Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2024 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-jours.
Par un jugement n° 2400373 du 13 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 16 janvier 2024 et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le mois de la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 20 février 2024 sous le n° 24NC00387, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 13 février 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Elle soutient que :
- c'est en méconnaissance de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le tribunal, statuant ultra petita, a enjoint la délivrance d'un titre de séjour ;
- ce faisant, le tribunal a commis une erreur de droit, voire une méconnaissance du champ d'application de la loi ;
- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une telle erreur ;
- le comportement de M. A... constitue un trouble à l'ordre public ;
- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de fait ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2024, M. B... A..., représenté par Me Elsaesser, demande au tribunal :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de rejeter la requête de la préfète du Bas-Rhin ;
3°) à défaut, de confirmer partiellement le jugement du 13 février 2024 et d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans le mois de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en lui délivrant, dans les cinq jours de cette notification et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) à défaut, d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2024 et d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans le mois de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en lui délivrant, dans les cinq jours de cette notification et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros hors taxes au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de la préfète du Bas-Rhin ne critique pas utilement le jugement attaqué et, ne faisant que reprendre les propos généraux déjà exposés en première instance, est irrecevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2024.
II. Par une requête, enregistrée le 20 février 2024 sous le n° 24NC00386, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2400373 du 10 octobre 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2024, M. B... A..., représenté par Me Elsaesser, demande au tribunal :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de rejeter la requête de la préfète du Bas-Rhin ;
3°) de mettre de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros hors taxes au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Durup de Baleine, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus présentées par la préfète du Bas-Rhin pour statuer par un seul et même arrêt.
2. M. B... A..., ressortissant tunisien né en 1994, est, selon ses déclarations, arrivé sur le territoire français en 2014 ou 2015. Par deux arrêtés du 16 janvier 2024, la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant une durée de quarante-cinq jours, en lui prescrivant de se présenter les mercredis, hors jours fériés, à la direction interdépartementale de la police aux frontières de Strasbourg. Par le jugement n° 2400373 du 13 février 2024 dont la préfète du Bas-Rhin relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces arrêtés du 16 janvier 20245 et enjoint à cette préfète de délivrer à M. A... un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le mois de la notification de ce jugement.
Sur les demandes d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
3. M. A... ayant été admis en cours d'instances au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, ses conclusions tendant à ce que lui soit accordée l'aide juridictionnelle provisoire sont sans objet.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête n° 2400387 :
4. Aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV. ". Aux termes de l'article R. 411-1 de ce code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / (...) ".
5. La requête de la préfète du Bas-Rhin, qui n'avait pas la qualité de requérante devant le premier juge, contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge d'appel. Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée par M. A... de l'insuffisante motivation de cette requête doit être écartée.
Sur la légalité des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 16 janvier 2024 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :
6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et, n'ayant d'ailleurs pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. A ce titre, sa situation relève du cas prévu au 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel la préfète peut obliger un étranger à quitter le territoire français.
8. En deuxième lieu, il ressort également des pièces du dossier qu'il est établi que, dans la nuit du 31 décembre 2023 au 1er janvier 2024, M. A..., conduisant un véhicule appartenant à un tiers, a refusé d'obtempérer à une sommation de s'arrêter qui lui était faite par un gendarme, conduisait ce véhicule avec une concentration d'alcool par litre d'au moins 0, 50 gramme dans le sang ou 0, 25 milligramme dans l'air expiré et a présenté un faux permis de conduire belge dont, à l'occasion de son audition en garde à vue le 16 janvier 2024, il a déclaré qu'il l'avait échangé contre un permis de conduire tunisien moyennant le versement d'une somme de 300 euros. Ce faisant, M. A... détenait et a fait usage d'un faux document administratif constituant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation et conduisait ce véhicule sans permis de conduire valide. Eu égard aux faits ainsi commis par M. A..., qui sont pluriels et ne sont pas dépourvus de gravité, ainsi qu'à leur caractère très récent, c'est par une exacte qualification de ces faits que la préfète du Bas-Rhin a, compte tenu de l'ensemble du comportement de M. A..., estimé que le comportement de ce dernier constitue une menace pour l'ordre public. Il en résulte que la situation de M. A..., qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, relève également du cas prévu au 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel la préfète peut obliger un étranger à quitter le territoire français.
9. En troisième lieu, si M. A... se prévaut de la circonstance qu'il a exercé plusieurs activités professionnelles depuis son entrée sur le territoire français, cette situation, qui n'est établie qu'à compter du mois de novembre 2016, n'est ainsi pas particulièrement ancienne et M. A... était, toutefois, sans droit de les exercer. Un tel exercice irrégulier, qui ne s'explique que par son entrée irrégulière sur son territoire puis son abstention à solliciter la délivrance d'un titre de séjour, en vue, le cas échéant, de régulariser cette situation, ne constitue pas une insertion professionnelle stable et durable.
