Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2024, sous le n° 24NC01899, M. B... A..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 18 mars 2024 par laquelle le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au préfet du Jura, d'une part, de lui délivrer, dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l'ordonnance à intervenir, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler valable jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir dans la procédure au fond, d'autre part, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision en litige l'empêche de poursuivre sa formation du fait de la rupture de son contrat de professionnalisation, fait obstacle à son recrutement par son ancien employeur, le prive de ressources et, ne pouvant plus acquitter ses loyers, le contraint à devoir quitter son appartement ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige ;
- le préfet du Jura, qui ne renverse pas la présomption d'authenticité des documents d'état civil joints à la demande de titre de séjour, a commis une erreur d'appréciation sur la validité de ces actes et a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnait les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 31 juillet 2024, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens invoqués par M. A..., qui ne sont pas fondés, ne sont pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Vu :
- la requête n° 24NC01874 par laquelle M. A... fait appel du jugement n°2400659 du tribunal administratif de Besançon du 30 mai 2024 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2024 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant un an.
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a désigné M. Meisse, premier conseiller, comme juge des référés en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse, juge des référés, a été entendu au cours de l'audience publique du 1er août 2024.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique du 1er août 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Se disant ressortissant malien né le 7 avril 2004, M. B... A... a déclaré être entré en France, le 2 septembre 2020, à l'âge de 16 ans et 5 mois. A la suite d'une ordonnance de placement provisoire, prise le jour même par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Besançon, puis d'un jugement portant ouverture d'une tutelle complète pour un mineur, rendu le 29 octobre 2020 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, il a été confié jusqu'à sa majorité aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Jura. Le 15 mars 2022, le requérant a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 mars 2024, dont la légalité a été confirmée par le jugement n° 2400659 du tribunal administratif de Besançon du 30 mai 2024, le préfet du Jura a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant un an. Enregistré sous le n° 24NC01874 et actuellement pendant devant la cour, un appel contre le jugement du tribunal administratif de Besançon a été formé par M. A.... Par la présente requête, enregistrée sous le n° 24NC01899, l'intéressé demande au juge des référés de la cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du 18 mars 2024 en tant qu'il porte refus délivrance d'un titre de séjour.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. ". Aux termes du second alinéa de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 : " L'admission provisoire est accordée par la juridiction compétente ou son président (...), soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été statué. ".
3. En raison de l'urgence résultant de l'application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, alors qu'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'aide juridictionnelle, il y a lieu d'admettre d'office M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sur le fondement de ces dispositions.
Sur les conclusions à fin de suspension :
4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. ".
5. D'une part, la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Cette condition d'urgence est, en principe, constatée dans le cas d'un refus de renouvellement de titre de séjour. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse.
6. Il résulte de l'instruction que la décision en litige, qui a pour effet de placer M. A... dans une situation irrégulière, fait obstacle à la poursuite du contrat de professionnalisation qu'il a conclu avec une entreprise du bâtiment pour la période allant du 25 mars 2024 au 24 mars 2025, le prive de ses ressources et, faute de pouvoir acquitter son loyer d'un montant mensuel de 350,49 euros, de son logement. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme justifiant de l'existence d'une situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
7. Eu égard à la présomption d'authenticité des actes d'état-civil instituée à l'article 47 du code civil, au parcours scolaire et professionnel de M. A... et à ses perspectives d'intégration, les moyens tirés de ce que le préfet du Jura a commis respectivement une erreur d'appréciation sur la validité des documents produits par l'intéressé pour justifier de son état-civil et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 18 mars 2024 portant refus de délivrance d'un titre de séjour
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. ". L'exécution de la présente ordonnance implique nécessairement que l'autorité administrative délivre à M. A... une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler, valable jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir sur la requête n° 24NC01874. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Jura de délivrer cette autorisation dans un délai de huit jours suivant la notification la présente ordonnance.
Sur les frais de justice :
9. M. A... ayant été admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son conseil peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Sous réserve de l'admission définitive de l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, la somme de 600 euros TTC au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : L'exécution de la décision du 18 mars 2024 par laquelle le préfet du Jura a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Jura de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, valable jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir sur la requête n° 24NC01874 dans un délai de huit jours suivant la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : Sous réserve de l'admission définitive de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, l'Etat versera à Me Dravigny, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, la somme de 600 euros TTC en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Jura.
Fait à Nancy, le 5 août 2024.
Le juge des référés,
Signé : E. MEISSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
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N° 24NC01899