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15/10/2024 | FRANCE | N°21NC01990

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 15 octobre 2024, 21NC01990


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et la société civile d'exploitation agricole (SCEA) A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 25 février 2019 par lequel le maire de la commune de Dommartin-aux-Bois a mis en demeure M. A..., en qualité de gérant de la SCEA A..., de rétablir l'assiette des chemins ruraux dits "chemin des Hiérottes" et "Passée des Grands Côtés" afin d'y rétablir la libre circulation.



Par un jugement n°1901200 du 18 mai 202

1, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et la société civile d'exploitation agricole (SCEA) A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 25 février 2019 par lequel le maire de la commune de Dommartin-aux-Bois a mis en demeure M. A..., en qualité de gérant de la SCEA A..., de rétablir l'assiette des chemins ruraux dits "chemin des Hiérottes" et "Passée des Grands Côtés" afin d'y rétablir la libre circulation.

Par un jugement n°1901200 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juillet 2021 et 12 avril 2022, M. A... et la SCEA A..., représentés par la SELARL Knittel - Fouray et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Dommartin-aux-Bois du 25 février 2019.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la commune n'a pas renoncé à l'usage des deux chemins en litige dès lors que les chemins étaient en friche depuis de nombreuses années avant que les requérants obtiennent autorisation de la commune de les défricher et de les exploiter, que la commune a autorisé l'exploitation de ses chemins et qu'ils sont aujourd'hui inexistants et non-utilisés comme une voie de passage ;

- le tribunal a commis une erreur de droit dès lors qu'il a méconnu la règle selon laquelle la désaffection d'un chemin rural ne résulte que d'un état de fait ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la commune avait manifesté sa volonté de maintenir ou de rétablir l'affectation au public des chemins ruraux situés sur son territoire, dès lors qu'il s'est fondé sur des déclarations générales visant les chemins ruraux encore existants et non sur des actes de surveillance et de voirie des chemins en cause ;

- le tribunal a commis une erreur de fait en considérant que plusieurs parcelles sont inaccessibles du fait de l'impossibilité d'utiliser le chemin dit " chemin des Hiérottes ", dès lors qu'une seule parcelle est concernée ;

- le tribunal a commis une erreur de fait en considérant que des parcelles sont inaccessibles du fait de l'impossibilité d'utiliser le chemin dit " chemin des Hiérottes ", dès lors que des passages pour y accéder existent déjà de sorte qu'il n'existe aucun problème d'inaccessibilité.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 3 décembre 2021 le 5 septembre 2023, la commune de Dommartin-aux-Bois, représentée par l'association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle Gartner Avocats associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... et de la SCEA A... le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Durup de Baleine, président,

- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Luisin, pour M. A... et la SCEA A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 février 2019, le maire de Dommartin-aux-Bois a mis en demeure M. C... A... et la société civile d'exploitation (SCEA) A..., dont il est le gérant, de rétablir l'assiette des chemins ruraux dit chemin des Hiérottes et la Passée des Grands Côtés afin d'y rétablir la libre circulation. M. A... et la SCEA A... relèvent appel du jugement du 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Aux termes de l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ". Aux termes de l'article L. 161-5 de ce même code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ".

3. En premier lieu, un seul des deux éléments indicatifs figurant à l'article L. 162-2 du code rural et de la pêche maritime, soit l'utilisation du chemin comme voie de passage ou l'accomplissement réitéré d'actes de surveillance et de voirie de la part de l'autorité municipale, suffit à faire présumer l'affectation à l'usage du public. Par ailleurs, la circonstance que des chemins ruraux ne seraient plus affectés à l'usage du public ne fait pas obstacle à ce qu'une commune décide de les affecter de nouveau à cet usage en accomplissant les actes de surveillance et de voirie nécessaires.

4. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la commune n'a pas renoncé à l'usage des deux chemins en litige au profit des exploitants des parcelles agricoles contigües. S'agissant, tout d'abord, du chemin des Hiérottes, s'il ressort du courrier de la commune en date du 20 mars 1993 que le chemin était alors en friche et non-entretenu, cette seule circonstance ne permet pas d'établir son abandon par la commune, dès lors, d'une part, que celle-ci n'était pas tenue à une obligation d'entretien et, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à cette époque, l'emprise et le tracé de ce chemin rural n'auraient plus été visibles. Il résulte de ce même courrier que, si la commune avait autorisé M. A... à défricher une partie du chemin, elle ne l'avait, pour autant, pas autorisé à en cultiver l'assiette, ni n'avait renoncé à affecter cette partie à la circulation du public, dès lors qu'il avait été expressément indiqué à M. A... que ce chemin rural devait rester accessible, quand bien même les portes d'accès en seraient munies d'un cadenas.

5. Il ressort également des pièces du dossier que, par deux fois, oralement le 12 avril 2014 puis par un courrier du 27 juillet 2015, concernant les deux chemins ruraux en l'espèce en cause, la commune a rappelé aux requérants que leurs cultures empiétaient irrégulièrement sur l'emprise de ces chemins et y a demandé le rétablissement de la libre circulation.

