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23/07/2024 | FRANCE | N°22NC02447

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 23 juillet 2024, 22NC02447


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Jet 51 a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 juillet 2021 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un agrément relatif à l'initiation et à la randonnée encadrée en véhicule nautique à moteur sur le Rhin, ensemble la décision du 19 novembre 2021 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision.



Par un j

ugement n° 2108896 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Jet 51 a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 juillet 2021 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un agrément relatif à l'initiation et à la randonnée encadrée en véhicule nautique à moteur sur le Rhin, ensemble la décision du 19 novembre 2021 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n° 2108896 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juillet 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Jet 51 devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Il soutient :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges n'ont pas répondu à ses moyens en défense ;

- le jugement est insuffisamment motivé.

S'agissant de la légalité de la décision du 6 juillet 2021 :

- elle ne méconnaît ni la convention révisée pour la navigation sur le Rhin du 17 octobre 1868 ni l'article L. 4261-1 du code des transports.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2022, le 12 janvier 2023 et le 21 février 2023, la SAS Jet 51, représentée par Me Iochum, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention révisée pour la navigation sur le Rhin du 17 octobre 1868 ;

- le code des transports ;

- le règlement de police pour la navigation sur le Rhin ;

- l'arrêté inter préfectoral du 11 juillet 2016 portant sur des mesures temporaires de modification des conditions de la navigation liées à l'autorisation de la pratique du ski nautique et de la pratique d'équipements tractés par bateau entre les PK 171,00 et 352,07 sur le secteur franco-allemand du Rhin ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Jet 51 (ci-après la " SAS Jet 51 ") a déposé le 24 mars 2021 une demande d'agrément en vue d'implanter une base d'initiation et de randonnée en véhicules nautiques à moteur (également appelés " jet-ski ") entre les points kilométriques 275 et 276,8 du Rhin canalisé. Par une décision du 6 juillet 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer cet agrément. Par une décision du 19 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a rejeté le recours gracieux formé par la société requérante le 1er septembre 2021 contre cette décision. Par un jugement n° 2108896 du 26 juillet 2022 dont le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires interjette appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces décisions et enjoint à la direction départementale des territoires du Bas-Rhin de délivrer à la SAS Jet 51 un agrément relatif à l'initiation et à la randonnée encadrée en véhicule nautique à moteur sur le Rhin dans le délai de deux mois. Par une ordonnance n° 22NC02448 du 27 décembre 2022, le président de la première chambre de la cour, statuant sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative a sursis à l'exécution du jugement du 26 juillet 2022.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu aux moyens en défense contenus dans les écritures de la préfète du Bas-Rhin et a suffisamment motivé son jugement, conformément à l'article L. 9 du code de justice administrative. Par suite, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur les moyens retenus par le tribunal administratif :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1. 02 du règlement de police pour la navigation sur le Rhin :

