La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2024 | FRANCE | N°22NC02263

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 24 septembre 2024, 22NC02263


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler d'une part la décision du 27 août 2021 par laquelle le chef du département sécurité et détention de la direction interrégionale des services pénitentiaires du Grand Est a ordonné la prolongation de son isolement à compter du 9 septembre 2021, et d'autre part la décision du 27 décembre 2021 par laquelle le ministre de la justice a ordonné la prolongation de son isolement.



Par un jugement nos 2102186 et 2200172 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler d'une part la décision du 27 août 2021 par laquelle le chef du département sécurité et détention de la direction interrégionale des services pénitentiaires du Grand Est a ordonné la prolongation de son isolement à compter du 9 septembre 2021, et d'autre part la décision du 27 décembre 2021 par laquelle le ministre de la justice a ordonné la prolongation de son isolement.

Par un jugement nos 2102186 et 2200172 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 août 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'absence de mention de la durée de la prolongation de l'isolement constitue une irrégularité de nature à priver M. A... d'une garantie ;

- la seconde décision ne pouvait être annulée par voie de conséquence de la première.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2022, M. A..., représenté par Me David, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros TTC sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que la requête du ministre est tardive et, à titre subsidiaire, que les moyens ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 26 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,

- et les observations de Me David pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Ecroué depuis le 6 décembre 2013, M. A... a été incarcéré à la maison centrale de Clairvaux du 21 décembre 2020 au 27 novembre 2021, puis à la maison d'arrêt de Troyes avant d'être transféré à la maison d'arrêt de Châlons-en-Champagne le 13 décembre 2021. M. A... a été placé à l'isolement par une décision du 7 mars 2021 en application des dispositions de l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale. La mesure a été prolongée deux fois puis, par une décision du 27 août 2021, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg a ordonné la prolongation de son placement à l'isolement à compter du 9 septembre 2021 en application des dispositions de l'article R. 57-7-67 du code de procédure pénale. Le 24 décembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé de la prolongation de cette mesure d'isolement du 27 décembre 2021 jusqu'au 27 mars 2022 en application des dispositions de l'article R. 57-7-68 du même code. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 24 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces deux dernières décisions.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811.2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif a été notifié au ministre de la justice le 27 juin 2022. Le délai d'appel expirait donc le lundi 29 août 2022 et la requête d'appel enregistrée le même jour est recevable.

Sur la décision du 27 août 2021 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-66 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement décide de la mise à l'isolement pour une durée maximale de trois mois. Il peut renouveler la mesure une fois pour la même durée. (...) ". L'article R. 57-7-62 dispose que : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-67 du code de procédure pénale alors en vigueur : " Au terme d'une durée de six mois, le directeur interrégional des services pénitentiaires peut prolonger l'isolement pour une durée maximale de trois mois. (...) Cette décision peut être renouvelée une fois pour la même durée ". Selon l'article R. 57-7-68 du même code alors applicable, " Lorsque la personne détenue est à l'isolement depuis un an à compter de la décision initiale, le ministre de la justice peut prolonger l'isolement pour une durée maximale de trois mois renouvelable (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-76 de ce code : " Il peut être mis fin à la mesure d'isolement à tout moment par l'autorité qui a pris la mesure ou qui l'a prolongée, d'office ou à la demande de la personne détenue ".

5. Aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'impose au chef d'établissement qui décide de placer, en vue de maintenir l'ordre public carcéral, ou de prévenir toute atteinte à celui-ci, une personne détenue à l'isolement, de préciser la durée exacte de la mesure, laquelle ne peut en tout état de cause, hors prolongation décidée dans les formes légales et réglementaires, excéder une durée de trois mois. Au demeurant, en vertu de l'article R. 57-7-76 du code de procédure pénale, il peut être mis fin à la mesure soit d'office par l'autorité qui a pris la décision, soit à la demande de la personne détenue. Il appartient ainsi au chef d'établissement de moduler la mesure, qui constitue une mesure de police, et non une sanction disciplinaire, en fonction des impératifs du retour à l'ordre public ou de la prévention du renouvellement des risques de troubles, lesquels impératifs ne sont pas nécessairement déterminables dès l'intervention de la mesure de placement à l'isolement, et sont susceptibles d'évoluer en cours d'exécution de la mesure. En conséquence, le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 27 août 2021 du directeur interrégional des services pénitentiaires Est-Strasbourg plaçant M. A... à l'isolement au motif que cette décision ne prévoyait pas sa durée d'exécution et méconnaissait dans cette mesure l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :

7. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article R. 57-7-67 du code de procédure pénale précité que, compte tenu de la durée totale de la mise à l'isolement de M. A..., la décision de prolonger cette mise à l'isolement relevait, contrairement à ce que soutient le requérant, de la compétence du directeur interrégional des services pénitentiaires. Par ailleurs, la décision du 27 août 2021 a été signée par M. C..., chef du département sécurité et détention qui avait reçu à cet effet une délégation de signature du directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg, par une décision du 12 avril 2021 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Grand Est du 16 avril 2021. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

