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23/07/2024 | FRANCE | N°23NC02924

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 23 juillet 2024, 23NC02924


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2023 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant deux ans.



Par un jugement n° 2302631 du 11 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé la

décision portant fixation du pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de cette de...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2023 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 2302631 du 11 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision portant fixation du pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

M. D... a également demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2023 par lequel le préfet de la Moselle a fixé à nouveau le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 2 septembre 2023.

Par un jugement n° 2303030 du 23 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2023, sous le n° 23 NC02924, M. E... D..., représenté par Me Issa, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2302631 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy du 11 septembre 2023 en tant qu'il s'est borné à annuler la décision portant fixation du pays de destination du 2 septembre 2023 et a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour en France pendant deux ans ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Moselle du 2 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour en France pendant deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée du fait de l'annulation par le premier juge de la décision portant fixation du pays de destination, qui en constitue la substance même ;

- cette décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il ne présente pas de risque de fuite ;

- la décision portant interdiction de retour en France est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation eu égard à la durée de l'interdiction et à l'existence de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure ;

- le préfet de la Moselle a également commis une erreur d'appréciation en estimant que son comportement constituerait une menace à l'ordre public ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de la Moselle qui n'a pas défendu dans cette instance.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.

II. Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2023, M. E... D..., représenté par Me Blanvillain, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2303030 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 23 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 13 octobre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté du 13 octobre 2023 a été pris par une autorité incompétente ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC02924 et 23NC03428, présentées pour M. E... D..., concernent la situation d'un étranger au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Se disant ressortissant kosovare et serbe, né le 23 juin 1995, M. D... a déclaré être entré irrégulièrement en France le 6 juin 2016. Le 9 juin suivant, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 juin 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 30 janvier 2018. Estimant que l'intéressé ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, le préfet de l'Allier a pris à son encontre le 11 juin 2018, une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Le réexamen de sa demande d'asile, sollicité par M. D..., s'est également heurté à un refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 février 2021, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 8 décembre 2022. A la suite de son placement en garde à vue, le 1er septembre 2023, pour des faits de violences conjugales sans incapacité de travail, le préfet de la Moselle, par un arrêté du 2 septembre 2023, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. Alors placé au centre de rétention administrative de Metz, M. D... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2023. Il relève appel du jugement n° 2302631 du 11 septembre 2023 en tant qu'il s'est borné à annuler la décision portant fixation du pays de destination et a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour en France pendant deux ans. Le préfet de la Moselle ayant, le 13 octobre 2023, pris une nouvelle décision portant fixation du pays de destination, M. D... relève également appel du jugement n° 2303030 du 23 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne l'arrêté du 2 septembre 2023 :

S'agissant des moyens communs aux décisions contestées :

3. D'une part, contrairement aux allégations de M. D..., les décisions en litige, qui énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent, sont suffisamment motivées. Par suite, alors que le préfet de la Moselle n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments se rapportant à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. D'autre part, il ne résulte, ni des motifs des décisions en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet de la Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier et circonstancié de la situation de M. D.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut qu'être écarté.

S'agissant des autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

6. Il est constant que la décision en litige n'a pas été prise en application de la décision du même jour portant fixation du pays de destination, laquelle n'en constitue pas davantage la base légale. Dans ces conditions, contrairement aux allégations de M. D..., l'annulation par le premier juge de cette dernière décision ne saurait avoir pour effet d'entraîner l'annulation par voie de conséquence de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. D... fait valoir qu'une partie de sa famille, dont ses trois frères et sa sœur, résident régulièrement sur le territoire français en qualité de réfugiés. Il se prévaut également de la présence en France de sa mère, de sa compagne et de leurs deux enfants, nés les 8 juin 2013 et 21 juin 2016. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant, arrivé sur le territoire français le 6 juin 2016, a fait l'objet, le 11 juin 2018, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. L'intéressé, qui est hébergé par un de ses frères et qui indique être dépourvu de ressources, ne justifie pas d'une intégration particulière en France. Outre qu'il a été placé en garde à vue, le 1er septembre 2023, pour des faits de violences conjugales, le préfet de la Moselle soutient, sans être contredit, que M. D... est défavorablement connu des services de police pour des faits de recel de biens provenant d'un vol, de violence commise en réunion, d'usage illicite de stupéfiants et de conduite d'un véhicule sans permis. La compagne du requérant étant également en situation irrégulière, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en dehors de la France, notamment en Serbie, pays dont l'intéressé a la nationalité et sur le territoire duquel il n'établit pas être isolé. S'il fait valoir que ses deux enfants sont scolarisés, qu'il est titulaire d'une promesse d'embauche, datée du 30 août 2023, en vue de l'occupation d'un poste de plaquiste en contrat à durée indéterminée et que, n'ayant fait l'objet d'aucune condamnation ou poursuite pénale, son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public, de telles circonstances ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour. Par suite, alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause.