3. Aux termes de l'article L. 4261-1 du code des transports : " La navigation du Rhin est régie : 1° Par la convention internationale signée à Mannheim le 17 octobre 1868 pour la navigation du Rhin et les règlements pris pour son application par la Commission centrale pour la navigation du Rhin ; 2° Et, en tant qu'elles n'y sont pas contraires, par les dispositions du présent livre ". Aux termes de l'article 1.02 du règlement de police pour la navigation sur le Rhin, pris pour l'application de la convention internationale de Mannheim du 17 octobre 1868 : " Tout bâtiment ainsi que tout matériel flottant doit être placé sous l'autorité d'une personne ayant l'aptitude nécessaire à cet effet. Cette personne est appelée ci-après "conducteur". Le conducteur est réputé avoir l'aptitude requise lorsqu'il est titulaire d'une patente du Rhin pour le type et les dimensions du bâtiment qu'il conduit et pour le secteur qu'il parcourt, d'un autre certificat de conduite admis en vertu du Règlement relatif au personnel de la navigation sur le Rhin ou d'un certificat de conduite reconnu équivalent en vertu du Règlement relatif au personnel de la navigation sur le Rhin, pour le type et les dimensions du bâtiment qu'il conduit. Pour les certificats reconnus équivalents, il doit en outre posséder sur certains secteurs l'attestation de connaissances de secteur exigée en vertu du Règlement relatif au personnel de la navigation sur le Rhin. Si plusieurs conducteurs sont prescrits pour un bâtiment conformément au Règlement relatif au personnel de la navigation sur le Rhin, seul le conducteur sous l'autorité duquel le bâtiment est placé doit posséder l'attestation de connaissances de secteur pour le secteur concerné ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté inter préfectoral du 11 juillet 2016 portant sur des mesures temporaires de modification des conditions de la navigation liées à l'autorisation de la pratique du ski nautique et de la pratique d'équipements tractés par bateau entre les PK 171,00 et 352,07 sur le secteur franco-allemand du Rhin : " La circulation et l'évolution des véhicules nautiques à moteur sont autorisées sur le secteur de Erstein-Plobsheim / Meissenheim entre les PK 275,0 et 276,8 du Rhin Canalisé, bief de Strasbourg sous condition du strict respect du règlement de police pour la navigation du Rhin ".

4. Pour rejeter la demande d'agrément en vue de l'exploitation d'une activité d'initiation et randonnée encadrée en véhicule nautique à moteur présentée par la SAS Jet 51, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur la circonstance que le dirigeant de cette société ne disposait pas d'une patente du Rhin ou d'un certificat de conduite reconnu équivalent par les dispositions de l'article 1.02 précité lui permettant d'accompagner des élèves en situation d'apprentissage. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision du 19 novembre 2021 que le dirigeant de la SAS Jet 51est titulaire d'un titre français l'autorisant en tant que moniteur diplômé à accompagner un maximum de quatre véhicules nautiques à moteur. Toutefois, il n'est ni établi ni même sérieusement allégué que ce titre français constitue un certificat de conduite au sens des dispositions précitées de l'article 1. 02. Ainsi la préfète du Bas-Rhin n'a pas fait une inexacte application des dispositions en prenant la décision attaquée.

En ce qui concerne le moyen tiré du risque que représente l'activité de la SAS Jet 51 pour la sécurité publique :

5. La seule circonstance que la circulation commerciale soit intense entre les PK 275,0 et 276,8 du Rhin Canalisé, bief de Strasbourg et que les clients de la SAS Jet 51 n'aient pas l'aptitude nécessaire pour circuler sur la zone en question n'est pas de nature à justifier le refus de l'agrément sollicité dès lors que l'arrêté inter préfectoral du 11 juillet 2016 autorise la circulation des véhicules nautiques à moteur dans ce secteur.

6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le motif tiré du risque pour la sécurité publique est entaché d'erreur de droit. Mais la préfète du Bas-Rhin s'est également et régulièrement fondée pour rejeter la demande de la SAS Jet 51, sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article 1.02 du règlement de police pour la navigation sur le Rhin. Enfin il résulte de l'instruction que le directeur départemental des territoires du Bas-Rhin aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur ce dernier motif.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a retenu ces moyens pour annuler la décision du 6 juillet 2021. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Jet 51 à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.

8. Si la SAS Jet 51 soutient que l'administration a commis une erreur de droit en estimant que ses clients ne posséderont pas les aptitudes requises par la règlementation de police pour la navigation sur le Rhin, ce moyen doit être écarté pour les motifs exposés aux points 3 et 4 ci-dessus.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 6 juillet 2021 de la préfète du Bas-Rhin, ensemble la décision de cette autorité rejetant le recours gracieux formé par la SAS Jet 51 sans qu'il soit besoin de statuer sur sa demande de substitution de motifs.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la SAS Jet 51 la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la SAS Jet 51 devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Jet 51 présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la SAS Jet 51.

Copie en sera adressée à la Commission centrale pour la navigation du Rhin.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Sibileau, premier conseiller

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC02447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02447
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : IOCHUM-GUISO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;22nc02447 ?
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