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12/11/2024 | FRANCE | N°21NC03132

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 12 novembre 2024, 21NC03132


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A..., Mme B... A..., Mme G... D... et la société civile immobilière (SCI) SBV ont demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler, l'arrêté du 27 février 2018 par lequel le maire d'Epinal a délivré un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) Reffye Expertise et la décision du 11 mai 2018 rejetant leur recours gracieux, et d'autre part, d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2018 par lequel le maire a délivré à la société pét

itionnaire un permis de construire modificatif.



Par un jugement avant dire droit n° 180...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A..., Mme B... A..., Mme G... D... et la société civile immobilière (SCI) SBV ont demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler, l'arrêté du 27 février 2018 par lequel le maire d'Epinal a délivré un permis de construire à la société civile immobilière (SCI) Reffye Expertise et la décision du 11 mai 2018 rejetant leur recours gracieux, et d'autre part, d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2018 par lequel le maire a délivré à la société pétitionnaire un permis de construire modificatif.

Par un jugement avant dire droit n° 1802100 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer et fixé à cinq mois le délai dans lequel la régularisation du vice du permis de construire résultant de la méconnaissance des articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme doit être notifiée.

Un permis de construire modificatif a été délivré à la société Reffye Expertise le 19 avril 2021 et a été transmis au tribunal le 21 avril 2021.

Par un jugement n° 1802100 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. et Mme A..., H... Mme D... et F....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le 28 novembre 2022, M. et Mme A..., Mme D... et F..., représentés par Me Gehin, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1802100 du 24 novembre 2020 ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1802100 du 5 octobre 2021 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2018 portant permis de construire ;

4°) d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2018 portant permis de construire modificatif ;

5°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 portant permis de construire modificatif ;

6°) de mettre à la charge de la commune d'Epinal les entiers frais et dépens de l'instance, y compris le timbre CNBF de plaidoirie de 13 euros ;

7°) de mettre à la charge de la commune d'Epinal la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

8°) de mettre à la charge de la SCI Reffye Expertise la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

Sur la régularité des jugements attaqués :

- le jugement du 5 octobre 2021 est irrégulier en ce qu'il a été audiencé avant l'expiration du délai de recours relatif au permis de construire modificatif du 19 avril 2021 ;

- il n'a pas respecté le principe du contradictoire, dès lors que leurs observations n'ont pas été sollicitées concernant le permis de construire modificatif du 19 avril 2021 ;

- il a été rendu en méconnaissance des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et R. 421-1 du code de justice administrative en ce que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur les conclusions contenues dans leur mémoire du 23 septembre 2021 ;

Sur la légalité des arrêtés en litige :

- ils méconnaissent l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal ;

- ils méconnaissent l'article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée ;

- ils méconnaissent l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal ;

- ils méconnaissent l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2022, la SCI Reffye Expertise, représentée par Me De Zolt, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A..., H... Mme D... et F..., ensemble, le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, en ce que la formalité exigée par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'a pas été respectée ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Par des lettres du 24 septembre 2024, les parties ont été informées que la cour était susceptible de surseoir à statuer pendant un délai de quatre mois en vue de la régularisation du vice résultant de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal ainsi qu'invitées à faire valoir leurs observations, dans un délai de quinze jours.

Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2024, M. et Mme A..., Mme D... et F... ont présenté des observations en réponse à la lettre du 24 septembre 2024.

Ils soutiennent que le vice tiré de la méconnaissance de l'article UE3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal n'est pas susceptible de se prêter à la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2024, la SCI Reffye Expertise a présenté des observations en réponse à la lettre du 24 septembre 2024.

Elle soutient que, dans le cas où il serait sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, un délai de six mois est nécessaire.

Par un mémoire, enregistré le 8 octobre 2024, la commune d'Epinal a présenté des observations en réponse à la lettre du 24 septembre 2024.