9. En troisième lieu, eu égard notamment aux circonstances qui ont été analysées au point précédent, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, le moyen invoqué en ce sens doit être écarté.

S'agissant des autres moyens dirigés contre la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...). ".

11. A supposer même que le comportement de M. D... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public et que celui-ci présenterait des garanties de représentation suffisantes, il n'est pas contesté que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant, pour ce motif, qu'il existait un risque de fuite et en refusant d'accorder un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen invoqué en ce sens doit être écarté.

S'agissant des autres moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour en France pendant deux ans :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

14. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer à l'encontre de M. D... une interdiction de retour en France de deux ans, le préfet de la Moselle a retenu que l'intéressé, qui est entré en France en juin 2016, ne justifie pas de liens personnels et familiaux intenses et stables en France, ni de circonstances humanitaires susceptibles de conduire l'autorité administrative à ne pas prononcer une telle mesure, qu'il ne justifie pas avoir exécuté une précédente mesure d'éloignement, que, ayant été placé en garde à vue pour des faits de violences conjugales, son comportement constitue une menace pour l'ordre public et, enfin, qu'il est défavorablement connu des services de police pour des faits de recel de biens provenant d'un vol, d'usage illicite de stupéfiants, de violence commise en réunion, d'usage illicite de stupéfiants et de conduite d'un véhicule sans permis.

15. D'une part, eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 8 du présent arrêt, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que M. D... ne justifiait pas de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction de la décision en litige. D'autre part, à supposer même que le préfet ait estimé à tort que le comportement de l'intéressé présentait une menace pour l'ordre public, il résulte de l'instruction que l'autorité administrative aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur les autres éléments qu'elle a retenus, lesquels ne sont pas démentis par les pièces du dossier. Par suite, compte tenu des conditions du séjour en France de M. D..., le préfet de la Moselle a pu, sans commettre une erreur d'appréciation, fixer à deux ans la durée l'interdiction prise à son encontre.

En ce qui concerne l'arrêté du 13 octobre 2023 :

16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 13 octobre 2023 a été signé, " pour le préfet ", par Mme H... F..., cheffe du bureau du contentieux et de l'intégration. Or, par un arrêté du 9 octobre 2023, régulièrement publié le lendemain au recueil des actes administratif de la préfecture, le préfet de la Moselle a consenti à Mme F... une délégation de signature à l'effet de signer l'ensemble des actes se rapportant aux matières relevant de la direction, de l'immigration et de l'intégration, à l'exception des arrêtés prononçant l'expulsion d'un étranger en application des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'exercice de la compétence ainsi déléguée à l'intéressée est subordonné à l'absence ou à l'empêchement simultané de M. B... G..., directeur de l'immigration et de l'intégration, et de M. C... A..., directeur adjoint, chef du bureau de l'admission au séjour, il n'est pas établi, ni même allégué, que cette condition n'était pas remplie en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

18. L'arrêté en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Il est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, alors que le préfet de la Moselle n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments se rapportant à la situation personnelle et familiale de M. D..., le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

19. En troisième lieu, il ne résulte, ni des motifs de l'arrêté en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de la Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier et attentif de la situation personnelle de M. D... avant de fixer le pays de renvoi. En particulier, il n'est pas contesté que le préfet a interrogé les autorités serbes, qui ont reconnu l'intéressé comme leur ressortissant le 6 septembre 2023 et ont délivré un laissez-passer consulaire le 28 septembre 2023. De même, le préfet de la Moselle a entrepris des démarches auprès des autorités kosovares le 10 octobre 2023 afin de vérifier la nationalité kosovare alléguée du requérant en vue d'un possible éloignement vers le Kosovo. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.

20. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

21. M. D... fait valoir que, étant de nationalité kosovare et d'origine ethnique rom, il risque d'être exposé, en cas de renvoi en Serbie, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, le requérant, qui est titulaire d'une carte d'identité serbe, dont le caractère frauduleux n'est pas démontré, n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. Par suite, alors que, au demeurant, les demandes d'asile et de réexamen de l'intéressé ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, les magistrats désignés par le président du tribunal administratif de Nancy se sont bornés à annuler la décision du 2 septembre 2023 portant fixation du pays de destination et ont rejeté le surplus des conclusions de ses demandes, ni à demander l'annulation du surplus de l'arrêté du 2 septembre et de l'arrêté du 13 octobre 2023, ni. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

La présidente,

Signé : S. BAUER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC02924 et 23NC03428 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02924
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : ISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;23nc02924 ?
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