Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 26 juin 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et, d'autre part, l'arrêté du 27 juin 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n°s 2404571, 2404614 du 12 juillet 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de la requête n° 2404571 de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 26 juin 2024 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et les conclusions accessoires y afférentes, a annulé la décision du 26 juin 2024 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a fixé le pays de destination au pays dont M. A... a la nationalité, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et rejeté le surplus des conclusions des requêtes de M. A....
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2024 sous le n° 24NC01934, et un mémoire en réplique, enregistré le 1er octobre 2024, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 juillet 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... A....
Elle soutient que :
- c'est à tort que, pour annuler la décision fixant le pays de destination, en tant qu'elle désigne la pays dont M. A... a la nationalité, le jugement s'est fondé sur une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2024, M. C... A..., représenté par Me Chavkhalov, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la préfète du Bas-Rhin ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 5 du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 juillet 2024 ;
3°) d'annuler, d'une part, les décisions de la préfète du Bas-Rhin du 26 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur ce territoire pendant trois ans et signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et, d'autre part, l'arrêté du 27 juin 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant quarante-cinq jours ;
4°) d'enjoindre à la Préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. C... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen de la requête de la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondé ;
- c'est à tort que le jugement du 12 juillet 2024 n'a pas relevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision portant obligation de quitter le territoire français, du champ d'application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de renouvellement de la carte de résident étant intervenu, en application du 1° de l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la présence de M. A... représente une menace grave pour l'ordre public, les dispositions de l'article L. 432-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisait obstacle à ce que soit prononcée à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît la règle de non-refoulement des réfugiés et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- l'interdiction de retour est illégale en conséquence ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen est illégale en conséquence ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'assignation à résidence est illégale en conséquence ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, aucune perspective raisonnable d'éloignement n'étant envisageable.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024.
II. Par une requête, enregistrée le 2 août 2024 sous le n° 24NC02064, M. C... A..., représenté par Me Chavkhalov, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 juillet 2024, en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur ce territoire pendant trois ans, signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et assignation à résidence ;
2°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas été statué sur les conclusions à fin d'annulation du refus de renouvellement de la carte de résident par leur renvoi devant la formation collégiale ;
3°) d'annuler ce refus ainsi que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur ce territoire pendant trois ans, signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et assignation à résidence ;
4°) d'enjoindre à la Préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. C... A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le jugement du 12 juillet 2024 n'a pas relevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision portant obligation de quitter le territoire français, du champ d'application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de renouvellement de la carte de résident étant intervenu, en application du 1° de l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la présence de M. A... représente une menace grave pour l'ordre public, les dispositions de l'article L. 432-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisait obstacle à ce que soit prononcée à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît la règle de non-refoulement des réfugiés et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- l'interdiction de retour est illégale en conséquence ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen est illégale en conséquence ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'assignation à résidence est illégale en conséquence ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, aucune perspective raisonnable d'éloignement n'étant envisageable.
Les parties ont été informées, par courrier du 24 septembre 2024, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à rendre est susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance, par la décision refusant le renouvellement de la carte de résident, sur laquelle se fonde celle portant obligation de quitter le territoire français, du champ d'application des dispositions de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont applicables qu'au retrait d'une carte de résident et leur a été fixé un délai de dix jours pour présenter des observations sur ce moyen.
Par des mémoires, enregistrés les 24 et 25 septembre 2024 ainsi que 3 octobre 2024, la préfète du Bas-Rhin a présenté des observations sur le moyen relevé d'office communiqué aux parties.
Elle soutient que le retrait d'une carte de résident prévu par l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'entend également du refus de la renouveler et que, même à admettre que tel ne serait pas le cas, il y a lieu, quant à la base légale de ce refus, de substituer le 1° de l'article L. 432-3 à l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par des mémoires, enregistrés les 24 et 25 septembre 2024 ainsi que 3 octobre 2024, M. A... a présenté des observations sur le moyen relevé d'office communiqué aux parties.
