Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière LN-BM a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le maire de Haucourt-Moulaine a refusé de lui délivrer un permis de construire, la décision explicite du 27 août 2019 rejetant son recours gracieux et la décision implicite de rejet de ce recours.
Par un jugement n° 1903011 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le 10 mars 2022, la société civile immobilière LN-BM, représentée par Me Moitry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de Haucourt-Moulaine de délivrer le permis de construire sollicité, dans les quinze jours de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Haucourt-Moulaine le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 766-1-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges se sont livrés à une substitution de motifs que la commune ne sollicitait pas ;
- la demande de complément du 13 mai 2019 était irrégulière et n'a pu faire obstacle à la naissance d'un permis de construire tacite dont l'arrêté attaqué procède au retrait dans des conditions irrégulières, faute de procédure contradictoire préalable ;
- le refus de permis de construire attaqué a été notifié à une société qui n'est pas la bonne et cette notification n'a pu faire obstacle à la naissance d'un permis de construire tacite dont l'arrêté attaqué procède au retrait dans des conditions irrégulières, faute de procédure contradictoire préalable ;
- la demande de complément du 13 mai 2019 a été signé par un agent incompétent ;
- cette demande est irrégulière ;
- l'arrêté du 11 juillet 2019 n'est pas régulièrement motivé ;
- l'arrêté du 11 juillet 2019 est entaché d'une erreur de droit ;
- le refus opposé procède d'une violation des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme relatifs aux destinations et sous-destinations des constructions et d'une méconnaissance des dispositions de l'article 2 du règlement de la zone UX du plan local d'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 septembre 2021 et le 15 décembre 2022, la commune de Haucourt-Moulaine, représentée par Me Tadic, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SCI LN-BM le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Durup de Baleine, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tadic, pour la commune de Haucourt-Moulaine.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande déposée le 18 avril 2019 et complétée le 17 mai 2019, la société civile immobilière (SCI) LN-BM a sollicité du maire de Haucourt-Moulaine la délivrance d'un permis de construire à l'effet d'édifier, sur un terrain d'une superficie de 4 679 m2 constitué par la parcelle cadastrée section AM n° 0033 au n° 30 de la rue Victor Hugo, une maison individuelle d'une surface de plancher de 262 m2, en vue d'assurer le gardiennage d'un entrepôt existant sur le même terrain et dans lequel exerce son activité une société dont le gérant est celui de cette SCI. Par un arrêté du 11 juillet 2019, le maire de Haucourt-Moulaine a refusé de délivrer ce permis de construire. Par une lettre du 27 août 2019, l'avocat de la commune a avisé cette société du rejet de son recours gracieux présenté le 7 août 2024. La SCI LN-BM relève appel du jugement du 28 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 juillet 2019, de cette décision du 27 août 2019 et d'une décision implicite de rejet du même recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par son mémoire en défense enregistré le 6 février 2020, la commune de Haucourt-Moulaine soutenait que les dispositions de l'article 2 du règlement de la zone UX de son plan local d'urbanisme faisaient obstacle à la délivrance du permis de construire demandé par la SCI LN-BM. Toutefois, la requête introductive de première instance introduite par cette société soutenait elle-même, en faisant valoir que l'arrêté du 11 juillet 2019 était pour cette raison entaché d'une erreur de droit, que les dispositions du même article 2 ne pouvaient légalement fonder le refus de ce permis de construire. Dès lors, les premiers juges, en retenant que le projet de construction ne remplissait pas les conditions mises par cet article à l'implantation de constructions à usage d'habitation dans la zone UX, se sont, sans commettre d'irrégularité et ainsi qu'il leur appartenait de le faire, bornés à répondre au moyen de la demande tiré d'une erreur de droit au regard de l'article 2 du règlement de la zone UX.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté du 11 juillet 2019 :
3. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. / (...). ". Aux termes de l'article A. 424-3 du code de l'urbanisme : " L'arrêté indique, selon les cas ; / (...) / b) Si le permis est refusé ou si la déclaration préalable fait l'objet d'une opposition ; / (...) ". Selon l'article A. 424-4 de ce code : " Dans les cas prévus aux b (...) de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (...) ".
4. Pour apprécier la conformité d'une demande de permis de construire avec les règlements d'urbanisme, il y a lieu de s'attacher non à la qualification donnée au bâtiment par l'auteur de la demande mais à la nature de ce bâtiment telle qu'elle ressort des pièces fournies à l'appui de la demande.
