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24/09/2024 | FRANCE | N°22NC02963

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 24 septembre 2024, 22NC02963


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 11 octobre 2021 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires (DISP) de Strasbourg a rejeté le recours administratif préalable formé à l'encontre de la décision par laquelle le président de la commission de discipline de la maison centrale de Clairvaux l'a sanctionné de quatorze jours de cellule disciplinaire le 8 septembre 2021.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 11 octobre 2021 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires (DISP) de Strasbourg a rejeté le recours administratif préalable formé à l'encontre de la décision par laquelle le président de la commission de discipline de la maison centrale de Clairvaux l'a sanctionné de quatorze jours de cellule disciplinaire le 8 septembre 2021.

Par un jugement n° 2102283 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 novembre 2022 et 30 octobre 2023, M. A..., représenté par Me David, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 11 octobre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros TTC à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il n'est pas établi que l'autorité qui a décidé la poursuite de la procédure disciplinaire et que l'autorité qui a présidé le Conseil de discipline disposaient d'une délégation de signature régulièrement publiée et portée à la connaissance des détenus de l'établissement dès lors que l'accessibilité par internet ne peut se substituer à un affichage ;

- le principe d'impartialité a été méconnu par le chef de détention qui a décidé du passage en conseil de discipline ;

- la procédure disciplinaire ne respecte pas les règles du procès équitable prévues par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- la matérialité des faits n'est pas établie ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les propos en cause ne sont pas de nature à constituer une faute ;

- la sanction est disproportionnée ;

- la décision porte atteinte à la dignité humaine.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 26 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,

- et les observations de Me David pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Ecroué depuis le 6 décembre 2013, M. A... a été incarcéré à la maison centrale de Clairvaux du 21 décembre 2020 au 27 novembre 2021. A la suite d'une altercation avec un surveillant, le président de la commission de discipline de la maison centrale de Clairvaux a prononcé à l'encontre de M. A... une sanction disciplinaire de quatorze jours de cellule disciplinaire le 8 septembre 2021. Par une décision du 11 octobre 2021, le directeur interrégional des services pénitentiaires Est-Strasbourg a rejeté le recours administratif préalable formé par M. A... à l'encontre de cette sanction. M. A... relève appel du jugement du 24 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, en application de l'article R. 57-7-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'exercice de ses compétences en matière disciplinaire, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint, à un fonctionnaire appartenant à un corps de catégorie A ou à un membre du corps de commandement du personnel de surveillance placé sous son autorité. " En application de l'article R. 57-7-15 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, figure parmi les compétences du chef d'établissement en matière disciplinaire la décision d'engager des poursuites disciplinaires.

5. En l'espèce, la décision de passage en conseil de discipline a été prise par le lieutenant C... et le conseil de discipline a été présidé par M. D..., directeur adjoint. A cet égard, le 3 mai 2021, le chef d'établissement a donné délégation de signature à M. D... aux fins de présider les commissions de discipline et à M. C... aux fins d'engager des poursuites disciplinaires. Ces délégations ont été régulièrement publiées au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Aube le 4 mai 2021 mis en ligne sur le site internet de la préfecture. Eu égard à l'objet d'une délégation de signature qui, quoique constituant un acte réglementaire, n'a pas la même portée à l'égard des tiers qu'un acte modifiant le droit destiné à leur être appliqué, sa publication au recueil des actes administratifs, qui permet de donner date certaine à la décision de délégation prise par le chef d'établissement, a constitué une mesure de publicité suffisante pour rendre les effets de la délégation de signature opposables aux tiers, notamment à l'égard des détenus de l'établissement pénitentiaire. Par, suite, le moyen tiré de ce que l'acte de poursuite a été signé par une autorité incompétente et le conseil de discipline a été présidé par une autorité incompétente doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la circonstance que le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, sur la base du rapport d'enquête rédigé à la suite du compte rendu d'incident et en application de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue du décret attaqué, l'opportunité de poursuivre la procédure disciplinaire puis prononce le cas échéant, en tant que président de la commission de discipline et en vertu de l'article R. 57-7-7 du même code, les sanctions disciplinaires retenues contre la personne détenue ne méconnaît ni le principe de valeur constitutionnelle du respect des droits de la défense ni le principe général du droit d'impartialité, applicable en matière de procédures administratives disciplinaires. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le lieutenant C..., qui n'a pas rédigé le rapport d'enquête et n'a pas participé au conseil de discipline, aurait fait preuve d'une animosité particulière à l'encontre de M. A..., le moyen tiré du défaut d'impartialité doit être écarté.

7. En troisième lieu, si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, le requérant ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de la décision attaquée, la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième lieu, il ressort du compte-rendu établi quelques minutes après l'incident par le surveillant victime des agissements de M. A..., que ce dernier a insulté à plusieurs reprises le surveillant au moment de la distribution des repas et a jeté une bouteille d'eau dans sa direction. M. A..., qui conteste avoir tenu des propos outrageants, n'apporte aucun élément de nature à contredire sérieusement ce compte rendu, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire (...) le fait, pour une personne détenue : (...) 12° De proférer des insultes, des menaces ou des propos outrageants à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires ". Eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A... lesquels constituent une faute de nature à justifier une sanction, mais également à son comportement général en détention ayant justifié soixante-dix sanctions disciplinaires depuis qu'il a été écroué le 6 décembre 2013 dont trois prononcées le 26 février 2021 pour des faits similaires d'insulte à surveillant ou gradé, la sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire, assortie du sursis, n'apparaît pas disproportionnée.

10. Si M. A... soutient que la décision en litige porte atteinte à la dignité humaine, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé

11. En dernier lieu, M. A... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés en première instance, les moyens tirés de ce que l'identité de l'auteur du compte-rendu d'incident n'est pas établie et la commission de discipline n'était pas composée de manière régulière. Il y a lieu d'écarter ces moyens par l'adoption des motifs retenus, à juste titre, par les premiers juges aux points 3 et 4 de leur jugement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Benoit David et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : M. E...

La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. E...

N° 22NC02963 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02963
Date de la décision : 24/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-24;22nc02963 ?
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