8. En deuxième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

9. A cet égard, chaque décision de placement à l'isolement, la première comme les décisions ultérieures maintenant le détenu sous ce régime de détention, est fondée sur une appréciation des circonstances de fait existantes à la date à laquelle elle est prise et ne dépend pas des décisions précédentes, y compris en ce qui concerne la détermination de l'autorité compétente pour la prendre, que les dispositions précitées du code de procédure pénale désignent non à raison de celle qui a pris la décision précédente mais en fonction de la durée continue durant laquelle le détenu a été placé sous le régime de l'isolement. Par suite, les décisions successives par lesquelles une même autorité compétente maintient à l'isolement un détenu ne peuvent être regardées comme des mesures d'exécution des décisions précédentes plaçant et maintenant le détenu sous ce régime de détention, qui n'en constituent en aucune manière la base légale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision du 27 août 2021 serait illégale du fait de l'illégalité des décisions initiales de placement et de maintien en rétention doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-64 du même code : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. Le chef d'établissement peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue et à son avocat les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires. / Si la personne détenue ne comprend pas la langue française, les informations sont présentées par l'intermédiaire d'un interprète désigné par le chef d'établissement. Il en est de même de ses observations, si elle n'est pas en mesure de s'exprimer en langue française. / Les observations de la personne détenue et, le cas échéant, celles de son avocat sont jointes au dossier de la procédure. Si la personne détenue présente des observations orales, elles font l'objet d'un compte rendu écrit signé par elle. / Le chef d'établissement, après avoir recueilli préalablement à sa proposition de prolongation l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement, transmet le dossier de la procédure accompagné de ses observations au directeur interrégional des services pénitentiaires lorsque la décision relève de la compétence de celui-ci ou du ministre de la justice. / La décision est motivée. Elle est notifiée sans délai à la personne détenue par le chef d'établissement. ".

11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, ainsi que l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale, le directeur interrégional des services pénitentiaires a recueilli l'avis écrit du médecin intervenant au sein de la maison centrale de Clairvaux préalablement à sa proposition de prolongation de l'isolement de M. A.... Cet avis a été rendu le 28 juillet 2021. Par ailleurs, ni ces dispositions, ni aucun autre texte, ne prescrivent à peine d'irrégularité de la procédure la communication à la personne détenue de cet avis médical.

12. En quatrième lieu, la prolongation du placement à l'isolement de M. A..., ayant été décidée contre son gré, elle constitue une mesure de police destinée à prévenir les atteintes à la sécurité publique. Il appartient à l'autorité prenant une telle décision d'examiner, sous le contrôle du juge, si le comportement du détenu, apprécié à la date de la décision attaquée, révèle des risques de troubles incompatibles avec son retour au régime ordinaire de détention. A cet égard, le juge administratif ne peut censurer l'appréciation portée par l'administration pénitentiaire quant à la nécessité d'une telle mesure qu'en cas d'erreur manifeste.

13. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige est fondée sur les insultes et menaces réitérées de M. A... à l'encontre du personnel carcéral dont des menaces de mort proférées à l'encontre de l'adjoint au chef de détention en mars 2021, du fait qu'un risque de passage à l'acte violent ne peut être exclu. M. A... n'apporte aucun élément de nature à venir contredire les motifs sur lesquels le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg a fondé sa décision de prolongation d'isolement. Par suite, et compte tenu de la dangerosité de l'intéressé, c'est sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation, que le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg a prononcé la prolongation du placement à l'isolement de M. A... à compter du 27 août 2021.

14. En cinquième lieu, la décision de placer une personne détenue à l'isolement ou de prolonger une telle mesure ne constitue pas une sanction disciplinaire, mais une mesure de police administrative tendant à assurer le maintien de l'ordre public et de la sécurité au sein de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions. Par suite, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la méconnaissance du principe non bis in idem ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de telles décisions.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Eu égard à la nature d'une mesure de placement d'office à l'isolement et à l'importance de ses effets sur la situation du détenu qu'elle concerne, l'administration pénitentiaire doit veiller, à tout moment de son exécution, à ce qu'elle n'ait pas pour effet, eu égard notamment à sa durée et à l'état de santé physique et psychique de l'intéressé, de créer un danger pour sa vie ou de l'exposer à être soumis à un traitement inhumain ou dégradant.