5. L'arrêté du 11 juillet 2019, après avoir indiqué que la demande a pour objet d'édifier une maison individuelle pour le gardiennage d'une activité de commerce, énonce que " le projet de construction d'une maison individuelle telle qu'elle ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire, présente une surface de plancher de 262 m2, prévue par le demandeur comme résidence principale, est de nature différente de la qualification déclarée par le pétitionnaire ". Ce faisant, l'auteur de cet arrêté a précisé les circonstances de droit et de fait motivant sa décision. L'appréciation du bien-fondé du motif ainsi énoncé est sans influence sur la régularité de cet arrêté. Il en résulte que le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'arrêté du 11 juillet 2019 constitue le retrait illégal d'un permis de construire tacite :
6. En premier lieu, s'agissant du dépôt et de l'instruction des demandes de permis de construire, l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme prévoit que " (...) le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ". L'article R. 423-23 du même code fixe à deux mois le délai d'instruction de droit commun pour les demandes de permis de construire une maison individuelle. L'article R. 423-38 dispose que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". Selon l'article R. 423-41 : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 ou ne portant pas sur l'une des pièces énumérées par le présent code n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49. ". Aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut (...) : / (...) / Permis de construire (...) tacite. ".
7. Il résulte des articles R. 423-22, R. 423-23, R. 423-38, R. 423-39, R. 423-41 et R. 424-1 du code de l'urbanisme qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle.
8. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / (...) / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". L'article R. 431-5 de ce code dispose que : " La demande de permis de construire précise : / (...) / c) La localisation et la superficie du ou des terrains ; / (...) ". Selon l'article A. 431-4 du même code : " La demande de permis de construire prévue aux articles R. 421-1 et R. 421-14 à R. 421-16 est établie conformément aux formulaires enregistrés par le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique : / a) Sous le numéro Cerfa 13406 lorsque la demande porte sur une maison individuelle ou ses annexes ; / (...) ".
9. Il ressort du formulaire mentionné au a) de l'article A. 431-4 précité qu'il appartient à l'auteur d'une demande de permis de construire une maison individuelle de préciser les références cadastrales de la parcelle ou des parcelles constituant le terrain sur lequel est prévue la construction comme la superficie de cette parcelle ou ces parcelles. Ces informations sont au nombre de celles prévues au a) de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme, à défaut desquelles un dossier de demande de permis de construire ne peut être réputé complet. Dès lors, une demande de permis de construire assorti de ce formulaire indiquant de manière inexacte les références cadastrales de cette parcelle ou ces parcelles, comme en conséquence et le cas échéant de manière inexacte la superficie du terrain, est incomplète. Dans un tel cas et conformément à l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente, dans le mois de la réception du dossier, de demander au pétitionnaire de compléter son dossier en corrigeant cette inexactitude. La circonstance que cette autorité aurait le cas échéant la possibilité, au moyen des informations en sa possession, de corriger elle-même une telle inexactitude est, à cet égard, sans incidence.
10. Il ressort des pièces du dossier que le formulaire de demande de permis de construire initialement déposée par la SCI LN-BM le 18 avril 2019 indiquait que le terrain était constitué par une parcelle cadastrée section Z n° 11, d'une superficie de 1 450 m2. Par une lettre du 13 mai 2019, reçue par la SCI au plus tard le 17 mai 2019, l'agent instructeur lui a fait savoir que le dossier était considéré comme incomplet car il manquait " les pièces ou informations suivantes : / Sur l'imprimé de demande de permis de construire : Rectifier les références cadastrales dans le cadre 3.1 : section AM 0033 ". Le 17 mai 2019, le pétitionnaire a présenté un nouveau formulaire de demande de permis, indiquant que le terrain est constitué par la parcelle cadastrée section AM n° 0033, d'une superficie de 4 769 m2.