Il soutient que l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'applique pas au refus de renouveler une carte de résident et que la substitution de base légale que demande la préfète conduit à méconnaître le champ d'application de l'article L. 611-1 de ce code, compte tenu de son article L. 432-12.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord de réadmission entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie du 25 mai 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Durup de Baleine,
- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique.
- et les observations de Me Chavkhalov, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus présentées par la préfète du Bas-Rhin et M. C... A... pour statuer par un seul et même arrêt.
2. M. C... A..., ressortissant russe né en 1979, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 décembre 2012. Il a été admis au statut de réfugié et, en application des dispositions alors applicables du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de résident, valable du 14 janvier 2013 au 13 janvier 2023, lui a été délivrée. Par une décision du 22 octobre 2019, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin au statut de réfugié de M. A... sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprises depuis le 1er mai 2021 au 1° de l'article L. 511-7 de ce code. Le recours présenté par M. A... contre cette décision a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 décembre 2023, qui lui a été notifiée le 11 janvier 2024 et n'a pas été frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai ouvert à cet effet.
3. Le 13 novembre 2022, M. A... a demandé le renouvellement de la carte de résident qui lui avait été délivrée en 2013.
4. Par un arrêté du 26 juin 2024, la préfète du Bas-Rhin, rejetant la demande ainsi présentée par M. A..., a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un second arrêté, du 27 juin 2024, la préfète du Bas-Rhin a assigné M. A... à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
5. Par le jugement du 12 juillet 2024 dont la préfète du Bas-Rhin et M. A... relèvent appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir renvoyé devant une formation collégiale de ce tribunal les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de sa carte de résident du 28 juin 2024 ainsi que les conclusions accessoires y afférentes, a annulé la décision du 26 juin 2024 fixant le pays de destination en cas d'éloignement en tant qu'elle désigne le pays dont M. A... est le ressortissant, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et rejeté le surplus des conclusions des requêtes de M. A....
6. M. A... ayant, dans le délai qui lui était ouvert à cet effet et le 2 août 2024, relevé appel du jugement du 12 juillet 2024, les conclusions d'appel incident et les moyens présentés à l'appui de ces conclusions le 22 août 2024, après l'échéance de ce délai, dans l'instance n° 24NC01934, doivent être regardés comme des conclusions et moyens à l'appui de sa requête n° 24NC02064.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'article 2 du jugement :
7. Si M. A... demande la réformation de l'article 2 du jugement attaqué, il ne soulève, toutefois, à l'appui de ces conclusions, aucun moyen. C'est à bon droit et par des motifs qu'il y a lieu d'adopter que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la décision du 26 juin 2024 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et les conclusions accessoires y afférentes. Il suit de là qu'il ne saurait être fait droit aux conclusions de la requête tendant à l'annulation de cette décision.
En ce qui concerne l'article 3 du jugement :
8. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
9. Il ne ressort pas du dossier que l'autorité compétente française aurait, à l'appui d'une demande adressée à l'autorité russe de délivrance d'un laissez-passer consulaire au bénéfice de M. A..., communiqué à cette dernière copie de l'arrêté du 26 juin 2024 lui refusant le séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ainsi qu'interdiction de retour sur le territoire français ou copie de procès-verbaux d'audition de M. A..., de tels documents n'étant d'ailleurs pas au nombre de ceux que doit contenir une demande de réadmission, conformément à l'article 7, relatif au contenu des demandes de réadmission, de l'accord de réadmission entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie du 25 mai 2006. Contrairement à ce que fait valoir M. A..., il n'appartient pas à la préfète du Bas-Rhin d'établir que de telles copies n'ont pas été communiquées à l'autorité russe.
10. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 26 juin 2024 fixant le pays de destination, en ce qu'elle désigne le pays dont M. A... a la nationalité, au motif qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'après le 26 juin 2024, l'autorité française a transmis à l'autorité russe copie de l'arrêté du 26 juin 2024 et de procès-verbaux d'audition de l'intéressé, compte tenu de la teneur de ces documents.