Elle fait valoir n'être pas opposée à la mise en œuvre d'une mesure de régularisation.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la commande publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Durup de Baleine,

- les conclusions H... Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Damilot, pour la SCI Reffye Expertise.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 février 2018, le maire d'Epinal, faisant droit à une demande déposée le 18 juillet 2017 par la SCI Reffye Expertise, lui a délivré un permis de construire l'autorisant, sur une unité foncière d'une contenance de 6 297 m2 formée des parcelles cadastrées section AW n°s 127, 128, 184, 186 et 188 au 78 rue Louis Barthou, à édifier un immeuble collectif d'habitation comportant vingt-deux logements et d'une surface de plancher de 1 707, 46 m2. Par un arrêté du 28 décembre 2018, le maire d'Epinal a délivré un permis de construire modificatif à la SCI Reffye Expertise. M. et Mme A..., Mme D... et F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le permis de construire ainsi modifié et la décision du 11 mai 2018 rejetant leur recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 27 février 2018. Par un jugement avant dire droit n° 1802100, du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a sursis à statuer sur la requête, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de la régularisation du vice tenant à la méconnaissance des articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme. Par un second jugement n° 1802100 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif a considéré que les vices avaient été régularisés par l'arrêté du 19 avril 2021 portant permis de construire modificatif, qui ramène le nombre de logements à 20 et porte la surface de plancher à 1 873, 67 m2. M. et Mme A..., Mme D... et F... relèvent appel des jugements des 24 novembre 2020 et 5 octobre 2021 par lesquels le tribunal administratif Nancy a sursis à statuer sur leurs demandes puis les a rejetées.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

2. Il ressort des pièces du dossier que, dans les quinze jours de l'enregistrement, le 6 décembre 2021, de leur requête, les requérants en ont, dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, notifié copie à la commune d'Epinal et à la SCI Reffye Expertise, qui en ont accusé réception le 10 décembre 2021. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par la SCI Reffye Expertise, tirée du défaut de ces notifications, ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement du 5 octobre 2021 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ". Aux termes de l'article L. 600-5-2 du même code : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ". Aux termes de l'article R. 600-5 de ce code : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation est contesté dans les conditions prévues à l'article L. 600-5-2, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à son encontre passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant ".

4. En application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, les requérants ne peuvent évoquer des moyens nouveaux à l'encontre du permis modificatif que dans le délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense en faisant état. L'affaire ne peut être audiencée dans ce délai. Dès lors que la légalité d'un permis de construire modificatif délivré, à titre de mesure de régularisation, au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire initial ne peut être contesté par les parties que dans le cadre de cette instance, que ce permis modificatif a été communiqué à ces parties et que, conformément à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le juge a invité les parties à présenter leurs observations sur la mesure de régularisation ainsi communiquée, l'affaire peut être portée au rôle d'une audience publique dès l'échéance du délai de deux mois prévu à l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, aucune règle, notamment pas les stipulations des articles 6 ou 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne faisant alors obligation au juge d'attendre, avant d'audiencer l'affaire, l'échéance du délai du recours contentieux ouvert au requérant contre ce permis de construire modificatif, recours qui devrait alors être regardé comme un mémoire produit dans l'instance en cours.

5. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif, délivré à la SCI Reffye Expertise, à titre de mesure de régularisation, le 19 avril 2021, a été communiqué au tribunal administratif le 21 avril 2021. Il a été communiqué aux parties le 23 avril 2021, notamment les requérants, qui en ont accusé réception le 26 avril 2021 et les parties ont été invitées à présenter des observations sur la mesure de régularisation ainsi communiquée. Le premier mémoire en défense faisant état de cette mesure de régularisation a été présentée par la commune d'Epinal le 22 avril 2021 et a été communiqué le lendemain aux requérants, qui en ont accusé réception le 26 avril 2021. L'instruction, qui avait été close le 6 août 2021, a été rouverte par une ordonnance du 26 août 2021. Les requérants disposaient ainsi d'un délai de deux mois, jusqu'au 27 juin 2021, pour soulever des moyens nouveaux à l'encontre du permis de construire modificatif du 19 avril 2021. Il en résulte que le tribunal, en portant l'affaire au rôle de l'audience du 14 septembre 2021, n'a commis aucune irrégularité.

6. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que leurs observations n'ont pas été sollicitées à propos du permis de construire modificatif du 19 avril 2021, il ressort des pièces du dossier et ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus, que les parties ont été invitées à produire leurs observations à ce sujet, par des courriers du 23 avril 2021, réceptionnés par les requérants le 26 avril 2021. Ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le jugement aurait été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ".

8. Le tribunal administratif est tenu, à peine d'irrégularité de son jugement, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans une note en délibéré et, plus généralement, dans une production postérieure à la clôture de celle-ci, lorsqu'elle contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire.