11. Il en résulte que l'indication des références cadastrales de la parcelle constituant le terrain d'assiette du projet de construction, comme en conséquence de la superficie de ce terrain, était erronée. Dès lors, c'est par une exacte application de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme que l'agent instructeur a estimé que le dossier de demande était incomplet et a sollicité du pétitionnaire qu'il le complète en corrigeant cette inexactitude.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision est prise au nom de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale, l'instruction est faite au nom et sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public. ". Aux termes de l'article R. 423-15 du même code : " Dans le cas prévu à l'article précédent, l'autorité compétente peut charger des actes d'instruction : / b) Les services d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités ; / (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 29 juin 2015, dont les mentions attestent du caractère exécutoire à compter du 7 juillet 2015, le conseil municipal de Haucourt-Moulaine a décidé de confier, à compter du 1er juillet 2015, l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme à la communauté de communes de l'agglomération de Longwy, à laquelle a succédé le 1er janvier 2017 la communauté d'agglomération de Longwy, dont la commune de Haucourt-Moulaine est membre. Par une convention du 16 octobre 2015, la communauté de communes de l'agglomération de Longwy et les communes membres de cet établissement public de coopération intercommunale, qui est un groupement de collectivités territoriales, sont convenues de la mise en place d'un service urbanisme mutualisé, service commun ayant pour mission principale l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme déposées auprès des mairies des communes membres. Il en résulte que la commune de Haucourt-Moulaine a chargé ce service de cette communauté des actes d'instruction des demandes de permis de construire déposées en mairie. A la suite de la signature de cette convention et par un arrêté du 17 novembre 2015, dont les mentions attestent du caractère exécutoire à compter du 31 mars 2016, le maire d'Haucourt-Moulaine a investi le signataire de la lettre du 13 mai 2019, agent instructeur du droit des sols au sein de la communauté d'agglomération de Longwy, d'une délégation de signature à l'effet de signer, notamment, les demandes de pièces destinées à compléter les dossiers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le délai, de deux mois, d'instruction de la demande présentée par la SCI LN-BM a couru à compter du 17 mai 2019. Il n'est pas contesté que ce délai n'était pas échu à la date de notification de l'arrêté du 11 juillet 2019. La circonstance que cet arrêté comporte une erreur de plume quant à l'exacte dénomination de la société civile immobilière pétitionnaire est sans influence. En conséquence, cette dernière n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été titulaire depuis le 18 juin 2019 d'un permis de construire tacite et que l'arrêté du 11 juillet 2019 constituerait le retrait, irrégulier faute d'avoir été précédé d'une procédure contradictoire, de ce permis tacite.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêté du 11 juillet 2019 :
15. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. / (...) ".
16. D'une part, il ressort du dossier de la demande de permis de construire présentée par la SCI LN-BM qu'il mentionne que la nature de la construction est un " projet de construction d'une maison de gardiennage d'une activité économique de grossiste (fourniture pompes funèbres), pour la surveillance et sécurité du site ", qu'elle est une résidence principale et une maison d'habitation à usage de gardiennage. La notice architecturale ajoute que " le projet porte sur la construction d'une maison individuelle de type R+1 avec sous-sol de type contemporaine dans le but d'assurer un gardiennage de l'activité pro ". Il ne ressort ainsi pas des pièces de ce dossier que la nature de la construction envisagée aurait été différente de la qualification déclarée par le pétitionnaire. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que le motif dont fait état la motivation de l'arrêté du 11 juillet 2019 est erroné.
17. D'autre part, la circonstance que la nature de la construction ressortant d'un dossier de demande de permis de construire serait différente de la qualification donnée à cette construction par le pétitionnaire n'est propre à justifier légalement le rejet de cette demande que pour autant que, compte tenu de cette nature, le projet ne serait pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme. En revanche, la seule circonstance que cette nature serait différente de cette qualification n'est pas, par elle-même, au nombre des motifs susceptibles de justifier légalement le rejet de cette demande. Il en résulte que le motif que comporte la motivation de l'arrêté attaqué, faute de caractériser en quoi la circonstance dont il fait état caractérise une méconnaissance de ces dispositions législatives et réglementaires, ne justifie pas légalement le rejet de la demande présentée par la SCI LN-BM.
18. Sans qu'y fasse obstacle les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision refusant un permis de construire dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
19. La commune de Haucourt-Moulaine fait valoir dans ses écritures en défense que l'arrêté du 11 juillet 2019 est légalement justifié par un motif tiré de la méconnaissance, par le projet de la SCI LN-BM, des dispositions des articles 1 et 2 du règlement applicable à la zone UX du plan local d'urbanisme. Ce faisant, la commune sollicite qu'au motif erroné dont fait état la motivation de l'arrêté du 11 juillet 2019 soit substitué le motif tiré de cette méconnaissance.