11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A..., tant à l'appui de sa demande qu'à l'appui de sa requête d'appel n° 2402064, en ce qu'elle est dirigée contre l'article 5 du jugement du 12 juillet 2024.
En ce qui concerne l'article 5 du jugement attaqué :
12. Aux termes de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, codifié à l'article L. 711-6 de ce code avant le 1er mai 2021 : " Le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes : / 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ; / (...) ".
13. Aux termes de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l'étranger renonce à ce statut, la carte de résident prévue aux articles L. 424-1 et L. 424-3 est retirée. / L'autorité administrative statue sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de menace grave à l'ordre public ou que l'intéressé ne soit pas retourné volontairement dans le pays qu'il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d'être persécuté, la carte de résident ne peut être retirée en application du premier alinéa quand l'étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans. ".
14. Aux termes de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve de l'absence de menace grave pour l'ordre public, de l'établissement de la résidence habituelle de l'étranger en France et des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit. ". L'article L. 432-3 dispose : " Le renouvellement de la carte de résident peut être refusé à tout étranger lorsque : / 1° Sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public ; / (...) ". Selon l'article L. 432-4 de ce même code : " (...) / Une carte de résident ou la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " peut, par décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public. ".
15. Aux termes de l'article L. 432-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'article L. 611-1 n'est pas applicable lorsque l'étranger titulaire d'une carte de résident se voit : / 1° Refuser le renouvellement de sa carte de résident en application du 1° de l'article L. 432-3 ; / 2° Retirer sa carte de résident en application de l'article L. 432-4. / Lorsque l'étranger qui fait l'objet d'une mesure mentionnée aux 1° ou 2° du présent article ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3, une autorisation provisoire de séjour lui est délivrée de droit. ".
16. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".
17. Il résulte tout d'abord du premier alinéa de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, que, dans le cas prévu par cet alinéa, l'autorité administrative compétente est tenue de procéder au retrait de la carte de résident. Il résulte ensuite du troisième alinéa de cet article que, lorsque l'étranger se trouvant dans le cas ainsi prévu réside en France régulièrement depuis au moins cinq ans mais que présence représente une menace grave pour l'ordre public, cette autorité administrative peut retirer cette carte de résident.
18. Il résulte ensuite des dispositions qui précèdent que lorsque, sur le fondement du 1° de l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le renouvellement de la carte de résident d'un étranger lui est refusé au motif que sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public, l'autorité administrative, conformément à l'article L. 432-12, ne peut, sur le fondement de l'article L. 611-1, l'obliger à quitter le territoire français. Elle peut, le cas échéant, décider de l'expulser, comme le prévoit l'article L. 631-1 de ce code. Il en va de même lorsqu'en application du second alinéa de l'article L. 432-4, a été retirée la carte de résident d'un étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public.
19. Le retrait d'un titre de séjour, qui est l'abrogation d'un titre de séjour à une date à laquelle la période de validité de ce titre n'est pas échue, est distinct du refus de renouveler ce titre de séjour, dont l'objet est, à l'issue de cette période de validité, de refuser à l'étranger la délivrance d'un nouveau titre de séjour, qu'il soit de même nature, sur le même fondement ou non, que le titre de séjour antérieur, ou qu'il soit d'une autre nature que ce titre de séjour.
20. Il ressort de l'arrêté du 26 juin 2024 refusant l'admission au séjour de M. A... et lui faisant obligation de quitter le territoire français que, pour rejeter la demande de renouvellement de la carte de résident dont il était titulaire, la préfète du Bas-Rhin, après avoir estimé que la gravité du comportement de l'intéressé permet de regarder sa présence en France comme constituant une menace grave pour la sûreté de l'Etat, s'est seulement fondée sur les dispositions de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puis, pour lui faire obligation de quitter le territoire français, a ensuite fait application des dispositions des 3° et 5° de l'article L. 611-1 de ce code.
