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03/12/2024 | FRANCE | N°23NC03200

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 03 décembre 2024, 23NC03200


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2302453 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la c

our :



Par une requête enregistrée le 26 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Gangloff, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2302453 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Gangloff, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou salarié sous peine d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiales au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'intérêt supérieur des enfants n'a pas été pris en compte en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article R. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante géorgienne née en 1992, déclare être en France depuis le 4 avril 2018 accompagnée de son époux et de leurs trois enfants mineurs. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 10 juillet 2018, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 31 janvier 2019. Le 3 avril 2019, la requérante a sollicité un titre de séjour en faisant valoir l'état de santé de son fils ainé né en 2011 et, à la suite de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), s'est vue délivrer une autorisation provisoire de séjour régulièrement renouvelée. Le 13 octobre 2021, l'intéressée a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour raisons médicales. Par un arrêté du 8 novembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 31 mai 2023, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 novembre 2022 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. En vertu des dispositions précitées, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour de l'article L. 425-10 du code précité, doit émettre son avis, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du mineur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

4. Pour refuser de renouveler un titre de séjour à Mme A..., la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur l'avis du 4 février 2022 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que l'état de santé du fils de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier d'un traitement approprié de sa pathologie et voyager sans risque vers ce pays. Si Mme A... soutient que son fils est polyhandicapé, nécessite un suivi médical régulier, et qu'un retour en Géorgie aurait des conséquences catastrophiques pour l'enfant, les pièces versées au dossier ne suffisent pas à considérer que ce dernier n'aurait pas la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII et la préfète du Bas-Rhin sur ce point. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Mme A... se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire français et de la présence de ses trois enfants nés en 2011, 2013 et 2016. Toutefois, une partie de ce séjour, qui n'est pas ancien, est liée aux besoins de l'instruction de sa demande d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante serait dépourvue d'attaches privées et familiales en Géorgie où elle a vécu la majeure partie de sa vie, où sont nés ses enfants et où résident ses parents et ses trois sœurs. Par ailleurs, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de ses trois enfants et il ne ressort pas des pièces des dossiers que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Géorgie et qu'il existerait des obstacles à ce que ces derniers s'intègrent dans leur pays d'origine et y poursuivent leur scolarité. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 4, la requérante n'établit pas que son fils né en 2011 ne pourrait être pris en charge en Géorgie dans des conditions appropriées à son état de santé. Dans ces conditions, le refus de délivrer un titre de séjour à la requérante n'expose pas ses enfants mineurs à un risque particulier pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de Mme A... en France, la préfète du Bas-Rhin, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ladite décision a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de celle lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 de l'arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 de l'arrêt, et alors que la requérante n'établit pas que son fils ne pourrait pas voyager par la Géorgie autrement que par la voie aérienne, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., épouse B..., Me Gangloff et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 23NC03200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03200
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : GANGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;23nc03200 ?
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