La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2024 | FRANCE | N°21NC02134

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 19 décembre 2024, 21NC02134


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le compte rendu de son entretien professionnel établi au titre de l'année 2019, d'enjoindre à l'établissement du service national Nord-Est du ministère de la défense de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



P

ar un jugement n° 2003103 du 8 juin 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le compte rendu de son entretien professionnel établi au titre de l'année 2019, d'enjoindre à l'établissement du service national Nord-Est du ministère de la défense de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003103 du 8 juin 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2021 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler le compte rendu de son entretien professionnel établi au titre de l'année 2019 ;

3°) d'enjoindre à l'établissement Service national Nord Est du ministère de la défense de réexaminer son dossier dans le sens de l'arrêt à intervenir, en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le compte-rendu d'entretien professionnel est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;

- le compte-rendu d'entretien professionnel définitif ne reprenant pas la mention " Mme A... est encouragée à poursuivre dans cette voie " témoigne de l'intention de son supérieur hiérarchique de ne pas lui accorder un commentaire positif et constructif nécessaire à la poursuite de sa carrière et cette omission constitue une erreur d'appréciation ;

- l'avis de la commission administrative paritaire locale n'a pas été entièrement suivi dès lors que la nouvelle mention, si elle valorise ses compétences en autonomie, ne valorise pas ses compétences de travail en équipe, cet avis aurait dû être suivi ;

- le fait d'avoir mentionné qu'elle sait travailler en toute autonomie lui demeure préjudiciable au regard de l'importance de l'objectif qui lui est assigné s'agissant du travail en équipe et ceci témoigne de la volonté de l'administration de ne pas lui accorder un avantage dans la suite de sa carrière ;

- plusieurs contradictions apparaissent entre la notation des objectifs et l'appréciation littérale s'agissant de ses capacités à travailler en équipe ;

- ses notations précédentes ont toujours mis en avant son aptitude au travail en équipe.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- et les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjoint administratif principal de deuxième classe, est affectée à l'établissement du service national Nord-Est (ESN-NE) en qualité d'agent d'administration du personnel depuis le 1er octobre 2017. Le 11 février 2020, elle a été reçue par son supérieur hiérarchique dans le cadre de l'entretien professionnel annuel au titre de son activité 2019. Cet entretien a donné lieu à un compte rendu d'entretien professionnel que Mme A... a signé le 20 février suivant en y formulant des observations. Le 27 février 2020, elle a présenté une demande de révision portant sur une phrase de l'appréciation littérale énonçant que " Mme A... est un agent disponible qui apprécie travailler seule dans son domaine ". Cette demande ayant été rejetée le 11 mars 2020, Mme A... a saisi le 10 avril 2020 la commission administrative paritaire qui a formulé un avis favorable à cette demande lors de sa séance du 23 juin 2020. Après que Mme A... a formulé de nouvelles observations sur la modification portée à son appréciation littérale, le chef du bureau " administration générale " a notifié à l'intéressée le 30 septembre 2020 le compte-rendu d'entretien professionnel définitif établi au titre de l'année 2019 mentionnant que " Mme A... est un agent disponible qui sait travailler en toute autonomie dans son domaine ". Mme A... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tenant à l'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. Toutefois, les statuts particuliers peuvent prévoir le maintien d'un système de notation. A la demande de l'intéressé, la commission administrative paritaire peut demander la révision du compte rendu de l'entretien professionnel ou de la notation. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article ". Selon l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. / La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; / 3° La manière de servir du fonctionnaire ; / 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; / 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; / 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ; / 7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité (...) ". Selon son article 4 : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. / Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. / Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier ". Enfin, l'article 6 de ce décret énonce que " L'autorité hiérarchique peut être saisie par le fonctionnaire d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / Ce recours hiérarchique est exercé dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de notification à l'agent du compte rendu de l'entretien. L'autorité hiérarchique notifie sa réponse dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de réception de la demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. Les commissions administratives paritaires peuvent, à la requête de l'intéressé, sous réserve qu'il ait au préalable exercé le recours mentionné à l'alinéa précédent, demander à l'autorité hiérarchique la révision du compte rendu de l'entretien professionnel. Dans ce cas, communication doit être faite aux commissions de tous éléments utiles d'information. Les commissions administratives paritaires doivent être saisies dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la réponse formulée par l'autorité hiérarchique dans le cadre du recours. / L'autorité hiérarchique communique au fonctionnaire, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l'entretien professionnel ".