9. Les requérants soutiennent que le jugement est irrégulier en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur les conclusions et moyens exposés dans leur mémoire du 23 septembre 2021. Il ressort des pièces du dossier que ce document constitue une note en délibéré, qui a été produite après l'audience qui s'est tenue le 14 septembre 2021. Cette note a été visée dans le jugement et il en ressort que le tribunal en a pris connaissance. Il ne ressort pas de cette note en délibéré qu'elle aurait contenu l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont les requérants n'auraient pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. Dès lors, en ne communiquant pas cette note de délibéré comme, en conséquence, en ne rouvrant pas l'instruction, les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

En ce qui concerne la légalité du permis de construire du 27 février 2018 modifié :

10. En premier lieu, aux termes de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal : " 1-accès. Toute nouvelle construction est interdite sur les terrains non desservis par des voies publiques ou privées, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisins ou éventuellement obtenu par application de l'article 682 du code civil, dans les conditions répondant à l'importance et à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles à édifier, notamment en ce qui concerne la commodité : de la circulation, de l'accès et de l'approche des moyens de lutte contre l'incendie (...). Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voies publiques, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit ".

11. La conformité d'un immeuble aux prescriptions d'un plan local d'urbanisme relatives à la voie de desserte des constructions s'apprécie non par rapport à l'état initial de la voie mais en tenant compte des prévisions inscrites dans le plan local d'urbanisme à l'égard de celle-ci et des circonstances de droit et de fait déterminantes pour leur réalisation qui doit être certaine dans son principe comme dans son échéance de réalisation.

12. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du permis de construire modificatif du 19 avril 2021, les caractéristiques de la voie publique permettant l'accès au terrain sont insuffisantes en termes de sécurité, eu égard aux exigences du plan local d'urbanisme, le terrain débouchant directement, à l'angle de la rue Louis Barthou et de la rue de Bellevue, à l'emplacement d'un passage piéton et de la bande matérialisée au sol imposant aux véhicules, à l'extrémité de la rue de Bellevue, de marquer l'arrêt avant de s'engager rue Louis Barthou. Il en ressort également que des travaux d'aménagement de la voirie, et notamment une modification du carrefour d'accès au terrain, sont prévus pour pallier cette insuffisance, en particulier par le déplacement de ce passage piéton en un autre point de la rue de Bellevue. Si le permis de construire du 27 février 2018 comporte les plans de cet aménagement de voirie et prévoit que les modifications de l'intersection entre la rue Louis Barthou et la rue de Bellevue sont à la charge exclusive de la SCI Reffye Expertise qui aura à solliciter, avant travaux et auprès des gestionnaires concernées, une autorisation de voirie pour toutes les modifications de l'existant, toutefois, alors que la SCI Reffye Expertise s'est bornée, le 10 février 2021, à présenter une demande de permission ou d'autorisation de voirie à la commune d'Epinal et que l'avis du président du conseil départemental du 2 mars 2021 fait état d'un réaménagement de la voie communale qui doit être réalisé par la commune qui devra faire une demande de permission de voirie auprès d'un service du département, ces éléments ne suffisent pas à tenir la réalisation de ces travaux de voirie, travaux publics à effectuer sur le domaine public, comme certaine, notamment dans son échéance de réalisation. Il en résulte que les requérants sont fondés à soutenir que le permis du 27 février 2018 modifié méconnaît l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal.

13. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ".

14. Les dispositions de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée ont été codifiées au sein du code de la commande publique et ne sont pas au nombre de celles énumérées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme au regard desquelles s'apprécie la légalité d'un permis de construire. Dans ces conditions, les requérants ne peuvent utilement s'en prévaloir à l'appui de leur requête.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'aspect extérieur : " 1. Dispositions générales. Le projet peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observations de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des constructions ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

16. En se bornant à soutenir que la construction projetée constitue une atteinte disproportionnée à l'intérêt des lieux avoisinants dès lors qu'elle implique une vue plongeante sur trois propriétés privées, les requérants n'assortissent pas le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UE 11 des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire d'Epinal aurait commis, au regard de ces dispositions, une erreur manifeste d'appréciation.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / (...) / 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. (...) ". Aux termes de l'article L. 332-7 de ce même code : " L'illégalité des prescriptions exigeant des taxes ou des contributions aux dépenses d'équipements publics est sans effet sur la légalité des autres dispositions de l'autorisation de construire. / Lorsque l'une de ces prescriptions est annulée pour illégalité, l'autorité qui a délivré l'autorisation prend, compte tenu de la décision juridictionnelle devenue définitive, un nouvel arrêté portant la prescription d'une taxe ou d'une contribution aux dépenses d'équipements publics. ".

18. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 332-7 du code de l'urbanisme que M. et Mme A... et autres ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme pour demander l'annulation de l'autorisation de construire délivrée par l'arrêté du 27 février 2018 à la SCI Reffye Expertise.

19. D'autre part, il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 332-6 et de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme le coût des équipements propres à son projet. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l'autorisation. Relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article L. 332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres et que le réseau correspondant, dimensionné pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soit pas destiné à desservir d'autres constructions existantes ou futures. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.

20. En l'espèce, la commune d'Epinal a mis à la charge de la société Reffye Expertise des travaux d'aménagement de la voirie tenant à la création de l'accès au terrain d'assiette du projet et en des modifications de l'intersection entre la rue Louis Barthou et la rue Bellevue. Il ressort des pièces du dossier que les aménagements projetés ont été rendus nécessaires afin d'assurer la sécurité des futurs occupants de l'ensemble immobilier comprenant dix-sept logements, générant ainsi un trafic plus important. Par ailleurs, les travaux ont également vocation à assurer la sécurité des piétons empruntant le passage piéton, ainsi que celle des automobilistes devant marquer l'arrêt à cet endroit précis. Au vu de ces éléments, et alors même que le plan de réaménagement du carrefour a été établi en concertation avec les services de la commune d'Epinal et le conseil départemental des Vosges, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces aménagements excèderaient, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins du projet en litige. Bien que, au vu de la situation géographique du projet, ces aménagements bénéficient à la sécurité publique et puissent être utilisés par d'autres administrés que les futurs occupants de l'immeuble, ces seules circonstances ne sauraient avoir pour effet de les qualifier d'équipements autres que propres, au sens et pour l'application du 3° de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, ces travaux d'aménagement constituent un équipement propre dont la réalisation pouvait être mise à la charge de la SCI Reffye Expertise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme doit, par conséquent, être écarté et ce, à admettre que les requérants justifieraient d'un intérêt leur donnant qualité à agir en annulation de l'article 5 de l'arrêté attaqué, distinct de l'autorisation de construire délivrée à la SCI Reffye Expertise.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A..., Mme D... et F... sont seulement fondés à soutenir que l'arrêté attaqué du 27 février 2018 méconnaît, pour les raisons mentionnées au point 12 de la présente décision, l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal.

En ce qui concerne la régularisation :

22. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

23. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

24. Le vice du permis de construire du 27 février 2018 modifié résultant de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal est, eu égard à l'objet de la règle ainsi méconnue, de nature à entraîner l'illégalité de ce permis dans son ensemble. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.

25. Les règles d'urbanisme en vigueur à la date du présent arrêt permettent une mesure de régularisation du projet autorisé par le permis de construire du 7 février 2018 modifié qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. La circonstance que le dossier ne ferait pas apparaitre les modalités matérielles selon lesquelles des travaux de réaménagement au droit de l'accès du terrain à l'intersection des rues Louis Barthou et de Bellevue pourraient être réalisés, à l'effet d'assurer la conformité de ce projet à l'article UE 3 précité, ni le délai dans lequel le maître d'ouvrage de ces travaux pourrait les accomplir ou faire accomplir, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'éventualité de la mise en œuvre de ces dispositions. Dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer et d'impartir à la SCI Reffye Expertise et à la commune d'Epinal un délai de quatre mois, à compter de la notification du présent arrêt, à l'effet de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. et Mme A... et autres jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la SCI Reffye Expertise et à la commune d'Epinal pour notifier à la cour un permis de construire modificatif régularisant le vice relevé au point 12 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., représentant unique des requérants en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la SCI Reffye Expertise et à la commune d'Epinal.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien,

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. BettiLa République mande et ordonne au préfet des Vosges en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 21NC03132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03132
Date de la décision : 12/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-12;21nc03132 ?
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