Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E..., Mme F... E..., M. D... B..., Mme A... B... et la Fédération de l'environnement de Haute-Saône ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 21 octobre 2019 par laquelle le conseil municipal de Dampierre-sur-Salon a approuvé la modification simplifiée n°1 du plan local d'urbanisme de la commune.
Par un jugement n° 1902238 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a annulé la délibération du 21 octobre 2019 par laquelle le conseil municipal de Dampierre-sur-Salon a approuvé la modification simplifiée n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune et a mis à la charge de la commune le versement de la somme de 1 500 euros aux consorts E... et B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 8 septembre 2021 et le 13 février 2022, la commune de Dampierre-sur-Salon, représentée par la AARPI Thémis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 juillet 2021 ;
2°) de rejeter la requête des consorts E..., B... et de l'association HSNE ;
3°) de mettre à la charge des consorts E..., B... et de la Fédération de l'environnement de Haute-Saône une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a retenu que le conseil municipal ne pouvait procéder à l'adaptation de son plan local d'urbanisme à une situation de fait par la procédure de modification simplifiée ;
- le risque d'inondation a disparu en raison de la réalisation d'un remblai sur la parcelle litigieuse dans les années 1990 ;
- le risque de nuisance doit être apprécié in concreto ;
- ni la procédure de révision ni la procédure de modification de droit commun ne sont adaptées à la mise à jour du plan local d'urbanisme à une situation de fait.
- les mémoires présentés par la Fédération de l'environnement de Haute-Saône sont irrecevables, en ce qu'elle est dépourvu d'intérêt à agir ;
- les moyens invoqués par les intimés ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 18 novembre 2021 et le 7 mars 2022, M. et Mme C... E..., l'association HSNE ainsi que M. et Mme B..., représentés par Me Landbeck, concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement du 8 juillet 2021 en tant qu'il a jugé irrecevable la requête en tant que présentée ;
4°) à ce que soit mis à la charge de la commune de Dampierre-sur-Salon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés ;
- la Fédération de l'environnement de Haute-Saône était recevable à demander l'annulation de la délibération litigieuse ;
- la délibération litigieuse méconnait l'article L. 153-47 en ce que l'insuffisance de l'information mise à disposition du public était insuffisante et l'ensemble des personnes publiques associées n'ont pas été consultées ;
- elle méconnait l'article R. 104-8 du code de l'urbanisme en ce que la commune a décidé de ne pas soumettre la modification simplifiée à évaluation environnementale le 21 octobre, soit antérieurement à l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale, qui de fait, n'a pas été pris en compte.
Une ordonnance du 8 mars 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 24 mars 2022.
Un mémoire, enregistré le 24 octobre 2024, a été présenté par la commune de Dampierre-sur-Salon.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Durup de Baleine,
- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Weber pour la commune de Dampierre-sur-Salon.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 juillet 2021, le maire de Dampierre-sur-Salon (Haute-Saône) a prescrit la modification simplifiée du plan local d'urbanisme, approuvé le 18 mai 2015 et modifié le 17 août 2017 de cette commune. Par une délibération du 21 octobre 2019, le conseil municipal a approuvé cette modification simplifiée, n° 1, de ce plan local d'urbanisme de la commune. Cette modification a pour objet de réduire la superficie d'une zone inondable identifiée sur le règlement graphique du plan, en en soustrayant, sur une superficie de 2 787 m2, partie des parcelles cadastrées section ZL n°s 129, 140, 141 et 142, au lieu-dit Près de la Roye. La commune de Dampierre-sur-Salon relève appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon, saisi de la demande présentée par M. et Mme E... et autres, a annulé cette délibération.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme, relatif à la révision du plan local d'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme est révisé lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide : (...) / 3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d'une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance. / (...) ". Selon l'article L. 153-36 du même code : " Sous réserve des cas où une révision s'impose en application de l'article L. 153-31, le plan local d'urbanisme est modifié lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d'aménagement et de programmation ou le programme d'orientations et d'actions ". L'article L. 153-41 du même code, relatif à la modification de droit commun du plan local d'urbanisme, dispose que : " Le projet de modification est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire lorsqu'il a pour effet : / 1° Soit de majorer de plus de 20% les possibilités de construction résultant, dans une zone, de l'application de l'ensemble des règles du plan ; / 2° Soit de diminuer ces possibilités de construire ; / 3° Soit de réduire la surface d'une zone urbaine ou à urbaniser ; / 4° Soit d'appliquer l'article L. 131-9 du présent code ". Enfin, l'article L. 153-45 de ce code, relatif à la modification simplifiée du plan local d'urbanisme, énonce, dans sa rédaction en vigueur au 21 octobre 2019, que : " Dans les autres cas que ceux mentionnés à l'article L. 153-41, et dans le cas des majorations des droits à construire prévus à l'article L. 151-28, la modification peut, à l'initiative du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du maire, être effectuée selon une procédure simplifiée. Il en est de même lorsque le projet de modification a uniquement pour objet la rectification d'une erreur matérielle. ".
3. Il résulte de l'article L. 153-45 du code de l'urbanisme que le recours à la procédure de modification simplifiée pour la correction d'une erreur matérielle est légalement possible en cas de malfaçon cartographique portant sur la délimitation d'un secteur ou d'une zone ou le choix d'un zonage dès lors que cette malfaçon conduit à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du plan local d'urbanisme, telles qu'elles ressortent des différents documents constitutifs du plan local d'urbanisme, comme le rapport de présentation, les orientations d'aménagement ou le projet d'aménagement et de développement durable. Il résulte également de l'article L. 153-31 de ce code que, lorsque la commune décide de réduire une protection édictée en raison d'un risque de nuisance, seule la procédure de révision du plan local d'urbanisme est applicable.