3. En premier lieu, si les dispositions précitées précisent que les commissions administratives paritaires peuvent demander à l'autorité hiérarchique de réviser un compte rendu d'entretien professionnel, il ne résulte pas de ces dispositions que les avis rendus par ces commissions doivent être suivis, sur le fond, par l'autorité hiérarchique. En conséquence, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'autorité administrative aurait dû réviser le compte-rendu d'entretien professionnel dans le sens exact préconisé par la commission administrative paritaire.

4. En deuxième lieu, Mme A... soutient que l'autorité hiérarchique n'a pas repris dans le compte rendu d'entretien professionnel révisé la mention " Mme A... est encouragée à poursuivre dans cette voie " qui figurait dans le CREP initial alors que seule la phrase " Mme A... est un agent qui apprécie travailler seule dans son domaine " devait être modifiée. Toutefois, il a été énoncé au point précédent que l'autorité hiérarchique n'était pas tenue de suivre l'avis de la commission administrative paritaire. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mention, facultative, avait été précisée par le supérieur hiérarchique direct de Mme A... dans le compte rendu initial.

5. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 que l'appréciation portée sur la manière de servir d'un agent et exprimant sa valeur professionnelle est annuelle. Dès lors, Mme A... ne peut utilement se prévaloir des appréciations dont elle a fait l'objet lors d'une évaluation antérieure.

6. En quatrième lieu, il ressort du compte rendu d'entretien professionnel modifié portant sur l'année 2019 que Mme A... " occupe depuis 2017 le poste d'administration et de gestion du personnel civil. Elle gère environ 110 agents affectés dans les centres du service national de Lille, Strasbourg et Dijon ainsi que la portion centrale de Nancy en commun avec le reste de l'équipe où elle obtient au global de très bons résultats. Dotée d'une forte réactivité, elle a le souci constant d'apporter au plus vite une solution aux différentes sollicitations émanant des correspondants RH et de ses administrés. Madame A... et un agent disponible qui sait travailler en toute autonomie dans son domaine ". A cet égard, le supérieur hiérarchique de l'agent a considéré que les objectifs consistant à " rendre les travaux de gestion individuelle et collective des centres tout en respectant les échéances imposées (...) puis effectuer la suppléance des dossiers, mails, appels téléphoniques de sa collègue en cas d'absence ", " maintenir de bonnes relations avec les correspondants du CSN en gestion en leur apportant soutien, conseil et disponibilité " et " s'attacher à travailler en équipe au sein de la section sur tous les dossiers qui nécessitent un partage d'informations ou un regroupement d'informations pour développer un climat de confiance " avaient tous été atteints. Mme A... se prévaut de contradictions entre l'appréciation littérale de l'évaluateur et l'atteinte de ces objectifs ainsi que l'appréciation des différents items. Toutefois, l'objectif de travail en équipe ne portait pas sur un travail commun systématique mais sur certains dossiers et intervenait dans le cadre de carences constatées au sein du service au sein duquel Mme A... est affectée. Par ailleurs, l'item " travail en équipe " est renseigné au niveau " bon " ce qui correspond au quatrième niveau sur les six existants et laisse place à une marge de progression. En conséquence, il n'existe pas de contradiction entre les différents éléments de l'évaluation et l'appréciation littérale et la requérante n'est pas fondée à soutenir que le compte rendu d'entretien professionnel est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En dernier lieu, si Mme A... soutient que le fait d'avoir mentionné qu'elle sait travailler en toute autonomie lui demeure préjudiciable au regard de l'importance de l'objectif qui lui est assigné s'agissant du travail en équipe et témoigne de la volonté de l'administration de ne pas lui accorder un avantage dans la suite de sa carrière, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'évaluation professionnelle litigieuse aurait eu pour but d'entraver la progression de carrière de l'agent et le moyen tiré du détournement de pouvoir doit également être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 21NC02134 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02134
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : CABINET CASSEL (SELAFA)

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;21nc02134 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award