16. Si M. A... soutient que son maintien à l'isolement constituerait une traitement inhumain eu égard à son état de santé, il n'établit pas qu'une telle décision l'empêcherait de bénéficier d'une prise en charge adaptée aux pathologies dont il allègue souffrir. Par ailleurs, il ne démontre pas en quoi ses conditions d'isolement constitueraient en elles-mêmes un traitement inhumain et dégradant, en se contentant d'alléguer que les infrastructures sont dégradées, alors au surplus que l'isolement d'un détenu ne se traduit pas par un isolement complet, l'intéressé conservant son droit à l'information, aux visites, à la correspondance, à la promenade quotidienne et à l'exercice du culte. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg du 27 août 2021.

Sur la décision du 27 décembre 2021 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

18. Il résulte de ce qui a été dit au point 17 que le garde des sceaux est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que la décision du 27 décembre 2021 devait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 27 août 2021.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :

19. En premier lieu, la décision a été signée par Mme E..., directrice des services pénitentiaires, cheffe de la section régimes de détention et évaluation des normes à laquelle, par un arrêté du 1er décembre 2021, publié au journal officiel du 4 décembre suivant, le directeur de l'administration pénitentiaire a donné délégation à effet de signer tous actes, arrêtés et décisions, au nom du garde des sceaux, dans la limite de ses attributions, actes au nombre desquels figure la décision contestée. Par, suite, le moyen tiré de ce que la mesure de prolongation de l'isolement a été signée par une autorité incompétente doit être écarté.

20. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, le directeur de l'établissement a informé M. A... de ce qu'il envisageait de demander au ministre de la justice la prolongation de son placement à l'isolement et des motifs justifiant cette demande. Cette lettre, qui informait également l'intéressé de ses droits à présenter des observations écrites ou orales, de se faire assister ou représenter par un avocat et de consulter les pièces relatives à la procédure, dans le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale lui a été notifiée le même jour à 16 heures 30 et, alors qu'il a refusé de signer la notification, il a présenté des observations écrites le 16 décembre suivant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 57-7-64 doit être écarté.

21. En troisième lieu, la décision du 27 décembre 2021 prolongeant la mesure d'isolement cite les dispositions pertinentes du code de procédure pénale, comporte l'indication des faits imputés à M. A... et précise qu'une telle mesure s'avère nécessaire et constitue le meilleur moyen de garantir la sécurité des personnels et de prévenir tout incident. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.

22. En quatrième lieu, la prolongation du placement à l'isolement de M. A..., ayant été décidée contre son gré, elle constitue une mesure de police destinée à prévenir les atteintes à la sécurité publique. Il appartient à l'autorité prenant une telle décision d'examiner, sous le contrôle du juge, si le comportement du détenu, apprécié à la date de la décision attaquée, révèle des risques de troubles incompatibles avec son retour au régime ordinaire de détention. A cet égard, le juge administratif ne peut censurer l'appréciation portée par l'administration pénitentiaire quant à la nécessité d'une telle mesure qu'en cas d'erreur manifeste.

23. Il ressort des pièces du dossier que la prolongation de mise à l'isolement de M. A... est fondée sur son parcours carcéral émaillés d'incidents disciplinaires, les insultes et menaces répétées à l'encontre des personnels pénitentiaires lorsqu'il était détenu à la maison centrale de Clairvaux, des menaces écrites proférées à l'encontre des personnels de santé de la maison d'arrêt de Châlons-en-Champagne et de son comportement imprévisible ne pouvant exclure un risque de passage à l'acte violent. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à venir contredire les motifs sur lesquels le garde des sceaux, ministre de la justice a fondé sa décision de prolongation d'isolement. Par suite, et compte tenu de la dangerosité de l'intéressé, c'est sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation que le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé la prolongation du placement à l'isolement de M. A... à compter du 27 décembre 2021.

24. En cinquième lieu, l'isolement d'un détenu ne se traduit pas par un isolement complet dès lors que l'intéressé conservant son droit à l'information, aux visites, à la correspondance, à la promenade quotidienne et à l'exercice du culte. Dès lors, eu égard à la nécessité de la mesure, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

25. En sixième lieu, il ne résulte pas des dispositions prévoyant la mise à l'isolement, et notamment de l'article 726-1 du code de procédure pénale précité, que cette mesure doit être appliquée exclusivement de tout autre mesure de gestion sécurisée.

26. En dernier lieu, si M. A... soutient qu'un placement à l'isolement n'était pas compatible avec son état de santé, les certificats médicaux qu'il produit mentionnant la nécessité d'une prise en charge spécifique ne suffisent pas à l'établir. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que lorsqu'il a été sollicité pour rendre son avis médical en application de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale, le médecin de l'établissement a exercé son droit de retrait eu égard à l'attitude menaçante de M. A....

27. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé sa décision du 27 décembre 2021.

Sur les frais d'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 2102186 et 2200172 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. B... A... et à Me Benoit David.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : M. D...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. D...

N° 22NC02263 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02263
Date de la décision : 24/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 27/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-24;22nc02263 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award