4. A la zone inondable délimitée par le règlement graphique du plan local d'urbanisme de Dampierre-sur-Salon approuvé en 2015 sont associées les dispositions de l'article 8 du titre I, " dispositions générales ", du règlement écrit de ce plan. Quant aux risques d'inondations, cet article 8 dispose que " La commune de Dampierre-sur-Salon est concernée par des zones inondables recensées par un Atlas des zones inondables. Elles sont identifiées par une trame grisée au plan de zonage. / Ainsi les constructions et installations concernées restent soumises à l'article R.111-2 du Code de l'Urbanisme pour l'appréciation de la salubrité et de la sécurité publique, les permis de construire pouvant être refusés ou n'être accordés que sous réserve. / Dans ces zones il conviendra de : / - Interdire les implantations humaines dans les zones les plus dangereuses, / - Interdire l'implantation d'établissements sensibles en zone inondable, / - Limiter l'autorisation de construction aux projets qui n'augmentent pas de façon sensible le nombre de personnes exposées au risque d'inondation, / - Préserver les capacités d'écoulement et d'expansion des crues (notamment pas de murs transversaux barrant les écoulements, clôtures ajourées sur 2/3 de leur surface), / - Eviter tout endiguement ou remblaiement nouveau qui ne serait pas justifié par la protection des lieux fortement urbanisés pour ne pas aggraver les risques en amont et en aval du projet. Les remblais seront limités à la réduction de vulnérabilité (remblais pour mise hors eau) des constructions et installations autorisées ainsi que de leurs accès. Les remblais seront également permis pour l'aménagement des abords des constructions et installations autorisées pour des surfaces ne dépassant pas 40% des surfaces desdites constructions ou installations, / - Implanter le premier plancher au-dessus du niveau des plus hautes eaux connues et interdire la réalisation des sous-sols enterrés, / - Arrimer toutes structures susceptibles de flotter, et notamment les cuves, / - Mettre hors eau tous les équipements sensibles, et notamment les installations électriques et de gaz. ".
5. Compte tenu des prescriptions ainsi associées à la délimitation graphique de cette zone inondable, cette délimitation constitue une protection édictée en raison d'un risque de nuisance. La circonstance que ce risque de nuisance se serait trouvé, par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait, réduit, ou même, sur partie de la zone inondable ainsi délimitée, aurait disparu, ni n'est propre à priver ladite délimitation de son caractère de protection édictée en raison d'un risque de nuisance, ni n'est, d'ailleurs, propre à emporter la caducité de la délimitation dont s'agit, qui présente un caractère réglementaire.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la délimitation en 2015 de la zone inondable dont la délibération du 21 octobre 2019 avait décidé la suppression aurait constitué une erreur matérielle, au sens, rappelé au point 6, de l'article L. 153-45 du code de l'urbanisme et ce, alors même que cette délimitation aurait été faite au vu d'un atlas des zones inondables ancien et désuet, ne tenant pas compte de travaux de remblaiement effectuée sur la superficie de 2 787 m2 mentionnée au point 1 et qui, selon la commune, auraient pour effet de la soustraire à tout risque d'inondation.
7. Dès lors, la modification simplifiée approuvée le 21 octobre 2019 ayant pour objet de réduire une protection édictée en raison d'un risque de nuisance, les dispositions du 3° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme faisaient obstacle au recours à la procédure de modification simplifiée. La circonstance que cette réduction n'aurait pas pour effet de majorer de plus de 20 % les possibilités de construction résultant, dans la zone urbaine U du plan local d'urbanisme de Dampierre-sur-Salon, de l'application de l'ensemble des règles du plan, est sans incidence sur le champ d'application de ce 3°. Il en résulte que les dispositions de ce 3°, comme celles de l'article L. 153-36 du code de l'urbanisme, faisaient légalement obstacle à ce qu'il puisse être procédé à la réduction de la zone inondable délimitée par le document graphique au moyen d'une procédure de modification, en particulier de modification simplifiée, de ce plan local d'urbanisme.
8. Le recours irrégulier à la procédure de modification simplifiée du plan local d'urbanisme de Dampierre-sur-Salon, alors que l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme imposait le recours à une procédure de révision, a, à tout le moins, privé les personnes intéressées par une telle procédure de révision d'une garantie. Il en résulte que cette irrégularité vicie la légalité de la délibération du 21 octobre 2019, que sans erreur de droit les premiers juges ont annulé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Dampierre-sur-Salon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé la délibération du 21 octobre 2019.
10. Le présent arrêt, qui rejette la requête de la commune de Dampierre-sur-Salon, fait droit aux conclusions principales des intimés, tendant à ce rejet. Dès lors, il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur les conclusions qu'ils présentent à titre secondaire, c'est-à-dire subsidiaire, dirigées contre l'article 3 du dispositif de ce jugement, en ce qu'il rejette la demande de première instance en tant qu'émanant de la Fédération de l'environnement de Haute-Saône, ainsi que contre le point 12 de ses motifs.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des intimés, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Dampierre-sur-Salon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge la commune de Dampierre-sur-Salon le versement au même titre à Mme et Mme E... ainsi que M. et Mme B... de la somme globale de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Dampierre-sur-Salon est rejetée.
Article 2 : La commune de Dampierre-sur-Salon versera la somme globale de 1 500 euros à M. et Mme E... ainsi que M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les intimés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C... E... et à la commune de Dampierre-sur-Salon.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2024.
Le président,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Saône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
2
N° 21NC02476