6. S'agissant du chemin de la Passée des Grands Côtés, si les requérants se prévalent d'une exploitation continue depuis 1977, cette exploitation était, toutefois, irrégulière. A cet égard, si le courrier du maire du 5 avril 1984 les autorisait à défricher la parcelle A 653, contigüe à ce chemin rural, sur une superficie d'un hectare et quarante ares, cette superficie ne couvrait pas ce chemin rural lui-même. En outre, ce courrier, qui n'autorise pas à étendre l'exploitation agricole sur l'assiette de ce chemin, est, en fait, postérieure de près de sept ans au début de cette exploitation irrégulière. De plus, il ressort tant de l'article 6 du cahier des charges du 25 février 1956 que du bail à ferme de M. B... que les exploitants étaient tenus de laisser un passage sur une largeur d'au moins quatre mètres sur toute la longueur des lots, largeur dont il n'est pas contesté qu'elle correspond au chemin dont s'agit. La circonstance que ce chemin, rétabli, aboutirait à une friche et se trouverait sans issue, est sans incidence sur l'obligation que la commune a fait peser sur les locataires, dont M. A... et la SCEA A... ont repris les droits en 2001, de maintenir libre le passage sur cet itinéraire et, partant, de ne pas l'effacer sur une partie de son tracé en y étendant leur exploitation. Il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commune les aurait autorisés à cultiver ces chemins ruraux ou n'aurait accompli aucun acte de surveillance et de voirie, quand bien même ceux-ci seraient intervenus après plusieurs années d'inaction des autorités communales, aux fins de recouvrer la maîtrise de ces chemins ruraux en vue de les réaffecter à l'usage du public.

7. Par ailleurs, il ressort encore des pièces du dossier que, s'agissant de l'ensemble des chemins ruraux de la commune, cette dernière a, en 2011, demandé à l'ensemble des exploitants agricoles de reconnaitre son droit de propriété sur ces chemins, ce que, pour leur part, les requérants ont fait. La commune a également réitéré sa volonté de maintenir ou rétablir l'affectation au public des chemins ruraux sur son territoire, incluant ceux oubliés et disparus, en publiant dans le journal communal de juillet 2014 un texte sur les règles entourant les chemins ruraux. Elle a également investi dans l'achat de matériel pour assurer l'entretien des chemins ruraux. S'agissant plus particulièrement des deux chemins ruraux en l'espèce en cause, la commune a, par deux fois, en 2014 puis 2015, rappelé aux requérants que leurs cultures empiétaient irrégulièrement sur son emprise et a demandé le rétablissement de la libre circulation. En outre, la plantation en 2017 de haies aux bords de la voie ferrée qui longe le chemin des Hiérottes a rendu inaccessible une parcelle exploitée qui en est contigüe et il est établi que la seule manière d'assurer son accessibilité est, sauf à détruire partie de cette haie, de rétablir la circulation sur ce chemin rural. Il résulte de ces circonstances que la commune de Dommartin-aux-Bois a manifesté sa volonté de maintenir ou rétablir l'affectation au public des chemins ruraux communaux, dont ceux des Hiérottes et de la Passée des Grands Côtés, l'arrêté du 25 février 2019 étant lui-même au nombre des actes de surveillance et de voirie mentionnés à l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime.

8. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la commune n'avait pas renoncé à l'usage du chemin de la Passée des Grands Côtés, en méconnaissance de la règle selon laquelle la désaffectation d'un chemin rural ne résulte que d'un état de fait. Toutefois, s'ils soutiennent que ce chemin était dans un état de désaffectation depuis de nombreuses années, ils n'assortissent pas ce moyen des précisions de fait permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'avait été rendu inaccessible sur une partie de son tracé que par le fait même des requérants, une telle circonstance, irrégulière, ne permettant pas de regarder un chemin rural comme étant désaffecté de fait ni, par suite, comme perdant la qualité de chemin rural. Par suite, le moyen tiré de ce que la désaffectation d'un chemin rural ne résulte que d'un état de fait doit être écarté.

9. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que le tribunal a commis une erreur de fait en considérant que plusieurs parcelles étaient inaccessibles du fait de l'impossibilité d'utiliser le chemin des Hiérottes depuis que des haies ont été plantées aux abords de l'ancienne voie ferrée, alors qu'une seule parcelle, celle des requérants, est concernée, la circonstance ainsi alléguée est toutefois sans incidence sur l'appréciation de la légalité de l'arrêté du 25 février 2019 et l'erreur de fait dont il est fait état quant au nombre de ces parcelles est, par suite, sans incidence sur le bien-fondé de la décision des premiers juges.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal aurait commis une erreur de fait en estimant que les parcelles contiguës aux haies d'arbres plantées aux bords de la voie ferrée qui longe le chemin des Hiérottes sont devenues inaccessibles du fait de cette plantation, sauf à détruire une partie de la haie, dès lors que, s'il existe déjà deux passages permettant d'accéder à ces parcelles, leur aménagement résulte précisément de la destruction de haies, rendue nécessaire par l'impossibilité d'utiliser le chemin des Hiérottes.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et la SCEA A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge solidaire de M. A... et de la SCEA A... le versement à la commune de Dommartin-aux-Bois de la somme de 1 500 euros qu'elle demande à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... et la SCEA A... est rejetée.

Article 2 : M. A... et la SCEA A... verseront solidairement à la commune de Dommartin-aux-Bois la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la SCEA A... et à la commune de Dommartin-aux-Bois.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 octobre 2024

Le président,

Signé : Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au préfet des Vosges en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N°21NC01990


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01990
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : SELARL KNITTEL - FOURAY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;21nc01990 ?
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