21. Toutefois, le champ d'application de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est limité, ainsi qu'il résulte de ses termes mêmes, au cas du retrait de la carte de résident, mais ne s'étend pas au refus de renouveler un tel titre de séjour. A cet égard, il ne ressort, ni des travaux préparatoires de l'article 28 de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, qui a créé l'article L. 311-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ensuite repris depuis le 1er mai 2021 à l'article L. 424-6, ni de ceux de l'article 46 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui a modifié le dernier alinéa de l'article L. 424-6, que le législateur aurait entendu que l'article L. 424-6 puisse légalement fonder le refus de renouveler la carte de résident d'un réfugié dont il a été mis au statut de réfugié en application du 1° de l'article L. 511-7 de ce code.
22. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas retiré la carte de résident dont était titulaire M. A... et en se fondant, pour rejeter la demande de renouvellement de ce titre de séjour, sur les dispositions de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en a méconnu le champ d'application.
23. Quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, à la base légale erronée du refus de renouvellement de cette carte de résident constituée par l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait être substituée celle constituée par le 1° de l'article L. 432-3 de ce code, qui est applicable au réfugié demandant le renouvellement de sa carte de résident mais dont il a été mis fin au statut de réfugié sur le fondement du 1° de l'article L. 511-7, dès lors que l'article L. 432-12 fait obstacle à ce que soit prononcée une décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'étranger titulaire d'une carte de résident qui s'en est vu refuser le renouvellement lorsque sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public. Il en résulte que la préfète du Bas-Rhin, si elle demande qu'à la base légale du refus de renouvellement de la carte de résident constituée par l'article L. 424-6 soit substituée celle constituée par le 1° de l'article L. 432-3, n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français pourrait trouver son fondement dans les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables en cas d'application du 1° de l'article L. 432-3.
24. Dès lors, compte tenu des motifs du refus de renouvellement de cette carte de résident, tirés de la menace grave pour l'ordre public que constitue la présence en France de M. A..., de sorte que seul le 1° de l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est propre à fonder légalement un tel refus, la préfète du Bas-Rhin, en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3° et 5° de l'article L. 611-1 a, compte tenu des termes de l'article L. 432-12, méconnu le champ d'application de cet article L. 611-1. Au surplus, M. A... résidant régulièrement en France depuis plus de trois mois, sa situation ne relève pas des prévisions de ce 5°.
25. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 5 du jugement attaqué, la première juge a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, d'une part, des décisions de la préfète du Bas-Rhin du 26 juin 2024 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination en tant que désignant d'autres pays que celui dont il est le ressortissant et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français et, d'autre part, de l'arrêté de cette préfète du 27 juin 2024 l'assignant à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant quarante-cinq jours. La préfète du Bas-Rhin n'est, pour sa part, pas fondée à se plaindre de ce que, par son article 3, ce jugement a annulé la décision du 26 juin 2024 fixant le pays de destination en tant qu'elle désigne celui dont M. A... a la nationalité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
26. Conformément à l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois à compter de sa notification, en le munissant, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour. Le présent arrêt n'annulant pas la décision refusant le renouvellement de la carte de résident, il n'implique pas nécessairement que cette autorisation provisoire de séjour autorise M. A... à travailler. Il implique, en revanche, que, sans délai, la préfète du Bas-Rhin procède à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
27. Dans les circonstances, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique en mettant à ce titre la charge de l'Etat le versement à Me Chavkhalov de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 24NC01934 de la préfète du Bas-Rhin est rejetée.
Article 2 : L'article 5 du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg n°s 2404571, 2404614 du 12 juillet 2024 est annulé.
Article 3 : Les décisions du 26 juin 2024 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination en tant qu'elle désigne d'autres pays que celui dont il est le ressortissant et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et l'arrêté du 27 juin 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin a assigné M. A... à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant quarante-cinq jours sont annulés.
Article 4 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision et, sans délai, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Article 5 : L'Etat versera à Me Chavkhalov la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... A... et à Me Chavkhalov.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N°s 24NC01934, 24NC02064