Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La caisse d'allocations familiales (CAF) de la Moselle a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née le 9 octobre 2022 par laquelle le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail du 13 mai 2022 portant refus d'autorisation de licenciement de Mme A..., ensemble la décision du 2 décembre 2022 par laquelle ledit ministre, après avoir retiré cette décision implicite de rejet et annulé la décision de l'inspecteur du travail, a confirmé le refus d'autorisation de licenciement de Mme B... A... pour faute, et d'autre part, d'enjoindre au ministre du travail, de la santé et des solidarités d'autoriser le licenciement de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, ou à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision dans ce même délai.
Par un jugement n° 2207715 du 16 juillet 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 2 décembre 2022 du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, qui a refusé l'autorisation de licencier Mme A... et a enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement pour faute de Mme A... sollicitée par la CAF de la Moselle dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2024, Mme B... A..., représentée par Me Mallevays, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2207715 du 16 juillet 2024 du tribunal administratif de Strasbourg et de condamner la CAF de la Moselle à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- Les moyens développés dans la requête d'appel sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet du recours pour excès de pouvoir formé par la caisse d'allocation familiales de la Moselle ;
- En effet, ce jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des faits reprochés au salarié, lesquels ont été dénaturés ;
- Le jugement fait abstraction du véritable acharnement procédural dont fait preuve la CAF de Moselle à son encontre en vue de mettre fin par tous les moyens à son contrat de travail et de l'attitude discriminatoire de l'employeur ;
- Surtout, les pièces versées au débat ne permettent pas de caractériser l'existence d'un harcèlement moral ou d'un comportement insultant de la part de la salariée et les faits reprochés à la salarié ne revêtent pas un caractère suffisant de gravité ;
- Les dispositions de l'article R. 2421-14 du Code du travail n'ont pas été respectées puisque que la CAF de la Moselle a adressé la demande d'autorisation de licenciement à l'inspection du travail plus de quinze jours après la consultation du CSE et plus de trois semaines après le début de la mise à pied conservatoire de Mme A... ;
- L'exécution du jugement du 16 juillet 2024 et l'autorisation attendue par la CAF de la Moselle du licenciement de Mme A... aurait des conséquences difficilement réparables pour une salariée ayant plus de trente ans d'ancienneté.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2024, la caisse d'allocations familiales de la Moselle conclut au rejet de la requête et doit être regardée comme demandant à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- A titre principal, la demande de sursis à exécution doit être jugée comme étant dépourvue d'objet en cas de notification du licenciement de Mme A... préalablement au rendu de l'ordonnance ;
- A titre subsidiaire, aucun des moyens énoncés par Mme A... ne sont de nature à justifier l'annulation du jugement de première instance, ni le rejet des conclusions en annulation de la CAF de la Moselle.
Ces mémoires ont été communiqués à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qui n'a pas produit d'observations.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête n° 24NC02055 enregistrée le 1er août 2024, par laquelle Mme A... a demandé l'annulation du même jugement.
Vu :
- le code de travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martinez, président de chambre ;
- les observations de Me Mallevays, représentant Mme A..., lequel fait valoir notamment que les faits de harcèlement moral allégués et sur lesquels le tribunal s'est fondé largement ne sont pas établis et que, compte tenu de l'ancienneté importante de la salariée, de l'absence d'antécédent disciplinaire et du contexte sanitaire et de la surcharge de travail, le comportement de la salarié n'est pas constitutif d'une faute d'une gravité suffisante justifiant son licenciement ;
- les observations de Me Machelé substituant Me Chastagnol du cabinet FACTORHY, représentant la caisse d'allocations familiales de Moselle, qui fait valoir notamment que l'inspecteur du travail n'ayant pas à ce jour accordé l'autorisation de licenciement sollicitée par l'employeur, celui-ci vient de déposer une demande tendant à assurer l'exécution du jugement attaqué afin d'obliger l'administration à statuer dans les meilleurs délais sur la demande d'autorisation de licenciement de la requérante.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution :
1. Mme A... demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 16 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 2 décembre 2022 par laquelle le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier Mme B... A... et a enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement pour faute de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La caisse d'allocations familiales de la Moselle, qui relève qu'il n'y pas eu notification de licenciement à ce jour, ne conteste plus que cette demande de sursis à exécution conserve un objet.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation pléinière, qui délibèrent en nombre impair. Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et par le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun des moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou à confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.
4. En l'état de l'instruction, compte tenu notamment des explications données par les parties au cours des débats en audience publique relativement aux faits de harcèlement moral, le moyen de l'appelante tiré de ce que le comportement, certes fautif, de la salariée n'est cependant pas, eu égard en particulier à son ancienneté, à l'absence d'antécédent disciplinaire, au contexte sanitaire et de la surcharge de travail, constitutif d'une faute d'une gravité suffisante justifiant son licenciement, paraît de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par la caisse d'allocations familiales de la Moselle et accueillies par ce jugement.
5. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du 16 juillet 2024 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de Mme A..., cette affaire étant inscrite à un rôle d'audience rapproché.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales de la Moselle une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions de la caisse d'allocations familiales de la Moselle, qui est la partie perdante dans la présente instance, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de Mme A... contre le jugement n°2207715 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 juillet 2024, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : La caisse d'allocations familiales de la Moselle versera à Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la caisse d'allocations familiales de la Moselle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la caisse d'allocations familiales de la Moselle, et à la ministre du travail et de l'emploi.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 septembre 2024.
Le premier vice-président de la cour,
président de la 2ème chambre,
Signé : J. Martinez
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 24NC02086