de l'aide sociale à l'enfance du département des Vosges ne suffit pas à établir l'âge de Mme B.... Dans ces conditions, en écartant les documents produits par la requérante au motif qu'ils ne permettaient pas d'établir son identité et son âge, la préfète des Vosges n'a ni commis d'erreur de fait ou d'erreur de droit, ni méconnu l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
15. En refusant à la requérante la délivrance d'un titre de séjour, la préfète des Vosges, autorité compétente à cet effet, s'est bornée à exercer la compétence qu'elle tient, pour l'application de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article R. 431-20 de ce code, sans méconnaître la compétence d'aucune autre autorité, sa décision étant susceptible d'un recours, présentant un caractère effectif, devant la juridiction compétente pour en connaître. Dès lors, le moyen tiré, à ce titre, de la méconnaissance de l'article 16 précité doit être écarté. En outre, les divers documents présentés par la requérante pour justifier de son état civil, en particulier de son âge, sont tous postérieurs à ces ordonnances des 24 et 29 janvier 2020, qui ne font mention d'aucune pièce justifiant de l'état civil de l'intéressée. Le rapport d'évaluation du 23 janvier 2020 établi par le service d'aide sociale à l'enfance du département des Vosges fait état de ce que l'intéressée est sans document d'identité ni aucun autre document et qu'elle a déclaré connaître sa date de naissance grâce à son père qui la lui aurait transmise. Le principe de sécurité juridique ne fait pas obstacle à ce que la préfète puisse, dans le cadre de l'examen de la demande de titre de séjour formée par l'intéressée, remettre en cause la valeur probante des actes d'état civil présentés par celle-ci, dans les conditions prévues aux articles 47 du code civil et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la circonstance que l'intéressée a été, au mois de janvier 2020, estimée mineure, de moins de seize ans, et confiée alors à l'aide sociale à l'enfance par les autorités compétentes à cet effet, ne lui donnait aucune garantie de se voir reconnaître en 2022, par une autre autorité compétente à ce titre, le droit au séjour prévu par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est conditionné à la justification par l'étranger de son état civil, en particulier de son âge, ni même ne créait une espérance légitime d'une telle reconnaissance. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général de sécurité juridique doit être écarté.
16. Ni les dispositions de l'article 47 du code civil, ni celles du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger, ne faisaient obligation à la préfète des Vosges de procéder à des vérifications auprès d'une autorité étrangère.
17. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, présentée au mois de juillet 2022, et pour établir son identité, son état civil et sa nationalité, la requérante a produit, d'une part, un document se présentant comme étant un extrait, délivré le 8 janvier 2021, du registre des actes de l'état civil pour l'année 2004 du centre de Vieil-Ousrou de la circonscription d'état civil de Lopou, extrait constituant un extrait d'acte de naissance et selon lequel la requérante est née le 24 juin 2004 à Vieil-Ousrou, d'autre part, un passeport ivoirien délivré le 9 septembre 2021 et, enfin, un document se présentant comme constituant un certificat de nationalité ivoirienne délivré le 13 janvier 2021 par la section de Dabou du tribunal de première instance de Yopougon.
18. Le document se présentant comme étant un extrait, délivré le 8 janvier 2021, du registre des actes de l'état civil pour l'année 2004 du centre de Vieil-Ousrou de la circonscription d'état civil de Lopou, fait état d'une date de naissance le vingt-quatre juin " deux mil quatre " et d'un acte n° 258 du " 10/03/2004 " du registre. Cette erreur manifeste quant à la date de l'acte de naissance d'une personne mentionnée comme née le 24 juin 2004 est de nature à priver cet extrait délivré le 8 janvier 2021 de valeur probante. Il en va de même, s'agissant de l'âge de la requérante, quant au document présenté comme constituant un certificat de nationalité ivoirienne délivré le 13 janvier 2021 et au passeport délivré le 9 septembre 2021, pièces établies au vu de cet extrait délivré le 8 janvier 2021.
19. Postérieurement à l'arrêté du 25 octobre 2022, la requérante a, en première instance, après communication des écritures en défense présentées par le préfète des Vosges, produit, le 31 mars 2023, un premier document se présentant comme un extrait, délivré le 8 novembre 2022, du registre des actes de l'état civil pour l'année 2004 du centre de Vieil-Ousrou de la circonscription d'état civil de Lopou et un second document, intitulé " copie intégrale extrait du registre de l'état civil de Vieil-Ousrou (Dabou) de l'année 2004 ", délivré le 14 novembre 2022, se présentant comme étant une copie intégrale d'acte de naissance, selon lequel la requérante est née le 24 juin 2004, son acte de naissance, n° 258, ayant été dressé le 30 juin 2004 sur la déclaration du père. Elle a également produit, à l'appui de sa demande introductive de première instance, un document se présentant comme constituant un certificat de nationalité ivoirienne délivré le 11 novembre 2022 par la section de Dabou du tribunal de première instance de Yopougon.
20. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'examen technique documentaire du 3 avril 2023 par la police aux frontières, que le document présenté comme étant une copie intégrale d'un acte de naissance dressé le 30 juin 2004 ne fait mention, ni de l'heure de la naissance, ni de l'heure où il a été reçu, ni de la nationalité des parents, en méconnaissance des articles 24 et 42 du code de l'état civil de la Côte d'Ivoire. En outre, cette copie mentionne avoir été délivrée le " 14 novembre 2022 ", en méconnaissance de l'article 31 de ce code, selon lequel une telle copie porte en toutes lettres la date de sa délivrance. Ces éléments, tirés de l'acte présenté lui-même, établissent qu'il est irrégulier. Dès lors, la préfète des Vosges est fondée à soutenir que cet acte irrégulier n'est pas probant de l'âge de la requérante. Il n'en va pas différemment des documents présentés comme constituant un extrait du registre des actes de l'état civil pour l'année 2004 délivré le 8 novembre 2022 et un certificat de nationalité ivoirienne délivré le 11 novembre 2022, se référant tous deux à cet acte de naissance n° 258 du 30 juin 2024, dont la copie intégrale présentée est irrégulière à plusieurs titres.
21. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la préfète des Vosges a pu légalement écarter comme non probants les documents présentés par Mme B... et estimer, en conséquence, qu'elle ne justifie pas de son état civil. En conséquence, il n'est pas établi que, comme le prévoit l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle aurait été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans.
22. Il résulte de l'instruction que, pour prendre l'arrêté attaqué, en toutes les décisions qu'il comporte, la préfète des Vosges a examiné la situation particulière de Mme B..., compte tenu de l'ensemble des éléments caractérisant cette situation portés à la connaissance de l'administration au 25 octobre 2022, sans s'estimer être tenue de prendre ces décisions par le rapport d'examen technique documentaire de la police aux frontières du 24 août 2022. Il suit de là que les moyens tirés du défaut d'un tel examen ou d'une méconnaissance par cette préfète de l'étendue de sa compétence d'appréciation doivent être écartés.
23. Dès lors que la requérante ne justifie pas être née le 24 juin 2004 et que la préfète a pu valablement écarter comme non probants les documents présentés par l'intéressée pour justifier de son état civil, il n'est pas établi qu'elle aurait été confiée à l'aide sociale à l'enfance au plus tard au jour de ses seize ans. Il en résulte qu'elle ne remplit pas l'une des conditions mises par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la délivrance de la carte de séjour temporaire qu'il prévoit. Dès lors, la préfète des Vosges n'a pas commis d'erreur de droit en ne lui délivrant pas ce titre de séjour.
24. Si la requérante soutient que le refus de lui délivrer un titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort toutefois pas du dossier qu'elle aurait demandé la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue par cet article. La préfète n'avait pas l'obligation de rechercher si Mme B... serait en droit de prétendre à la délivrance de cette carte de séjour, qui n'est pas de plein droit. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article L. 423-23 est inopérant.
25. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
26. Mme B... est entrée sur le territoire français dans des conditions irrégulières, au mois de janvier 2020 selon ses déclarations. Son séjour en France, remontant à moins de trois ans à la date de l'arrêté contesté du 25 octobre 2022, demeure récent. Elle est célibataire et n'a personne à sa charge en France. Elle ne justifie pas d'attaches personnelles, notamment familiales, particulières, anciennes et stables, sur le territoire français. D'après ses déclarations, résident en Côte d'Ivoire son père et ses deux frères. Elle n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre sa vie personnelle dans le pays dont elle est la ressortissante. Les choix de vie dont elle fait état et ses souhaits personnels ne s'imposaient pas à la préfète des Vosges. Si Mme B... fait valoir être enceinte, le document produit sur ce point est en date du 27 juillet 2023 et fait état d'une grossesse intra-utérine évolutive correspondant à six semaines d'aménorrhée, et non six mois, et trois jours. Cette circonstance est, ainsi, postérieure à cet arrêté. Il en va de même du résultat de sa scolarité à l'issue de l'année scolaire 2022/2023, en particulier de la circonstance qu'elle a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle au mois de juillet 2023. Dès lors, et quand bien même Mme B... a pu bénéficier pendant plus de deux ans d'une prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance, laquelle n'ouvre pas en elle-même droit après l'accession à la majorité à la délivrance d'un titre de séjour, la préfète des Vosges, en prenant cet arrêté, n'a, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de la requérante en France, pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ont été prises les décisions qu'il comporte. Dès lors, ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressée.
27. La requérante, dont il ne ressort pas du dossier qu'elle aurait demandé le bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour, ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dont elle fait état. La préfète des Vosges, qui n'en avait pas l'obligation, n'a pas examiné de sa propre initiative s'il y avait lieu de régulariser la situation de séjour de Mme B... en la faisant bénéficier de l'une des modalités de l'admission exceptionnelle au séjour, notamment celle prévue par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou celle prévue par l'article L. 435-3 de ce code. Dès lors, Mme B... ne peut utilement soutenir qu'à tort il n'a pas été procédé à cet examen.
28. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de ce refus.
29. Mme B... se trouve dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel la préfète peut faire obligation à l'étrangère de quitter le territoire français. Il ne résulte pas de l'instruction que la préfète des Vosges se serait estimée tenue de faire obligation à Mme B... de quitter ce territoire. Il en résulte que le moyen tiré d'une erreur de droit au regard des dispositions de ce 3° comme, en tout état de cause, de l'article 6 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, doit être écarté.
30. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions à fin d'injonction qu'elle présente ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
31. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Brigitte Jeannot.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : A. C...
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC02610