10. En quatrième lieu, le mariage de M. A... avec une ressortissante française le 13 janvier 2024 est très récent et il en va de même de la communauté de vie alléguée avec cette personne depuis le mois de février 2023. Les époux n'ont ensemble aucune tierce personne à leur charge, notamment pas d'enfant, M. A... ne justifiant pas de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables sur le territoire français.
11. Compte tenu de l'ensemble des circonstances caractérisant ainsi la situation de séjour ainsi que la situation personnelle et familiale de M. A... sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la préfète du Bas-Rhin, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a estimé que sa décision du 16 janvier 2024 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français était entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
13. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'appui de ses conclusions en annulation des arrêtés du 16 janvier 2024.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant d'accorder un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour :
14. Il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
15. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de son audition le 16 janvier 2024 par un agent de police judiciaire de l'escadron départemental de sécurité routière du Bas-Rhin, M. A... a été entendu sur les conditions de son entrée sur le territoire français ainsi que sur l'irrégularité de son séjour sur ce territoire, ainsi, au surplus, que sur la perspective d'un éloignement hors de ce territoire à destination de son pays. Ce faisant, il a été mis à même de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur sa situation de séjour ainsi que sur cette perspective, ainsi d'ailleurs qu'il l'a fait. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu avant le prononcé d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire assortie d'une interdiction de retour sur ce territoire doit être écarté.
16. Il ne résulte pas de l'instruction que la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas méconnu l'étendue du pouvoir d'appréciation dont l'investissent les dispositions des articles L. 611-1, L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour décider s'il y a lieu de faire obligation de quitter le territoire français à un étranger relevant des prévisions de l'article L. 611-1 et s'il y a lieu, en application de l'article L. 612-2, de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, se serait abstenue de procéder à un examen de la situation personnelle de M. A.... Il suit de là que le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, en ses diverses branches, être écarté.
17. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'en conséquence l'arrêté du 16 janvier 2024 ne lui refuse pas. Il en résulte qu'il ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 7 quater et de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail, qui ne régissent pas les conditions dans lesquelles les ressortissants tunisiens séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public sont susceptibles de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et qui ne prévoient pas non plus la délivrance de plein droit de titres de séjour.
18. Lorsque la loi ou une convention internationale prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ni, le cas échéant, de consulter d'office la commission du titre de séjour quand l'intéressé est susceptible de justifier d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français alors qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre.
19. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.
20. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
21. M. A... ne justifie pas de la date ou de la période de son arrivée sur le territoire français et, si son séjour sur ce territoire n'est pas récent, il n'est pas ancien, la présence de l'intéressé sur le territoire français n'étant établie par les pièces du dossier qu'à compter du mois de novembre 2016 et non dès l'année 2014 ou l'année 2015 ainsi que le soutient l'intimé. Son mariage avec une ressortissante française le 13 janvier 2024 est très récent et il en va de même de la communauté de vie antérieure alléguée avec son épouse depuis le mois de février 2023, les époux n'ayant ensemble aucun enfant à charge. M. A... s'est, en connaissance de cause, abstenu de solliciter la délivrance d'un titre de séjour et a exercé diverses activités professionnelles, alors que, ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne sans titre de séjour, il n'était pas en droit de le faire. Ainsi qu'il a été dit, c'est sans erreur de qualification des faits que la préfète du Bas-Rhin a estimé que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Si M. A... rappelle l'exercice de ces activités professionnelles, un tel exercice n'est pas en lui-même constitutif de la vie privée et familiale et M. A... ne justifie pas en quoi, à la faveur de l'exercice d'activités professionnelles en France, il y aurait établi une vie privée et familiale particulièrement stable et intense ni en quoi l'exercice de ces activités se serait trouvé étroitement mêlé à sa vie privée et familiale. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que M. A... serait sans attaches familiales dans le pays dont il est le ressortissant et où il a vécu habituellement pendant plus de vingt ans, alors qu'il se borne à faire état de la présence en France d'une tante, d'un oncle, d'une cousine et d'un cousin, résidant en Ile-de-France ou dans le département du Cher, qui ne sont pas à sa charge et à la charge desquels il n'est pas. Dès lors, en lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, la préfète du Bas-Rhin n'a, compte tenu des conditions du séjour de M. A... en France comme des effets d'une obligation de quitter le territoire français, pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ont été prises ces décisions qui, par suite, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
22. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que celle refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale et dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette obligation.
23. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) ".