20. Aux termes du règlement applicable à la zone UX du plan local d'urbanisme de Haucourt-Moulaine : " SECTION I - NATURE DE L'OCCUPATION ET DE L'UTILISATION DU SOL / (...) ARTICLE 1 - OCCUPATIONS ET UTILISATIONS DU SOL INTERDITES / SONT INTERDITS / 1.1. Les constructions destinées : / • à l'habitation sauf celles visées à l'article 2 / (...) / ARICLE 2 : OCCUPATIONS ET UTILISATIONS SOUMISES A DES CONDITIONS PARTICULIERES / SONT ADMIS SOUS CONDITIONS / 2.1. Les constructions à usage : / • d'habitation et de garages liés aux occupations et utilisations du sol admises dans la zone et exclusivement destinés au logement des personnes dont la présence permanente est nécessaire pour assurer la direction, la surveillance, la sécurité ou l'entretien des établissements présents sur la zone. / (...) ".
21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger.
Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ". Aux termes de l'article R. 151-27 du même code : " Les destinations de constructions sont : / 2° Habitation ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 151-28 de ce code : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : / (...) / 2° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ; / (...) ". L'article 2 de l'arrêté visé ci-dessus du 10 novembre 2016 dispose : " La destination de construction " habitation " prévue au 2° de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme comprend les deux sous-destinations suivantes : logement, hébergement. / La sous-destination " logement " recouvre les constructions destinées au logement principal, secondaire ou occasionnel des ménages à l'exclusion des hébergements couverts par la sous-destination " hébergement ". La sous-destination " logement " recouvre notamment les maisons individuelles et les immeubles collectifs. / La sous-destination " hébergement " recouvre les constructions destinées à l'hébergement dans des résidences ou foyers avec service. Cette sous-destination recouvre notamment les maisons de retraite, les résidences universitaires, les foyers de travailleurs et les résidences autonomie. ".
22. S'il est loisible aux auteurs des plans locaux d'urbanisme de préciser, pour des motifs d'urbanisme et sous le contrôle du juge, le contenu des catégories énumérées à l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme, les dispositions de cet article ne leur permettent, toutefois, ni de créer de nouvelles catégories de destination pour lesquelles seraient prévues des règles spécifiques, ni de soumettre certains des locaux relevant de l'une des catégories qu'il énumère aux règles applicables à une autre catégorie.
23. L'article 2.1 du règlement applicable à la zone UX du plan local d'urbanisme de Haucourt-Moulaine se borne à subordonner aux conditions qu'il énonce l'implantation dans cette zone des constructions destinées à l'habitation. Ce faisant, cet article 2.1, ni ne crée de nouvelles catégories de destination ou sous-destination, autres que celles prévues par les articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, ni ne soumet l'implantation des constructions destinées à l'habitation aux règles applicables aux constructions relevant d'une autre destination que l'habitation ou d'autres sous-destination que le logement et l'hébergement. En outre, en faisant valoir que le projet de construction d'une maison d'habitation en zone UX présentée par la SCI LN-BM ne satisfait pas aux conditions mises par cet article 2.1 à l'implantation dans cette zone de constructions destinées à l'habitation, la commune de Haucourt-Moulaine se borne à faire application de cet article. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme et de l'article 2 de l'arrêté du 10 novembre 2016 doit être écarté.
24. Il ressort des pièces du dossier que, sur le terrain du projet refusé par l'arrêté du 11 juillet 2019, une société dont le gérant est celui de la société requérante exerce, dans partie d'un entrepôt édifié sur la parcelle cadastrée section AM n° 0033, une activité de prestations funéraires. Toutefois, il n'en ressort pas que la présence permanente d'une ou plusieurs personnes serait nécessaire pour assurer la direction, la surveillance, la sécurité ou l'entretien de l'établissement ainsi présent dans la zone UX du plan local d'urbanisme. Il en résulte que la commune de Haucourt-Moulaine est fondée à soutenir que la condition mise par les dispositions de l'article 2.1 du règlement applicable à cette zone à l'implantation d'une construction destinée à l'habitation n'est pas satisfaite et que ces dispositions faisaient, en conséquence, obstacle à la délivrance du permis de construire sollicité. Ce motif est de nature à fonder légalement l'arrêté du 11 juillet 2019. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était initialement fondé sur ce motif. Il y a lieu de le substituer au motif erroné dont fait mention la motivation de cet arrêté, cette substitution ne privant la SCI LN-BM d'aucune garantie procédurale.
25. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI LN-BM n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Haucourt-Moulaine, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par cette commune.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI LN-BM est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Haucourt-Moulaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI LN-BM et à la commune de Haucourt-Moulaine.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien,
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. BettiLa République mande et ordonne à la préfète de la Meurthe-et-Moselle ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 21NC00446