24. Il ressort des termes de l'arrêté du 16 janvier 2024 qu'il comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision de son auteur de ne pas accorder à M. A... un délai de départ volontaire. Il en résulte que cette décision est régulièrement motivée.
25. M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il se trouve, ainsi, dans le cas prévu au 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel le risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, qui ne ressort pas en l'espèce des pièces du dossier. En outre, le comportement de M. A... constituant une menace pour l'ordre public, il se trouve également dans le cas prévu au 1° de l'article L. 612-2, dans lequel l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire. Dès lors, c'est par une exacte application des dispositions citées au point 23 que la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire.
26. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que celle fixant le pays de destination en cas de reconduite d'office est illégale et privée de base légale en raison de l'illégalité de cette obligation.
27. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est privée de base légale en raison de l'illégalité de cette obligation et de ce refus.
28. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". En outre, l'article L. 613-2 de ce code dispose : " (...) les décisions d'interdiction de retour (...) sont motivées. ".
29. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. L'autorité compétente doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
30. En outre, il résulte de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit alors être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
31. L'arrêté du 16 janvier 2024 portant obligation pour M. A... de quitter sans délai le territoire français comporte l'indication des considérations de droit et de fait fondant, tant en son principe qu'en sa durée, la décision de son auteur de faire interdiction à l'intéressé de retour sur le territoire français pendant un an. Cette motivation, qui permet au requérant à sa seule lecture de comprendre les motifs de cette interdiction, atteste de la prise en compte de l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que la décision portant interdiction de retour est régulièrement motivée.
32. Il résulte de l'instruction que, pour décider de faire interdiction à M. A... de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, la préfète du Bas-Rhin a examiné la situation personnelle de l'intéressé ainsi que recherché si une circonstance humanitaire était de nature à justifier que ne soit pas prononcée une interdiction de retour.
33. Si le requérant se prévaut de la circonstance qu'une interdiction de retour fait obstacle, pendant sa durée, à ce que puisse être délivré un visa d'entrée sur le territoire français, une telle circonstance, qui est propre aux effets de toute interdiction de retour sur le territoire, ne caractérise pas, le concernant, une circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une telle interdiction. Dès lors, en retenant l'absence de circonstances humanitaires justifiant que ne soit pas prononcée une interdiction de cette nature, la préfète du Bas-Rhin ne s'est pas livrée à une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
34. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin, que l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'investissait pas d'un pouvoir d'apprécier s'il y avait lieu en opportunité de prononcer une interdiction de retour, aurait commis une erreur d'appréciation en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour. En retenant cette durée, la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas commis d'erreur de fait en estimant que le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public, n'a pas davantage porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé, qui ne justifie pas ne pouvoir poursuivre sa vie privée et familiale ailleurs qu'en France pendant au moins un an, au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
35. Aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".
36. Il ressort de l'arrêté du 16 janvier 2024 assignant M. A... à résidence qu'il comporte l'indication des considérations de droit et de fait constituant le fondement de cette décision, qui est, dès lors, régulièrement motivée.
37. Il résulte de ce qui a été dit quant à la légalité de l'arrêté du 16 janvier 2024 portant obligation de quitter le territoire français que M. A... n'est pas fondé à soutenir que celui du même jour l'assignant à résidence serait privé de base légale en raison de l'illégalité de cette obligation.
38. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué du 13 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 16 janvier 2024.
Sur la régularité de l'article 2 du jugement attaqué :
39. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
40. Il résulte des dispositions spéciales de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français au motif qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette obligation sur la situation personnelle de l'étranger n'implique pas nécessairement que l'administration lui délivre un titre de séjour, mais implique seulement qu'elle statue à nouveau sur son cas, après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'à la nouvelle décision du préfet. Il en résulte que le premier juge, après avoir annulé la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français n'a pu, sans méconnaître les dispositions de cet article L. 614-16 et entacher l'article 2 de son jugement d'irrégularité sur ce point, enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler. Dès lors, il y a lieu d'annuler cet article 2.
41. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
42. Le présent arrêt, qui annule l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 février 2024 et rejette les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 16 janvier 2024, n'implique aucune mesure d'exécution. Il en résulte que les conclusions de M. A... tendant à ce que, sous astreinte, il soit enjoint à cette préfète de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ne sauraient être accueillies.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
43. Le présent arrêt statue sur l'appel de la préfète du Bas-Rhin contre le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 13 février 2024. Il n'y, par suite, pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24NC00386 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés au litige :
44. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de sommes à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la préfète du Bas-Rhin n° 24NC00386.
Article 3 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg n° 2400373 du 13 février 2024 est annulé.
Article 4 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Elsaesser et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Strasbourg.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé :A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N°s 24NC00386, 24NC00387